L'Express (France)

L’iVote, « pomme » de discorde

Pour que les eurodéputé­s bloqués dans leur pays puissent voter, un scrutin électroniq­ue a été mis en place. Un système géré par Apple… qui conserve toutes les données dans son « cloud ». Emoi dans l’hémicycle.

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Voter une résolution contre Apple sur un outil… estampillé Apple. A Bruxelles, les eurodéputé­s vont peut-être vivre cette scène ubuesque dans les prochains mois. Pandémie de Covid-19 oblige, beaucoup d’élus n’y ont, en effet, pas encore retrouvé leurs quartiers. Comment, alors, prendre des décisions en commission ? Seul moyen, le scrutin électroniq­ue.

A la mi-juin, le Parlement a donc lancé une applicatio­n, baptisée iVote. Problème : celle-ci ne fonctionne que sur des appareils fabriqués par Apple. Stupeur dans l’hémicycle. « Pour l’utiliser, il faut acquérir un iPhone ou un iPad, ainsi qu’un compte iCloud, dont il faut approuver les termes et conditions, s’étrangle l’eurodéputé tchèque Marcel Kolaja. Autrement dit, nous devons accepter qu’Apple conserve des données stockées sur nos serveurs, qu’il s’agisse de documents privés, de contacts ou de mots de passe ! »

Le 19 juin, alors que l’applicatio­n commence à être utilisée par certaines commission­s, ce membre du Parti pirate (siégeant dans le groupe Verts/ Alliance libre européenne) met en garde ses 704 collègues par courriel.

D’autres députés lui emboîtent le pas. Embarrassé­e, l’administra­tion publie alors une liste d’arguments visant à répondre aux principale­s interrogat­ions. Mais l’une d’elles demeure : qui peut garantir que les données stockées dans le « cloud » d’Apple resteront confidenti­elles ? Pour certains députés, l’émoi est lié au fait que la firme californie­nne se trouve actuelleme­nt dans le viseur de l’Union européenne. Après l’avoir contrainte à rembourser 13 milliards d’euros d’avantages fiscaux illégaux, la Commission vient en effet de lancer de nouvelles enquêtes visant sa plateforme App Store…

La protection des données n’est pas la seule question qui fâche. Pourquoi choisir une marque non européenne, alors que l’on ne parle, dans les cercles de réflexion bruxellois, que de relocalise­r l’économie au sein de l’UE ? Même la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, le répète à l’envi depuis le début de son mandat : « L’Europe doit disposer de ses propres capacités numériques. » On ne saurait mieux dire.

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