Fillon, l’affaire, la vie
Le journaliste Tugdual Denis publie un livre sur un homme au coeur d’une des histoires les plus retentissantes de la Ve République. E. M.
Il a été président pendant deux mois. Entre la primaire de la droite, en novembre 2016, et les révélations du Canard enchaîné sur sa femme, en janvier 2017, François Fillon était promis à l’Elysée. Puis arrivèrent les ennuis judiciaires que l’on sait.
Le 29 juin, le tribunal correctionnel de Paris rendra son jugement – alors que le procureur national financier Eliane Houlette vient de reconnaître avoir subi des pressions. Il faillit être président et, aujourd’hui, il redoute le regard des autres. Se rendre à un comité agricole dans la Sarthe est une angoisse.
Le journaliste Tugdual Denis publie La Vérité sur le mystère Fillon (Plon), un ouvrage indispensable pour comprendre l’homme, son univers relationnel, sa manière de vivre. Cette fois, celui qui affirmait « cela fait partie de mes défauts, je ne parle pas » se livre, notamment au sujet de sa famille et de ses amis. La justice se prononcera sur l’affaire ; Denis, lui, cherche à saisir la vérité d’un être. Il raconte ce coup de fil de Fillon descendant de l’avion à sa « plume », après l’ouverture d’une enquête : « Si j’avais pu ouvrir la porte pendant le vol, je me serais jeté dans le vide. » Il relate ce dîner de famille, à la veille du meeting du Trocadéro, où le candidat lance : « Demain, j’arrête. » Demain est un autre jour ; il changera d’avis. Evidemment, l’ambiance est lourde : chaque mercredi, un exemplaire du Canard enchaîné est déposé sur le paillasson d’un de ses enfants.
Le récit regorge de scènes inédites. Premier ministre, François Fillon répète ses discours dans les cabines téléphoniques de l’Assemblée nationale. On apprend quelle aurait été la composition de son gouvernement : Retailleau ou Baroin à sa tête, Xavier Musca à l’Economie, Henri de Castries à la Défense. « François Fillon, écrit Denis, est l’anti-Chirac qui serre des mains, l’anti-Sarkozy qui traite les gens, l’anti-Macron qui se regarde, l’anti-Hollande qui s’oublie. » Mais le livre est surtout un regard personnel sur un homme qui tente de se reconstruire, sur un homme qui ne prie pas mais « réfléchit à Dieu », sur un homme qui ne peut pas accepter que sa vie se résume à une affaire.
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