Amazonie : l’autre massacre
Occupée à dénoncer le Brésil, la communauté internationale épargne Caracas qui détruit la forêt, pille l’or, pollue les rivières, et assassine même des habitants. PAR AXEL GYLDÉN
désespérante que le Venezuela a longtemps été exemplaire en matière de protection de l’Amazonie », se désole une dirigeante de SOS Orinoco, un groupe d’experts vénézuéliens (biologistes, géologues, etc.) créé en 2018 pour alerter sur la gravité du problème. « En raison de ses richesses en hydrocarbures, poursuit cette scientifique qui s’exprime anonymement par peur de représailles, notre pays n’avait jamais ressenti la nécessité d’exploiter sa région amazonienne, prodigieusement riche en or, diamants, coltan, fer ou aluminium. Mais l’écroulement de l’industrie pétrolière a tout changé. »
Pendant des décennies, les 43 parcs nationaux du Venezuela, en territoire yanomami, arawaco ou baniva, sont demeurés inviolés, hormis par une poignée d’ethnologues et d’écotouristes chanceux qui ont pu voir le Salto Angel, une cascade de près de 1 000 mètres de hauteur au sein du parc national de Canaima, classé au patrimoine mondial de l’humanité par l’Unesco en 1994.
Du reste, lors de son arrivée en pouvoir en 1999, Hugo Chavez a d’abord suscité l’enthousiasme en renforçant le statut protecteur des peuples indigènes. « En pratique, il a fait le contraire », confie à L’Express la députée Mauligmer Baloa, juriste et défenseure des droits de l’Homme. En fait, poursuit cette Indienne de l’ethnie baniva, les ennuis ont vraiment
démarré autour de 2005, après que Chavez a autorisé la guérilla colombienne à se réfugier dans la jungle vénézuélienne. »
L’exploitation des rivières par les orpailleurs a démarré à la même époque. Cependant, le problème était limité : le sud de l’Orénoque ne comptait alors « que » 100 mines à ciel ouvert, contre 1 900 aujourd’hui ! Depuis, les autochtones sont exposés à la pollution au mercure qui, même en petite quantité, fait des ravages sur les systèmes immunitaire, nerveux, digestif ainsi que sur les poumons, les reins, la peau et les yeux. En prime, le paludisme, éradiqué au Venezuela en 1961, a fait son retour, en raison des moustiques attirés par l’eau qui stagne dans les milliers de crevasses produites par les orpailleurs en bordure de rivière.
Surtout, la « loi de la jungle » s’est imposée. Initialement, Hugo Chavez avait permis à d’anciens caïds de prison – les terribles pranes – d’extraire l’or pour le compte du régime. « Chaque mine avait un pran comme contremaître, reprend la députée Mauligmer Baloa. Si ce dernier avait envie d’une Indienne, il la prenait, point final. En cas de contestation, il sortait son arme. Sous la contrainte, de nombreux Indiens sont devenus orpailleurs. »
Ces bandits, dont certains sont restés sur place, ont peu à peu été remplacés par des guérilleros colombiens des Forces armées révolutionnaires de Colombie (Farc) ou de l’Armée de libération nationale (ELN), plus fiables idéologiquement. Mais dans les ténèbres de la forêt, l’ultraviolence perdure. « En 2017, décrit un rapport de l’ONG Human Rights Watch, une femme qui avait volé 10 grammes d’or a été pendue à un arbre et décapitée à la tronçonneuse devant tous les habitants. »
Un exemple parmi tant d’autres.
Le 24 février 2016, Nicolas Maduro a fait de l’exploitation aurifère une politique d’Etat, avec l’inauguration officielle de la « zone stratégique de développement de l’arc minier de l’Orénoque » et la création d’une société chargée de l’exploiter : la Compagnie anonyme militaire des industries minières, pétrolières et du gaz, la Camimpeg. En octobre dernier, il a aussi attribué une mine à chaque gouverneur d’Etat affilié au régime. Plusieurs ministres, la guérilla colombienne, les militaires et des criminels internationaux trempent également dans ce trafic.
Pour donner un ordre de grandeur, l’extraction de 100 kilos d’or rapporte environ 15 millions de dollars. Dans le salon d’un grand hôtel parisien, un acheteur d’or basé en Suisse et spécialisé dans le raffinage, explique : « La production mondiale s’élève à 2 500 tonnes, dont 1 000 de contrebande. Mais au Venezuela, qui produit environ 80 tonnes par an [NDLR : soit une valeur de 12 milliards de dollars], la contrebande représente 100 %. Et cette production est exportée clandestinement, souvent via les Russes, vers la Turquie, l’Iran et Dubai. » Tristes tropiques.
Wviolemment à ce petit cercle sur Twitter, insultant ses membres un par un et les traitant de « losers » en lettres capitales… Le Lincoln Project ne pouvait pas rêver mieux : la notoriété est immédiate, les dons affluent et ses vidéos anti-Trump, jusque-là confidentielles, atteignent des millions de vues.
Le groupe est né en décembre dernier, par la volonté de huit conseillers historiques du Parti républicain – ils ont organisé les campagnes des deux présidents Bush et de John McCain –, qui se sont juré de faire tomber Donald Trump. « Jamais je n’aurais imaginé faire campagne contre un républicain, assure aujourd’hui Sarah Lenti, directrice du projet et ancienne conseillère de George W. Bush. Mais ce président déshonore son poste et la nation américaine. Notre but est simple : Trump ne doit faire qu’un seul mandat. »
En six mois, le Lincoln Project s’est fait une place de choix dans le paysage politique des Etats-Unis. Au moins une fois par jour, l’équipe dégaine une vidéo d’environ une minute, ultra-efficace et cinglante. Un meeting du président fait un flop ? Trois clips pour se moquer de « celui qui, en matière de taille, déçoit toujours », avec un clin d’oeil appuyé à d’anciennes maîtresses… Donald Trump peine à descendre des escaliers ? Dès le lendemain, un montage impitoyable met en doute sa santé physique et mentale.
Une stratégie qui flirte parfois avec la désinformation, pour le plus grand bonheur du camp démocrate. « Notre parti a beaucoup à apprendre d’eux, estime ainsi le consultant James Carville : ils sont méchants, très agressifs. Chez nous, les démocrates, on ne se bat plus comme ça. » Ces vidéos régalent aussi les médias antiTrump, avides de ces attaques sous la ceinture, qu’ils partagent gratuitement et avec enthousiasme.
Non contents de bousculer le président, les membres du Lincoln Project espèrent aussi faire basculer des conservateurs dans le camp de Joe Biden. « Nous avons tous mené des dizaines de campagnes pour des candidats républicains, rappelle Sarah Lenti. Nous savons donc parler à leurs électeurs et nous voulons qu’ils s’autorisent à voter Joe Biden. » Mais, promis, si le groupe parvient à ses fins en novembre et que les démocrates prennent le pouvoir, ces républicains de toujours repasseront dans l’opposition.
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