L'Express (France)

MALADIE DE LYME PENDANT QUE LES EXPERTS S’ÉTRIPENT, LES MALADES TRINQUENT

- S. Bz

« Cette pathologie est complexe, et nous ne comprenons peutêtre pas encore tout »

Une forme chronique de la maladie de Lyme, transmise par des tiques, existe-t-elle ? Question ultrasensi­ble, sur fond de complotism­e, de querelles de chapelle et d’incertitud­es scientifiq­ues. D’un côté, les « Lyme doctors », avec leur chef de file, Christian Perronne. « Les autorités refusent d’admettre l’existence du Lyme chronique, mais les malades viennent nous voir, et nous les guérissons », affirme cet infectiolo­gue, qui n’hésite pas à proposer à ses patients des traitement­s antibiotiq­ues de longue durée. De l’autre, la Spilf (Société de pathologie infectieus­e de langue française), qui rassemble la plupart des autres spécialist­es de l’Hexagone : « Il n’existe aucune preuve de la persistanc­e de la bactérie dans l’organisme après une première thérapie par antibiotiq­ue, et les études montrent que les cures d’antibiothé­rapie répétées n’apportent aucun bénéfice », réplique le Pr Pierre Tattevin, son président.

Entre les deux camps, le dialogue paraît impossible. Et la situation est devenue ubuesque ces derniers mois, après que la Haute Autorité de santé

(HAS) – censée jouer les arbitres – a vu ses recommanda­tions pour la prise en charge des patients désavouées par la Spilf. La HAS préconise un examen attentif des patients, pour éviter de passer à côté d’affections graves, comme cela a pu arriver par le passé. Puis, en dehors de tout autre diagnostic, elle suggère de proposer une nouvelle antibiothé­rapie de trois semaines. Une position proche de celle adoptée au Royaume-Uni, par exemple, qu’assume totalement sa présidente, Dominique Le Guludec : « Il existe aujourd’hui des abus, voire du charlatani­sme de la part de certains praticiens, qui proposent des traitement­s antibiotiq­ues au long cours en dehors de toute validation scientifiq­ue. C’est pourquoi nous avions jugé urgent de diffuser notre texte, malgré le désaccord de dernière minute de la Spilf. » Depuis, cette dernière a publié ses propres propositio­ns concurrent­es – du jamais-vu –, ce qui ajoute encore à la confusion.

La réalité ? Comme l’ont rappelé des sénateurs après avoir auditionné l’ensemble des acteurs de cet épineux dossier, c’est que… l’on ne sait pas. « La difficulté […] prend sa source dans le manque d’études à la méthodolog­ie solide et validées par l’ensemble des experts », ont résumé les parlementa­ires. A la HAS, Dominique Le Guludec ne dit pas autre chose : « Face à des patients nombreux, en souffrance, nous ne pouvons pas nous contenter de nous dire qu’ils ont tous des problèmes psychiques. Cette maladie est complexe, et nous ne comprenons peut-être pas encore tout. »

De nouvelles réunions avec l’ensemble des protagonis­tes sont prévues à la HAS, cet été. Et, surtout, des centres experts ouvriront bientôt pour accueillir les malades. Avec pour objectif d’améliorer leur suivi, mais aussi de tenir un registre national avec leurs symptômes, leurs traitement­s, et leur évolution. Pour, enfin, mener les études scientifiq­ues qui manquent aujourd’hui – et peut-être parvenir à clore le débat.

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