L'Express (France)

Le commerce français au bord du vide

Les dépôts de bilans et défaillanc­es d’enseignes se multiplien­t. La crise du Covid-19 a précipité un effondreme­nt qui menaçait depuis des mois. Une réinventio­n en profondeur est indispensa­ble. PAR LUCAS MEDIAVILLA

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Après un printemps à l’arrêt, la rentrée serat-elle meurtrière pour le commerce français ? La question hante tous les profession­nels du secteur, de l’entreprene­ur au coin de la rue jusqu’à l’enseigne mondialisé­e, en passant par le gérant de franchise. « Nous sommes dans l’incertitud­e totale. C’est un mélange de colère et de tristesse », témoigne Christophe Martin, délégué central CGT de l’enseigne centenaire André. Le spécialist­e de la chaussure a été placé en redresseme­nt judiciaire le 1er avril dernier, dans l’espoir, pour ses 400 salariés, de trouver un repreneur. Le couperet doit tomber fin juillet.

Une mauvaise passe que d’autres enseignes ont connue à leur tour ces dernières semaines. La Halle, Alinea, Camaïeu, Conforama, Naf Naf, Celio… Le défilé macabre devant les tribunaux n’a fait que confirmer une tendance qui s’annonce depuis de longs mois : le commerce physique hexagonal est menacé d’effondreme­nt.

L’une des deux plus puissantes fédération­s du commerce, Procos, l’atteste. Dans une récente étude, elle chiffre à 60 milliards d’euros le manque à gagner pour le secteur non alimentair­e sur les six premiers mois de l’année. Et alors que le trafic en magasin peine à retrouver ses niveaux d’avant la crise, l’organisati­on tire la sonnette d’alarme. Selon elle, 50 000 points de vente pourraient disparaîtr­e d’ici à décembre. Soit de 150 000 à 300 000 emplois sur les 1,5 million que compte le secteur.

Face à cette hécatombe sociale annoncée, le Covid-19, qui a pendant huit semaines privé de revenus les commerces dits « non essentiels », fait un parfait coupable. Il n’est en réalité que le dernier engrenage d’une machine infernale enclenchée il y a des années. « La crise a amplifié des phénomènes structurel­s préexistan­ts », note ainsi Jacques Creyssel, patron de la Fédération des entreprise­s du commerce et de la distributi­on.

Avec, en premier lieu, des ventes en magasin qui ne cessent de s’éroder au profit des achats en ligne. Les boutiques du secteur de l’habillemen­t ont ainsi vu leur chiffre d’affaires reculer en moyenne de 1,2 % entre 2014 et 2018, selon Procos. L’ameublemen­t ne fait guère mieux, avec une progressio­n moyenne de 0,6 % par an.

Alors que, sur la même période, le commerce en ligne s’est, lui, offert une croissance insolente. Respective­ment de 4,2 % pour l’habillemen­t et 7,4 % pour l’ameublemen­t.

Le souci, c’est que, dans le même temps, les coûts fixes n’ont pas cessé d’augmenter, notamment les loyers commerciau­x. « Les gens ne peuvent pas véritablem­ent comprendre le modèle économique s’ils se focalisent sur le chiffre d’affaires. Depuis plusieurs années, une part croissante de la valeur est partie vers les acteurs immobilier­s », explique Emmanuel Le Roch, délégué général de Procos. Pour beaucoup d’enseignes, le loyer pèse aujourd’hui pour près de 20 % du chiffre d’affaires. On comprend mieux la bataille menée par de nombreux locataires pour demander son annulation pendant les mois de confinemen­t.

Chiffres à l’appui, Emmanuel Le Roch indique que la rentabilit­é s’est dégradée pour les magasins ayant pignon sur rue. Une fois la marchandis­e, les salaires des employés, les charges locatives et de fonctionne­ment payés, celle d’un indépendan­t dépasse rarement 3 % du chiffre d’affaires. Un bas de laine bien maigre pour investir, ou pour affronter les hivers rudes comme les deux derniers qu’a connus le secteur. « Après le mouvement des gilets jaunes et les grèves contre la réforme des retraites, la crise sanitaire est arrivée sur des magasins financière­ment exsangues », rappelle Jacques Creyssel.

A Bercy, le sujet inquiète. Pour stopper la spirale infernale, l’Etat compte déployer une centaine de foncières destinées à rénover 6 000 commerces de centre-ville et les proposer à des loyers modiques. « Ces opérations contribuer­ont à la lutte contre la vacance commercial­e, qui a doublé en France durant les dix dernières années », a justifié Bruno Le Maire. Pour sauver ces emplois non délocalisa­bles, le ministère a également promis 900 millions d’euros, fléchés vers les petits acteurs, alors que le secteur est déjà le premier bénéficiai­re des prêts garantis (32 milliards à la mi-juin, soit 38 % du total des crédits accordés).

Une initiative saluée par le secteur. Mais ce rafistolag­e ne suffira sans doute pas à passer le prochain orage. « Cette industrie subit un choc technologi­que sans précédent », alerte Olivier Macard, associé au cabinet EY (ex-Ernst & Young ) chargé de la distributi­on et la consommati­on. Tous les acteurs en conviennen­t. Le Covid19 aura sans doute moins créé de nouvelles tendances de consommati­on que provoqué un coup d’accélérate­ur aux dynamiques déjà en cours. Les études sur l’inquiétude des clients à retourner faire la queue dans les magasins ou leur attrait pour le e-commerce pleuvent depuis le déconfinem­ent.

Impacté comme d’autres par la crise sanitaire, le mastodonte espagnol du prêtà-porter Inditex (Zara) a ainsi annoncé le 10 juin la fermeture prochaine de 1 200 petites boutiques à travers le monde. Objectif, continuer à pousser ses feux dans la vente en ligne et investir dans des points de vente moins nombreux, mais plus performant­s.

Une tendance lourde des années à venir ? « Le magasin est toujours pertinent, mais il n’a d’autre choix que de devenir “omnicanal” [physique et numérique] et de se réinventer avec plus de services et moins d’“irritants” », juge Olivier Macard. Une transforma­tion déjà comprise par certains grands acteurs. Les enseignes de bricolage, ou un géant comme Ikea, ont commencé à investir massivemen­t pour dynamiser l’expérience client (ateliers bricolage, visualisat­ion 3D et conseils en aménagemen­t…).

Tout l’enjeu sera de ne pas laisser les plus petits sur le bord de la route, en développan­t une vente en ligne aujourd’hui balbutiant­e. « Les commerces indépendan­ts qui ont résisté pendant la crise sont ceux qui ont été capables de vendre sur Internet, ou de livrer à domicile ou devant leur magasin », note Jacques Creyssel, convaincu que, pour générer du trafic sur les sites de ces acteurs, il faudrait les regrouper sur des plateforme­s locales, par exemple aux mains des régions, des chambres de commerce et d’industrie, ou des centres commerciau­x environnan­ts. « Cela suppose un changement assez profond : que les stocks soient connus en permanence, et la mise en place d’une logistique de livraison ou de retrait en magasin. »

Autant dire de lourds financemen­ts. Pour Olivier Macard, ce sont de 6 à 8 milliards d’euros par an qui devraient être mobilisés en France pour relever ce challenge. Jacques Creyssel milite aussi pour la création d’un fonds de relance. Tous les deux partagent la même certitude. Faute d’investisse­ment, le commerce français pourrait passer sous la domination d’acteurs étrangers. Un risque majeur à l’heure où la France souhaite renforcer sa souveraine­té économique.

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temps l’évolution de la qualité des sols d’un champ de blé ou d’un vignoble en fonction des pratiques agronomiqu­es.

Pour des groupes comme Danone, Carrefour ou McDonald’s, qui doivent prouver leur volonté de préserver l’environnem­ent sur toute la chaîne de production, y compris le maillon agricole, ce référentie­l tombe à pic. Tous tentent de convaincre les actionnair­es, financiers et consommate­urs de leur capacité à améliorer leur bilan carbone. Or une terre de qualité stocke beaucoup de CO2.

A Bruxelles, aussi, on regarde cette initiative avec attention. Alors que l’Union européenne souhaite verdir la future politique agricole commune, un système de notation universel pourrait permettre d’orienter les aides vers des pratiques plus écologique­s. Quentin Sannié, lui, rêve déjà de transforme­r Greenback en Moody’s ou en Standard & Poors de l’agricultur­e. Les terres agricoles couvrent près de la moitié de l’Europe. De quoi carotter pendant des décennies.

Wnie tout en bloc et obtient le soutien du gendarme financier allemand (BaFin), qui se retrouve aujourd’hui sous le feu des critiques.

Trois ans plus tard, le Financial Times (FT) en remet une couche et revient à la charge avec de nouvelles révélation­s. Là encore, Wirecard est accusée de manipulati­ons comptables, au travers notamment de ses activités asiatiques. Certains chiffres seraient artificiel­lement gonflés. La trésorerie pose question. Et, à nouveau, la société, qui tutoie les sommets en Bourse, rejette en bloc ces accusation­s.

Les marchés commencent toutefois à s’interroger. « Les informatio­ns du FT ont jeté un vrai trouble », rembobine un investisse­ur français. Pour les rassurer, Wirecard, qui travaille avec le cabinet EY (ex-Ernst & Young), fait appel en octobre 2019 à un autre cabinet, KPMG, pour un audit indépendan­t. En avril 2020, c’est la douche froide : ce dernier constate des irrégulari­tés dans les comptes de la société. Le cabinet n’est pas capable de confirmer l’existence de 1,9 milliard d’euros, soit… un quart du bilan de la fintech ! Le scandale éclate. Les comptes sont bloqués ; les licences, gelées ; l’ex-patron, Markus Braun, arrêté.

Déjà, le débat enfle sur les responsabi­lités des uns et des autres. Les autorités allemandes sont évidemment dans le viseur. « Nous nous attendions à ce genre de situation partout dans le monde, mais pas en Allemagne », a réagi le ministre de l’Economie et des Finances, Peter Altmaier. Berlin n’a sans doute pas voulu voir les dérives de l’un de ses champions technologi­ques.

Le cabinet EY est également très critiqué. C’est ce membre des « Big Four » (avec KPMG, Deloitte, PwC) qui a audité les comptes de Wirecard ces dix dernières années. L’histoire semble bégayer : c’est lui aussi qui avait récupéré, dans les années 2000, les activités d’audit de l’ancien cabinet Arthur Andersen, mis au tapis par la faillite d’Enron.

Mais, au-delà de l’affaire elle-même, c’est surtout son impact potentiel sur les fintech qui commence à inquiéter – et jusqu’en dehors des frontières allemandes. Wirecard était l’un des symboles de ce jeune secteur à l’échelle européenne, et même mondiale. Une sorte de porte-étendard, un modèle à suivre pour toutes les jeunes pousses qui veulent se développer et décrocher la lune en

Bourse. « C’est clairement un coup dur », explique Alexandre Baradez, responsabl­e des analyses chez IG.

Certains investisse­urs pourraient se montrer frileux et préférer des entreprise­s plus traditionn­elles. « On touche un peu à la limite du modèle des fintech, reconnaît l’un d’entre eux. Elles sont très performant­es, mais aussi plus fragiles que les autres. » Une faiblesse en partie due à leur modèle de développem­ent : croître très vite, sur des activités complexes. Avec les risques que cela implique.

Les fintech se savent toutefois incontourn­ables. « Les activités de paiement sont devenues tellement complexes qu’il yauratoujo­ursbesoind’acteursspé­cialisés »,

Mikael Ptachek, président de l’Observatoi­re de la Fintech. Les chiffres lui donnent pour l’instant raison, même si le scandale est trop récent pour avoir un impact : au premier semestre, l’écosystème français a levé 496 millions d’euros, soit 12 % de plus qu’il y a un an. Et déjà plus que sur toute l’année 2018. Les chiffres sont aussi en hausse au Royaume-Uni et en Allemagne, les deux premiers marchés de la fintech européenne.

Les investisse­urs devraient toutefois se montrer beaucoup plus exigeants. « Personne ne va faire comme s’il ne s’était rien passé », note l’un d’eux. La demande d’informatio­ns devrait ainsi augmenter. « C’est ce qui paraît le plus probable », prédit Mikael Ptachek. Notamment sur la rentabilit­é et la structure des sociétés. « Wirecard avait tellement de ramificati­ons qu’on n’y comprenait plus rien », lâche un analyste. Un problème assez récurent dans le secteur.

Les autorités pourraient surtout être tentées de durcir leur réglementa­tion. Une éventualit­é qui inquiète. « Il ne faut pas davantage de contrôle, mais un meilleur contrôle », explique Hans-Peter Burghof, professeur d’économie bancaire à l’université de Hohenheim. Sinon l’Europe sortirait pénalisée. « Les jeunes fintech ne doivent pas payer les conséquenc­es de cette affaire, martèle Christine Bortenläng­er, directrice générale du Deutsches Aktieninst­itut, l’associatio­n allemande des entreprise­s cotées en Bourse. Ce serait un boulevard pour leurs concurrent­es américaine­s. » Reste que certains voient aussi un avantage à la période. « Sans parler des acteurs comme Wirecard, il y a peut-être un tri à faire dans le secteur », souligne Julien Maldonato, associé chez Deloitte. Trop de sociétés ont atteint des valorisati­ons excessives ces dernières années. « Quand on voit la capitalisa­tion de Wirecard, cela laisse songeur. Quelque part, c’est une sorte de rééquilibr­age », résume Thomas Rocafull. Un rééquilibr­age qui vaut des milliards.

WLa firme était un modèle pour les jeunes pousses qui veulent décrocher la lune en Bourse

compenser l’intéressem­ent des artistes et des technicien­s sur les entrées en salle, qui n’auront jamais lieu. Mais en fin de compte, nous nous en sommes bien sortis », précise Nicolas Duval, sans toutefois dévoiler la somme versée par Amazon.

Une fois cette opération réalisée, l’oeuvre devient un simple téléfilm et n’a plus l’honneur de figurer parmi le catalogue du 7e art. Car la chronologi­e des médias en France stipule qu’un film ne peut être proposé sur une plateforme Internet que trente-six mois après sa sortie sur grand écran. Rompre avec ce schéma revient à se passer définitive­ment de cette fenêtre d’exposition, mais aussi de celle des chaînes de télévision traditionn­elles. « Toutes les parties prenantes doivent donner leur accord pour laisser la première exclusivit­é du long-métrage à une plateforme Internet, et si une seule refuse, cela bloque tout, explique Serge Hayat, président du fonds d’investisse­ment Cinémage. Or des frais ont été engagés par la production, et le remboursem­ent ne peut se faire que lorsque la sortie en salles a débuté. En attendant, de petits producteur­s doivent donc payer des intérêts aux banques – un escompte –, une contrainte financière souvent trop lourde. »

Or, depuis la réouvertur­e des salles obscures le 22 juin dernier, les places se font rares et les distribute­urs sont confrontés à un embouteill­age de titres. Amazon ou Netflix regardent donc d’autres dossiers et tous deux deviennent des bouées de sauvetage pour des créateurs qui n’ont pas les moyens d’attendre. Du côté des plateforme­s, ces acquisitio­ns leur permettent de mettre la main sur des contenus locaux et de prendre de l’avance sur les futures es pilotes rongeaient leur frein : le monde de la formule 1 avait hâte de lâcher les chevaux après quatre mois d’arrêt. En ce début juillet, tout le plateau est enfin réuni en Autriche où se disputent deux courses en sept jours… à huis clos. Un nouveau départ pour une saison mise sur pause depuis mars et amputée de plusieurs rendez-vous, dont le Grand Prix de France. Mais le coronaviru­s a laissé des traces. La crise a plombé le budget des équipes, qui doivent serrer la vis à tous les niveaux, d’autant qu’à partir de 2021 sera mise en place une sorte de fairplay financier qui imposera aux équipes de limiter leurs dépenses de R&D. L’objectif ? Redonner du sel à la compétitio­n. Une bonne nouvelle pour des écuries historique­s non adossées à de grands groupes, comme McLaren ou Williams, mais aussi pour des constructe­urs tels que Renault, qui, pour faire face à l’impact économique de l’épidémie, prévoit de supprimer 15 000 postes, dont 4 600 en France.

Car la F1 est devenue une course au gigantisme, où « la place sur la grille dépend du budget des équipes, regrette Cyril Abiteboul, directeur général de Renault F1. Les top teams (Mercedes, Ferrari, Red Bull) dépensent 500 millions d’euros en châssis, moteurs et pilotes, quand nous sommes entre 300 et 350 millions. L’écart est important. » obligation­s qui vont leur être imposées, dont celle de compter au moins 30 % d’oeuvres européenne­s à leur catalogue. « Pour les créateurs, ce genre d’opération est financière­ment intéressan­t mais artistique­ment décevant », estime Pascal Rogard, directeur général de la Société des auteurs et compositeu­rs dramatique­s. Qui rappelle que Jeff Bezos, PDG du géant du commerce en ligne, ne cachait pas que tout nouvel abonné à son service de vidéo lui permettait de vendre davantage de paires de chaussures sur Amazon... « Résultat, avec son Pinocchio, Matteo Garrone devient le successeur du chausseur André », ironise Pascal Rogard. Seuls les droits hexagonaux du distribute­ur Le Pacte ont été cédés. En Italie, le bonhomme de bois a rapporté près de 17 millions de dollars au box-office depuis le mois de décembre. Mais ça, c’était dans le monde d’avant.

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Pinocchio, de Matteo Garrone, n’est visible en France que sur Amazon.

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