Le Pr Perronne, d’un complotisme à l’autre
Le médecin avait déjà suscité la polémique avec ses positions sur la maladie de Lyme. Il récidive avec l’hydroxychloroquine et le Covid-19. PAR STÉPHANIE BENZ, VICTOR GARCIA ET THOMAS MAHLER
ses collègues auraient laissé mourir des milliers de patients Covid-19 en ne prescrivant pas ce traitement. Des accusations graves. « Je ne sais pas d’où il sort ces chiffres, peutêtre s’est-il dit “plus c’est gros, plus ça passe”, à la manière de Trump », déplore le Dr Serge Alfandari, du centre hospitalier de Tourcoing (Nord).
Pour le Pr Perronne, ceux qui ne reconnaissent pas l’efficacité de l’HCQ seraient corrompus, liés avec des laboratoires par des conflits d’intérêts, notamment avec Gilead, qui les pousserait à mettre en avant son remdesivir. « Il ne s’agit plus de controverse scientifique mais de diffamation, poursuit l’infectiologue de Tourcoing. Le remdesivir marche à peine mieux que l’HCQ et personne ne le recommande ! » s’emporte-t-il. « J’ai touché 22 euros de ce laboratoire, sans doute pour un buffet, ce qui m’a bien sûr convaincu de tuer 25 000 personnes », ironise Jean-Paul Stahl, du CHU de Grenoble (Isère). Avant de s’interroger : « Peut-être Perronne souhaite-t-il à tout prix attirer la lumière médiatique, comme le Pr Raoult ? Ou alors, il cherche à vendre au mieux son livre ? » Selon Edistat, l’ouvrage s’est déjà écoulé à 18 000 exemplaires. « Il n’est pas impossible que le Pr Perronne écope au moins d’une interdiction temporaire d’exercer », indique-t-on au Conseil national de l’ordre des médecins. En attendant, Christian Perronne, comme Didier Raoult, continue de défendre l’HCQ, fustigeant la « religion du tout randomisé en double aveugle [NDLR : avec tirage au sort des patients, répartis en groupes, qui reçoivent un traitement ou un placebo] ». L’équipe de Garches a même publié une étude concluant à un bénéfice de l’hydroxychloroquine. Un « très bon travail », tweetait alors le Pr Raoult. Sauf que celle-ci a été retirée du site de prépublication. Certains de ses cosignataires ne voulaient plus y figurer, la jugeant entachée de problèmes méthodologiques.
Le Pr Raoult n’a pourtant pas été tendre par le passé avec son collègue de Garches. A propos des positions de ce dernier sur la maladie de Lyme, il écrivait en 2016 : « Il n’a aucun bagage scientifique spécifique dans ce domaine autre que ses croyances et le
support de ses disciples. » Quand L’Express l’a rencontré, en mai, l’infectiologue marseillais a lâché que le Pr Perronne n’était pas un « grand chercheur », mais un « saint » : « Il a le souci du malade, ce qui peut le conduire à faire preuve d’un enthousiasme qui le mène trop loin. » Il faut dire que tout le monde loue ses qualités humaines. « Il ne s’emporte pas et laisse une grande liberté de penser à son équipe », souligne un médecin de son service.
Sollicité par L’Express, Christian Perronne a tout de suite eu le réflexe d’envoyer son CV. De fait, l’homme présente un parcours impressionnant. Il a été expert pour de nombreuses instances : agences française et européenne du médicament, Organisation mondiale de la santé, Agence nationale de recherche sur le sida et les hépatites, Haut Conseil de la santé publique, etc. Il a même présidé, de 2010 à 2015, l’une des instances les plus prestigieuses de la profession : la section maladies infectieuses du Conseil national des universités. « C’est le signe d’une vraie reconnaissance. A l’époque, il l’avait », note le Pr Pierre Tattevin, chef du service d’infectiologie du CHU de Rennes (Ille-et-Vilaine). Mais, en quelques années, il a « basculé dans l’irrationnel », observe le Pr Eric Caumes, de la Pitié-Salpêtrière, l’un de ses anciens « copains » et aujourd’hui l’un de ses plus fervents critiques. Que s’est-il passé ? « Il a toujours eu des discours très tranchés et quand il a une idée en tête, il ne la lâche pas. Y compris si cela implique de se heurter à la communauté médicale. Un peu comme Didier Raoult », constate Benjamin Davido.
Christian Perronne est devenu le chef de file français des « Lyme doctors », ces médecins qui dénoncent le manque de fiabilité des tests pour détecter cette pathologie due à une bactérie, Borrelia burgdorferi, transmise par une piqûre de tique. Surtout, ils assurent qu’une forme chronique de la maladie peut subsister à la suite d’un traitement classique de trois semaines d’antibiotiques. Selon le Pr Perronne, le refus d’une grande partie de la communauté médicale de reconnaître la réalité de cette infection chronique n’est rien moins qu’un « scandale mondial, l’un des plus effarants de l’histoire de la médecine », laissant en errance des milliers de patients aux symptômes inexpliqués. Lui traite donc ses patients sur le long terme avec des antibiotiques et de… l’hydroxychloroquine. Ce « soin » lui vaut une popularité incomparable au sein des associations de malades s’estimant abandonnées par les pouvoirs publics. Dans une étude menée sur plus de 300 patients et publiée l’année dernière dans le Bulletin épidémiologique hebdomadaire, Eric Caumes et les équipes de la Pitié-Salpêtrière ont montré que 10 % seulement des personnes venues consulter pour cette maladie en sont réellement atteintes. Dans 80 % des cas, elles ont été diagnostiquées avec une autre pathologie (psychologique, rhumatologique, neurologique…). Et dans plus de 80 % des cas, le traitement présomptif aux antibiotiques a échoué.
S’il a courtoisement répondu à nos questions critiques durant plus d’une heure, le Pr Perronne a semblé chiffonné par un mot qui est revenu dans la conversation : « complotisme ». « Je ne suis pas un complotiste. Quand je vois quelque chose, j’essaie de le valider », a-t-il répété. Pourtant, dans ses écrits et propos, tout reflète une vision paranoïaque du monde. Sur Lyme, il fait allusion à des « persécutions » et à une « censure » émanant d’un « club Lyme de l’Infectious Diseases Society of America ». Il assure que la sérologie de Lyme est volontairement « verrouillée à 5 % » afin qu’elle reste une maladie rare. Dans son livre
La Vérité sur la maladie de Lyme, un chapitre évoque « le centre de recherche secret près de la ville de Lyme, sur Plum Islands », ainsi qu’un vétérinaire nazi, Erich Traub, qui, après avoir effectué des recherches sur les maladies vectorielles, a collaboré avec les Américains. Christian Perronne suggère qu’une expérimentation secrète de l’armée américaine sur des tiques, transformées en arme biologique, aurait mal tourné… Pour Eric Caumes, la force des idées complotistes est de « se glisser dans un discours qui ne l’est pas ». Comme le dénonce de manière tonitruante Christian Perronne, il y a bien eu en France une pénurie de tests et de masques, un exécutif pas assez réactif, des injonctions paradoxales. « Tout cela est vrai, souligne le Pr Caumes. Mais nous ne sommes pas dans la pire des situations. Je n’aimerais pas être en Grande-Bretagne ou aux Etats-Unis en ce moment. »
Coordinateur du réseau des jeunes infectiologues français, Nathan PeifferSmadja craint les conséquences de la radicalisation de Perronne et de Raoult : « Nous allons payer les pots cassés en matière de confiance médicale. Ils sont prêts à tout détruire plutôt que de reconnaître qu’ils ont eu tort. »
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Or, Selon Yves Gingras, professeur d’histoire et de sociologie des sciences à l’Université du Québec à Montréal (Uqam), le Pr Raoult dope artificiellement sa production en publiant des articles dans des revues dirigées par ses collègues marseillais, à un rythme trop élevé pour assurer le bon déroulement de l’examen par les pairs, seule véritable garantie de la qualité des travaux. Sur son site Internet, l’IHU ne se cache pas d’avoir obtenu, en tout, 65 499 points entre 2008 et 2016. Ce qui représente 10 millions d’euros par an. Rien d’illégal à cela. D’autant que la somme revient directement à l’Assistance publique-Hôpitaux de Marseille (AP-HM), et non à l’IHU. « Cet argent est intégré au budget général de l’AP-HM, insiste Yanis Roussel, qui gère la communication et les relations presse du Pr Raoult. Et il n’y a aucun intéressement pour l’IHU ou ses équipes. »
« Sauf qu’il existe des accords locaux, à la discrétion des établissements de santé », souligne Patrick Devos. Et quand de tels accords existent, il est courant que l’enveloppe soit redistribuée aux différentes équipes, au prorata de leur contribution aux points Sigaps, pour embaucher du personnel ou du matériel. Interrogé par L’Express, l’AP-HM n’a pas souhaité répondre à nos questions. Le conseiller en communication du Pr Raoult reconnaît, lui, que « les points Sigaps viennent gonfler le budget de l’AP-HM, qui ensuite organise comme bon lui semble ses services, dont ceux de maladies infectieuses hébergés à l’IHU ». Il assure cependant que l’IHU « ne serait pas mieux doté que les autres établissements ». « On ne peut pas parler de détournement de fonds, mais vous comprenez qu’il y a toujours des discussions entre les directeurs d’institut et leurs tutelles, pour évoquer des besoins, et j’ai du mal à croire que les 10 millions de l’IHU ne pèsent pas dans la balance », avance Francis Berenbaum. Selon Yves Gingras, le problème ne vient pas tant de l’IHU ou du Pr Raoult que des limites de la tarification à l’acte instaurée par le Sigaps. « Ceux qui profitent de ce système le font car ils en ont la possibilité, mais ce n’est pas eux qui l’ont inventé », pointe l’enseignant. Il n’empêche. L’incitation à multiplier les petits articles dans des revues jugées faibles… est forte. Et comme l’enveloppe de 1,6 milliard d’euros versée par le ministère de la Santé reste stable dans le temps, cette course à la publication se fait au détriment des chercheurs les plus vertueux.
WDe la vapeur d'eau à l'origine de graves intempéries
mauvaise saison pour envoyer des engins dans l’espace depuis des zones situées près de l’équateur. La météo ne représente aucun risque pour le lanceur lui-même, mais en cas de défaillance du lanceur qui mèneraient à sa destruction, les vents en altitude pourraient pousser des débris en direction des zones habitées.
Covoiturage de l’espace
Tertio, ce lancement est aussi d’un nouveau genre, puisqu’il inaugure le concept de « mission mutualisée ». Pour la première fois, il n’y a pas un ou deux satellites sous la coiffe, mais un adaptateur qui permet d’en emporter plus de 50, d’une masse variant de 250 grammes à 140 kilos. Ces charges scientifiques ou technologiques sont un marché de choix pour la pléiade de miniet microlanceurs en développement un peu partout dans le monde. Avec ce système de lancement multiple, développé sous l’égide de l’ESA, Arianespace va pouvoir « écrémer » ce marché et rentabiliser ses lanceurs existants avec un ou deux vols supplémentaires par an. Un système équivalent est également en développement pour voler sur Ariane 6. A terme, des adaptateurs modulaires seront montés sur Vega ou Ariane chaque fois qu’un lancement n’utilisera pas toute la capacité disponible à bord. De la même manière qu’un voyage en BlaBlaCar revient moins cher qu’un trajet similaire en taxi, ce « covoiturage de l’espace » doit permettre d’offrir des tarifs modiques pour que les laboratoires, les universités et les start-up puissent bénéficier d’un accès vers l’orbite tout en renforçant la compétitivité des lanceurs européens.
Creux historique pour les gros lanceurs
Quarto, la reprise des vols est également indispensable à l’équilibre économique du système européen d’accès à l’espace. Peu importe que les lancements aient lieu ou pas, les infrastructures et les équipes, en Guyane et en Europe, ont un coût fixe.
Plus il y a de missions, plus celui-ci est facile à amortir. Lorsque les lanceurs restent au sol, en revanche, l’addition devient très salée. Or le marché des gros lancements connaît un creux historique, qui devrait durer jusqu’à 2022. Pour compenser, Arianespace fait feu de tout bois. Outre des fusées Ariane 5 et 6, l’opérateur européen a signé des contrats sur Vega et sur Soyouz, exploité avec la Russie. Hélas, chacun de ces lanceurs a connu des malheurs. Vega avec son échec, Ariane, avec le confinement, et Soyouz, avec la faillite de OneWeb, son principal client.
Tous ces problèmes vont être résolus, mais entre-temps, le nombre de lancements au cours de l’exercice 2020 a fondu, et, avec lui, la rentabilité d’Arianespace. Or son maintien est une condition sine qua non de la souveraineté européenne sur ses activités spatiales, laquelle passe par Ariane 6, qui ne vole pas encore. Initialement, son premier vol était prévu pour le 16 juillet, mais des difficultés techniques sur des équipements particulièrement retors – au sol et à bord du lanceur – ont retardé ce calendrier, d’abord à octobre, puis à la fin de l’année. Avant la crise du Covid-19, le premier tir avait déjà glissé à début 2021, il aura lieu au second semestre. Qu’à cela ne tienne, Ariane 6 sera prête pour la reprise du marché. Les dernières Ariane 5 assureront l’intérim d’ici là. L’une d’elles partira le 28 juillet.
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