Les Etats-Unis, hors de tout contrôle
PAR CORENTIN PENNARGUEAR La première puissance mondiale est incapable de répondre à la crise épidémique. Son président, en campagne, amplifie le chaos.
« Un carnage américain. » 20 janvier 2017 : Donald Trump n’est président que depuis quelques minutes lorsqu’il prononce cette expression qui décrit, selon lui, l’état dans lequel son prédécesseur, Barack Obama, lui laisse les Etats-Unis. Trois ans et demi plus tard, difficile de ne pas penser à cette formule en observant ce pays épuisé, incapable de lutter contre un virus qui ravage ses villes et accentue ses failles profondes.
Touchés quelques semaines après l’Europe, les Etats-Unis ont pourtant eu le luxe de pouvoir se préparer à la pandémie. Mais le pays est en train de perdre cette bataille, avec son triste bilan de 2,8 millions de malades et 130 000 morts, quand le Vieux Continent respire de nouveau. « Le système américain tout entier est en échec », assène la docteure Anne Rimoin, professeure d’épidémiologie à l’université de Californie à Los Angeles. Et la situation empire : 55 000 nouvelles infections sont recensées chaque jour. De la Floride à l’Arizona, les Etats du Sud ont relancé leurs activités à la hâte dès la fin mai, encouragés par un président en campagne, et sans respecter les recommandations des experts. C’est tout le territoire qui paie le prix de cette arrogance.
D’autant que, malgré sa réouverture prématurée, l’économie reste au bord du gouffre, avec 19 millions de chômeurs et le risque d’un nouveau confinement. Cette crise oblige l’Amérique à se regarder dans le miroir, et elle n’aime pas ce qu’elle voit. Dans une étude explosive, le Pew Research Center indique que seuls 12 % des Américains estiment que les Etats-Unis vont dans la bonne direction. Chiffre encore plus incroyable pour qui connaît leur patriotisme, 17 % d’entre eux seulement se disent « fiers » de l’état du pays. De quoi inquiéter le leader de la nation ? Pas exactement.
Donald Trump baisse les armes face à la pandémie : il la laisse s’étendre jusqu’à ce que le virus « disparaisse de lui-même », comme il l’a répété le 1er juillet. Tant pis pour les milliers de morts et les dégâts considérables sur la cohésion de la société. Pire, le président compte sur ces divisions pour l’emporter en novembre. Habitué à chercher l’ennemi à l’extérieur des frontières, Trump s’en prend désormais à cette Amérique qui ne votera pas pour lui et qu’il accuse de mettre le pays à feu et à sang lors des manifestations contre le racisme. « Les marxistes, les anarchistes, les agitateurs, les pillards… Leur objectif n’est pas de rendre l’Amérique meilleure, leur objectif est de mettre fin à l’Amérique », a-t-il proclamé lors de la fête nationale du 4 Juillet. Sa stratégie, risquée, comblera ses soutiens les plus extrêmes, à défaut de répondre aux maux du pays.
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