Six fermetures, deux ouvertures
« Il y a très longtemps qu’il n’y a pas eu autant de fermetures de classes dans l’Eure. Et pourtant Macron avait dit qu’il donnerait priorité à l’école…»
Olivier Bourdon, représentant syndical du SNUIPP-FSU (Syndicat national unitaire des instituteurs, professeurs des écoles et PEGC, affilié à la Fédération syndicale unitaire), est perplexe. Il ne nie pas que le ministère de l’Education nationale a attribué 63 postes sur l’ensemble de l’académie de Rouen. Sauf que le recteur a décidé de n’en accorder que « cinq » pour le département de l’Eure, après le traditionnel jeu des « chaises musicales » ! Explication : « Des zones de l’académie bénéficient de dédoublements en CP et CE1 en REP (Réseau d’éducation prioritaire) et REP +. Pour pouvoir atteindre de tels objectifs, il est nécessaire de fermer des classes ailleurs. » Et c’est là que le bât blesse. Car le nombre de fermetures sur le département de l’Eure atteint également le nombre fétiche de cette année : 63 ! Entre les ouvertures et les fermetures, au final, il ne reste plus que cinq ouvertures réelles dans l’Eure - l’attribution de postes pour les remplacements et les dédoublements en secteur REP ne contribuent pas à ouvrir des classes réelles dans les écoles. Tout cela se traduit, autour de Bernay, par six fermetures (Bernay - école du Bourg-le-Comte -, Beaumontel, Barc, Landepéreuse, Menneval et Montreuil-l’Argillé) pour deux ouvertures (RPI Neuville-sur-Authou et Saint-Germain-la-Campagne).
Jeu comptable
Si le pari du dispositif « plus de maîtres que de classes » prôné par le gouvernement Macron fonctionne par endroits dans le département de l’Eure, ceci l’est au détriment d’autres secteurs plus ruraux qu’urbains. Serait-ce révélateur d’une nouvelle fracture entre la ville et la campagne ? « On a du mal à suivre, admet Olivier Bourdon. Le Dasen (Directeur académique) de l’Eure dit à qui veut bien l’entendre qu’il y a une amélioration. Il sort, par exemple, que 97 % des enseignants absents sont remplacés. Je ne sais pas d’où vient ce chiffre. Et le point noir, notamment pour les secteurs ruraux, reste le Rased (Réseau d’aides spécialisées aux élèves en difficulté) : rien n’a été amélioré ; les changements sont dus à des Maîtres G ou E qui sont déplacés d’une école à une autre, de FerdinandBuisson à Bourg-le-Comte pour Bernay ou de Thiberville à Landepéreuse. »
Plus inquiétant encore, pour le syndicaliste : « Le budget 2018 de l’Education nationale n’est pas à la hauteur des annonces gouvernementales. La preuve : en 2017, il y a eu 13 001 créations de postes ; en 2018, on en annonce seulement 11 840. La crainte des syndicats est que le gouvernement ait recours à nouveau à des contractuels, vu que les postes au concours externe des professeurs des écoles baissent significativement, même si en parallèle il existe une légère baisse d’élèves. Le dédoublement des postes pour les classes de CP et CE1 en zones REP démontre, implicitement, les bienfaits des classes à petit groupe (12 élèves). C’est bien là une contradiction. »
Olivier Bourdon pointe aussi l’empressement exagéré dans l’entérinement de la carte scolaire : « La préparation de la carte scolaire s’est faite en six jours, du 8 au 13 février. Tel est le dialogue social en Macronie. En procédant ainsi, on évite les vagues et les mobilisations. »
Une journée d’action, de grève et de manifestations est d’ores et déjà prévue le 22 mars prochain.
Deux classes sont sur la sellette, dans les écoles de Barc et Beaumontel, c’est ce que révèle un document diffusé ce jeudi 15 février par le conseil départemental de l’Éducation nationale
En théorie, les décisions de suppression de classes ne sont pas définitives. « Certaines situations sont revues à la fin juin, car le Dasen (le directeur académique) a quelques postes sous le coude, huit en tout », comme l’explique Olivier Bourdon, représentant syndical du Snuipp- FSU. Pourtant, la situation des écoles de Barc et Beaumontel semble bien scellée tant les chiffres sont bas.
Des classes de 4 niveaux
Dans la commune d’AnneMarie Lecomte, maire de Beaumontel, les projections font état de 47 enfants pour l’année 2018- 2019. La classe de CP CE1 CE2 pourrait, logiquement, être scindée en deux. En conséquence, deux classes de quatre niveaux pourraient voir le jour. Petite, moyenne, grande section de maternel et CP d’un côté, CE1, CE2, CM1 et CM2 de l’autre, mais rien n’est encore arrêté et, en la matière, les enseignants s’organisent comme ils l’entendent. À première vue, la mission paraît impossible pour le personnel ; assurer quatre cours différents, c’est un surcroît de travail. Néanmoins, la petite école s’y prépare. Déjà l’année dernière, elle avait frôlé une suppression de poste.
« Les maîtresses l’ont déjà fait »
Pour Laetitia Guitton, représentante des parents d’élèves, il faut nuancer. Si la mère de famille ne se réjouit guère de la suppression d’un poste dans l’école, elle note que ce n’est pas la première fois qu’il n’existe que deux classes. « Avoir trois classes, c’est mieux. Maintenant, il faut voir ce que cette suppression va donner », opine-t-elle, « Les maîtresses l’ont déjà fait. Ce serait dérangeant si les classes comportaient trente élèves, mais ce ne sera pas le cas », constate la Beaumonteloise. Jusqu’ici, les effectifs très modestes de CP, CE1 et CE2 (16 enfants) permettaient « un apprentissage au cas par cas », un confort pour les élèves en difficultés. Mais qu’en serat-il dans deux classes, à quatre niveaux ?
Accepter des élèves extérieurs ?
Il y a deux ans, le conseil municipal avait statué contre l’accueil d’élèves en provenances de communes voisines, « pour des raisons financières », comme l’explique Anne-Marie Lecomte. « 50 % des enfants venaient de l’extérieur mais les communes voisines ne payaient pas de participation, il n’y avait pas de raison que Beaumontel paie tout ». Toutefois, devant le tassement des effectifs, l’assemblée municipale pourrait revoir sa position. « C’est une question dont il faudra discuter », concède la première magistrate. Cependant, même une dizaine d’inscriptions pour la rentrée de septembre 2018 ne changerait la décision du Conseil départemental de l’Éducation nationale. Ce sont bien 25 enfants qu’il faudrait pour pérenniser l’école de Beaumontel.
Barc : passage à 6 classes
Du côté de Barc, l’école des Renardeaux (150 élèves) devrait passer de sept classes à six. Rien qui étonne Colette Drouin, l’édile. « Nous avions un confort dans des classes de 18 à 20 élèves, c’était idéal, mais nous savions que ça ne pourrait pas durer. Peut-être retrouverons-nous des élèves dans les années à venir », confie cette dernière. Depuis deux ans, « seuls deux permis de construire ont été délivrés dans la commune », relate Mme le maire. Un fait sans doute en relation avec « la conjoncture économique difficile », de même que les nouvelles règles en matière d’urbanisme. Après fermeture, la moyenne par classes sera de 25 élèves, c’est-à-dire un point au-dessus du niveau départemental.