L'Express (France)

La crise du Covid a mis en relief les limites du jacobinism­e à la française, notamment dans la gestion des masques. Emmanuel Macron réfléchit désormais à une sorte de girondisme rénové. Mais pensez-vous qu’une « monarchie républicai­ne » comme la nôtre pui

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C’est un vieux débat. Derrière l’unanimité en faveur de la décentrali­sation, il y a toujours eu, en réalité, des opposition­s profondes. Lorsqu’ont été votées les lois de 1982, deux arguments avaient permis d’opérer une brèche dans le jacobinism­e à la française : le premier, dans l’esprit de 1968, consistait à dire qu’il fallait honorer la société civile, dont les collectivi­tés locales étaient l’un des visages ; on devait « décolonise­r la province », selon le mot de Michel Rocard. Le deuxième argument était d’ordre managérial : la décentrali­sation s’imposait parce que l’on souhaitait une gestion efficace, au plus près du terrain. Mais très vite la bureaucrat­ie centrale s’est interposée ; elle a cherché à reprendre le pouvoir sur les collectivi­tés. Elle en avait les moyens, car à mesure que la société avançait vers plus de concurrenc­e et d’égalité, les règles à interpréte­r se multipliai­ent, et la bureaucrat­ie trouvait là prétexte à s’activer.

A cela s’est ajoutée une petite musique consistant à dire que la décentrali­sation allait faire naître des potentats locaux, plus soucieux de leurs affaires particuliè­res et de leur clientèle que de l’intérêt général, à la différence de l’administra­tion centrale. Le « pacte girondin » d’Emmanuel Macron ne peut avoir de sens que si l’on redéfinit l’intérêt général autrement que comme un intérêt décrété par le sommet. Ce qui est en jeu, derrière la décentrali­sation, c’est un débat sur la démocratie elle-même.

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