L'Éveil de Pont-Audemer

Elodie revit après une double greffe

Témoignage à Thierville un mois après son opération

- Edouard Kerfriden

C’est une miraculée. Sans un don d’organe providenti­el, Elodie Prévost ne pourrait plus serrer dans ses bras ses trois enfants, Saona, Thays et Joy. Une double greffe du foie et du rein droit, réalisée le 6 août dernier, lui permet désormais d’envisager la vie avec optimisme.

Elodie, qui habite Thierville, et sa soeur Cindy sont bien connues à Pont-Audemer, où elles tenaient le parc de jeux pour enfants S’prit d’Aventurier, avant que la maladie d’Elodie ne les oblige à fermer les portes de l’établissem­ent.

La maladie d’Elodie est peu connue, et pourtant elle fait des ravages : « Je souffre depuis la naissance d’une polykystos­e, une maladie génétique qui entraîne le développem­ent de nombreux kystes sur différents organes. J’ai pu survivre jusque-là sans trop de problèmes mais ma troisième grossesse a fait empirer les choses. J’avais 9 kg d’organes en trop. Mon foie, mon coeur, mon estomac étaient touchés. Cela fait donc quatre ans que j’étais suivie de manière plus régulière. »

La situation se dégrade

La situation se dégrade tellement que les médecins décident il y a huit mois de placer Elodie sur une liste d’attente pour un don d’organes : « Une greffe est toujours quelque chose de risqué. C’est quitte ou double. Mais cela devenait trop compliqué pour moi de vivre avec la maladie. J’étais épuisée, je ne pouvais plus porter de choses lourdes. Mon choix était très clair, je ne pouvais continuer ainsi. »

Entrée sur liste d’attente en novembre 2016 pour une greffe d’un foie et d’un rein, Elodie doit alors s’armer de patience : « Au début, on est très loin sur la liste, et puis mois après mois, cela se rapproche. Il faut garder en permanence son téléphone à portée de soi, car le coup de fil peut tomber à tout moment. Il faut donc éviter les zones blanches et veiller à ce que le téléphone reste chargé, pour ne pas rater le coup de téléphone qui préviendra que des organes sont disponible­s. »

L’attente est d’autant plus longue que les médecins veulent pour Elodie des organes jeunes et en pleine santé, pour qu’elle puisse vivre avec le plus longtemps possible.

Par ailleurs, Elodie ne doit pas s’éloigner de plus de deux heures de Paris, où se trouve l’hôpital qui doit accueillir sa double greffe. Pendant plusieurs mois, elle vit donc en suspens, attendant avec anxiété le coup de téléphone qui changerait sa vie.

Il arrive finalement le 6 août 2017 à 2 h 22 du matin : « J’ai tout de suite su que c’était ça. A cette heure-là, le doute n’était pas possible ! Une ambulance m’a emmenée sur place. J’étais nerveuse bien sûr, mais aussi heureuse de savoir que l’opération allait enfin avoir lieu. C’était une drôle de sensation. »

Après plusieurs tests, Elodie est emmenée au bloc opératoire à 9 h 30. Pour une opération délicate qui va durer 12 heures au total. Une opération qui se passe bien, mais qui laisse des traces évidemment : « Pour retirer mon foie, qui pesait alors 7 kg, il a fallu écarter mes côtes. Au réveil, je ne sentais rien, grâce à l’effet de la morphine, mais après, la douleur est arrivée. Elle est toujours présente aujourd’hui. »

L’opération se passe tellement bien qu’au bout de 15 jours, Elodie est autorisée à rentrer chez elle. « Ma soeur et mes enfants m’ont beaucoup soutenue pendant toute cette période. Ma famille a vraiment été précieuse. Ma soeur jumelle Cindy est restée à l’hôpital avec moi pendant toute cette période très importante. »

Le retour à la maison, s’il fait du bien à Elodie, n’est pas pour autant une partie de plaisir : « Les douleurs sont toujours importante­s. Je dois prendre 35 cachets par jour suite à la greffe. Des cachets qui provoquent d’intenses effets secondaire­s, comme des tremblemen­ts très forts par exemple. »

La première année suivant la greffe est primordial­e, puisque c’est pendant cette période que le risque de rejet est le plus important : « Pendant un an, il va falloir que je me repose, que je prenne soin de moi. J’ai de la chance d’avoir des enfants formidable­s qui sont aux petits soins avec moi. Ils sont très protecteur­s. Je suis très bien entourée. Les messages de soutien que je reçois sur Facebook, de la part des anciens clients d’S’prit d’Aventurier me font du bien aussi. »

Une pensée pour son donneur

Elodie a bien sûr également une grosse pensée pour la personne dont elle a reçu les organes : « Je la considère comme mon ange gardien. Je ne la connais pas puisque le don doit rester anonyme, mais elle m’a sauvé la vie donc c’est aussi pour elle que je me bats au quotidien, pour que son don ne soit pas vain. J’ai la possibilit­é d’envoyer une lettre à sa famille pour les remercier, ce que je ne manquerai pas de faire. Ils pourront me répondre s’ils le souhaitent. Il faut juste que je veille à ne pas donner d’éléments qui pourraient permettre de m’identifier. »

La seule chose que sait Elodie, c’est que le donneur avait environ son âge, et qu’il était du même groupe sanguin qu’elle. Les conditions indispensa­bles pour une greffe.

Quel est le programme pour elle désormais ? « Je suis heureuse d’être en vie, d’être avec mes enfants. Je vais continuer à me battre pour que cette greffe prenne. Il faut rester positive car 80 % d’une greffe se passe dans la tête. La réussite dépend beaucoup du mental. Je vais profiter de mes amis et de ma famille. Je voudrais remercier ma soeur qui a été là à chaque instant pour moi et qui elle aussi a besoin de repos, après m’avoir soutenu tout au long de cette période difficile. Et merci à tous ceux qui m’ont soutenu via des messages sur Facebook. Je suis très surprise d’avoir autant de réactions à chacun des messages que je laisse. Ça fait vraiment plaisir. »

Elodie entend aussi s’engager en faveur du don d’organes : « Des gens autour de moi ont déjà changé d’avis sur le sujet. Si je peux faire évoluer deux ou trois personnes autour de moi sur cette question, je suis contente. Il faut vraiment avoir en tête l’importance de ces dons. La personne qui m’a donné son foie et son rein a peut-être donné son coeur à une autre personne. Ainsi on peut sauver deux ou trois personnes en donnant ses organes. C’est une décision difficile à prendre pour des familles qui sont dans la détresse mais si la personne décédée leur a fait part auparavant de son désir de donner, sa parole est souvent respectée par ses proches. »

Elodie garde donc le sourire et entend bien continuer à répandre sa bonne humeur autour d’elle : « La vie est belle et il faut profiter de chaque instant, on s’en rend vraiment compte quand on est passé si près du pire », conclut la jeune trentenair­e, plus que jamais décidée à se battre. Un bel exemple pour ses trois enfants, de 4, 6 et 8 ans, qui ne se lassent pas de voir leur maman revenue à la maison, tout simplement.

 ??  ??
 ??  ?? Elodie Prévost a le sourire. Sa double greffe d’un foie et du rein droit lui a permis de retrouver la santé, pour le plus grand bonheur de ses trois enfants, ici réunis dans leur maison à Thierville.
Elodie Prévost a le sourire. Sa double greffe d’un foie et du rein droit lui a permis de retrouver la santé, pour le plus grand bonheur de ses trois enfants, ici réunis dans leur maison à Thierville.

Newspapers in French

Newspapers from France