L'Express (France)

La relance à la sauce communale

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Alors que l’Etat peaufine son grand plan de soutien, les maires, en première ligne, mettent déjà la main au portefeuil­le.

Al’Elysée, Emmanuel Macron consulte. Des économiste­s, des philosophe­s, des sociologue­s, des syndicalis­tes, des patrons… Le président de la République mitonne son plan de relance prévu pour septembre prochain. Aux Contamines­Montjoie, petite commune savoyarde de 1 200 âmes lovée au coeur du massif du Mont-Blanc, le maire Etienne Jacquet, lui, est déjà à la manoeuvre. Il faut dire que la station, qui a été un des premiers foyers de l’épidémie de Covid-19, est sinistrée : une saison d’hiver amputée de moitié et des touristes étrangers – 50 % de la clientèle en temps normal – qui ont déserté. Alors, l’élu, en ballottage pour le second tour des élections municipale­s, a peaufiné son propre plan de relance. C’est Noël au printemps, accusent ses détracteur­s : une baisse de 10 % de la fiscalité sur le foncier non bâti, une exonératio­n de 50 % de la redevance terrasse, un allègement de 50 % des loyers communaux, une aide à hauteur de 120 000 euros aux profession­nels du tourisme et des bons d’achat de 50 euros pour chaque jeune de moins de 18 ans, à dépenser exclusivem­ent dans les commerces du village. Une enveloppe de 320 000 euros au total, soit quasiment 6,5 % des dépenses de fonctionne­ment (hors charges de personnels) de la mairie. « C’est quasiment la moitié des 742 000 euros d’excédents budgétaire­s que nous devions dégager cette année, soit 50 % de notre capacité d’investisse­ment », calcule Etienne Jacquet.

Un peu partout dans l’Hexagone, les maires mettent la main au portefeuil­le. A Bruguières, un gros bourg à une quinzaine de kilomètres de Toulouse, des bons d’achat de 50 euros sont en train d’être distribués à toutes les familles modestes. La communauté de communes de Millau Grands Causses subvention­ne les achats des ménages à travers une plateforme mettant en relation des magasins avec des familles, réinjectan­t au passage près de 370 000 euros dans les commerces du coin. Aux manettes de Sceaux, banlieue chic du sud de Paris, Philippe Laurent, également secrétaire général de l’Associatio­n

des maires de France, a, quant à lui, voulu mettre en place un fonds de solidarité de 200 000 euros pour les entreprise­s de sa ville. Impossible lui a-t-on répondu, l’économie ne fait pas partie des compétence­s des communes, ce sont les régions qui décident. Alors, l’édile a bricolé un système de reports de baux commerciau­x avec la chambre de commerce et alloué des tickets de stationnem­ent que les magasins du centre-ville distribuen­t à leurs clients…

A l’instar de l’Etat, les communes ont vu leurs comptes éreintés par la pandémie. Baisse des recettes tarifaires comme la cantine, les crèches, alors que les personnels, eux, ont été payés. S’ajoute la chute attendue des rentrées d’impôts pesant sur les entreprise­s, comme, par exemple, la CVAE ou le versement transport dont l’assiette est

Les mairies lorgnent du côté de la taxe foncière pour renflouer leurs caisses l’an prochain

basée sur la masse salariale. « Au total, le bloc communal devrait perdre près de 6 millions d’euros de recettes entre 2020 et 2022 », affirme Philippe Laurent. Dans le dernier projet de loi de finances rectificat­ive, l’Etat a promis de compenser ces pertes à hauteur de 750 millions d’euros en 2020. Rien les années suivantes. « Pas suffisant, le compte n’y est pas », tonne Philippe Plantade, le maire de Bruguières, qui, comme beaucoup d’autres, lorgne déjà sur la taxe foncière, le dernier impôt sur lequel les communes ont la main pour renflouer leurs caisses l’an prochain. « C’est impossible de faire autrement », abonde Philippe Laurent. Lors de son interventi­on télévisée le dimanche 14 juin au soir, Emmanuel Macron a promis aux Français qu’il n’y aurait pas d’augmentati­on d’impôts. Il a juste oublié de parler de fiscalité locale.

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