La reprise au coin de la rue
Après le déconfinement, voici venu le temps du redémarrage. L’Express a cherché à capter les signaux faibles du dégel dans des secteurs-clefs. PAR BÉATRICE MATHIEU ET EMMANUEL LECHYPRE
e « Swoosh », ce nom ne vous dit sans doute pas grandchose. Pourtant, le logo du géant américain Nike, créé par une jeune étudiante en graphisme de l’université de Portland au tout début des années 1970, a fait le tour du monde. A la faveur du Covid-19, il connaît une nouvelle jeunesse. En quelques semaines, la virgule inversée a été adoptée par la communauté des économistes pour illustrer le profil de la reprise qui nous attend. Rien de mieux qu’une bonne image pour faire passer un message. Et là, le message est limpide : le choc a été rude, très rude ; la reprise est là, mais elle sera poussive, lente. Et surtout à géométrie variable : tous les secteurs ne repartiront pas à la même vitesse, toutes les entreprises ne redécolleront pas au même rythme.
D’après les derniers pointages minutieux de l’Insee, la perte d’activité par rapport à une situation normale aurait été de 29 % en avril, puis de 22 % en mai, et se limiterait à 12 % en juin. Sur le papier, ces quelques points de pourcentages manquants paraissent faciles à rattraper. En réalité, ce sera extrêmement dur. Si quelques semaines seulement suffiront dans les secteurs des biens de consommation essentiels, comme l’alimentaire, il faudra jusqu’à deux ans dans le divertissement, la culture ou l’hôtellerie, et trois ans dans l’aérien, selon Olivier de Panafieu, auteur d’une vaste étude sur les conséquences sectorielles de la crise pour le cabinet Roland Berger. « A titre de
Lcomparaison, la production automobile en Europe n’a retrouvé son niveau d’avant la crise de 2008 qu’une décennie plus tard, en 2018 », rappelle-t-il. Beaucoup dépendra en effet de l’allégement ou non des contraintes sanitaires. Et du risque de voir s’enclencher un cercle vicieux : plus la reprise sera lente, plus les entreprises vont sabrer dans leurs projets d’investissement, et plus le risque de faillite et de flambée du chômage sera élevé, retardant du même coup le rattrapage. Le meilleur moyen de limiter la casse réside dans la lisibilité de la politique économique du gouvernement et du vaste plan de relance sur lequel il travaille. Réponse à la rentrée.
Résultat : le nombre de voitures qui sortent des chaînes de montage est encore de 40 % inférieur à celui du début d’année. Témoin de cette remontée en charge graduelle, la production d’électricité, qui, selon RTE, le gestionnaire du réseau, est encore de 7 % plus basse qu’il y a un an (- 20 % fin mars, au coeur du confinement). Dans la construction, le redémarrage de quasiment tous les chantiers ne doit pas faire illusion : 69 % seulement parviennent à fonctionner normalement. « Certains chantiers sont un vrai cassetête, avec des surcoûts de 10 à 20 % en raison des contraintes sanitaires », s’inquiète Patrick Liébus, le président de la Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment.