Petite lueur d’espoir à Bombay
Epicentre de l’épidémie de Covid-19 dans le pays, la capitale économique sort de sa stupeur. La contagion ralentit, et les experts espèrent un retour à la normale cet été.
En fin d’après-midi, quand le soleil daigne enfin descendre sur la mer d’Oman, rendant la température extérieure tolérable, des hordes de promeneurs convergent vers Carter Road pour prendre l’air. Cette rue qui longe les rochers et la mangrove du quartier cosmopolite de Bandra, dans le nord-ouest de Mumbai (anciennement Bombay), est l’un des rares endroits où la vie pourrait presque paraître ordinaire. Sauf que le port du masque y est de rigueur. Et qu’à 19 heures précises, juste avant la tombée de la nuit, la police arrive sirènes hurlantes pour disperser la foule rassemblée en toute illégalité (les groupes de plus de cinq personnes sont interdits). Le couvre-feu est ensuite appliqué entre 21 heures et 5 heures du matin.
Le jour, la mégapole de 21 millions d’habitants, épicentre de l’épidémie de Covid-19 dans le sous-continent durant ces trois derniers mois, semble presque déserte. La population vit dans l’angoisse, dans une atmosphère proche de la paranoïa. Au 5 juillet, la ville comptait 84 524 cas officiels de contamination – sur plus de 700 000 recensés dans le pays – et déplorait 4 908 décès, soit le quart du bilan national (19 700).
Alors que la municipalité a délégué aux syndicats de copropriété la responsabilité de gérer les accès aux bâtiments, chacun se terre chez soi. Et il reste inconcevable de recevoir sa famille ou des amis à la maison. Les livreurs de denrées alimentaires doivent impérativement remettre les courses aux gardiens, et, pour éviter aux gens de sortir, les banques ont équipé des camions de distributeurs automatiques de billets mobiles qui pratiquent une sorte de porte-à-porte.
Dehors, les piétons se font rares et rasent les murs. Ceux qui osent sortir sans masque se font rapidement rabrouer. La circulation automobile est réduite à son minimum, et l’usage perpétuel du Klaxon, spécialité locale, a laissé la place à un silence pesant. Les commerces qui ont décidé de rouvrir le font prudemment, tous les deux jours, alternativement d’un côté et de l’autre des rues, tandis que les salons de coiffure et les salles de sport n’ont redémarré leurs
activités qu’au compte-gouttes. Si le confinement de l’Inde – instauré le 25 mars – a pris officiellement fin le 30 juin, l’Etat du Maharashtra et sa capitale, Mumbai, traumatisés par cette crise qui a submergé les hôpitaux locaux, ont décidé de jouer les prolongations un mois de plus.
Malgré ce climat pesant, quelques ténus signes d’espoir apparaissent après trois mois difficiles. Depuis le 15 juin, la courbe des nouveaux cas a atteint un plateau à Mumbai (environ 1 200 par jour). De quoi apaiser la population, même si la ville « n’est pas tirée d’affaire, le nombre de tests, 4 000 à 4 500 par jour, restant encore largement insuffisant », souligne le docteur Abhijit More, responsable de l’ONG régionale Jan Arogya Abjiyaan. Dès la fin juin, le microbiologiste Parag Rindani, directeur de l’hôpital privé Wockhardt, disait « pouvoir s’attendre à un aplatissement de la courbe d’ici à la mi-juillet » et à un retour à une situation sanitaire normale « peut-être début août ».
Autre nouvelle encourageante, dans le bidonville de Dharavi, le plus grand d’Asie avec son million d’habitants, la tragédie prédite cet hiver n’a pas eu lieu. Grâce à la surveillance stricte des autorités, la mise en quarantaine des personnes suspectes de contamination et le traçage systématique des proches des malades, l’épidémie est sous contrôle dans ce quartier surpeuplé de Mumbai. Le nombre de contaminations ne s’y élevait qu’à 2 323 – et 86 morts – au 5 juillet, et une dizaine de nouveaux cas en moyenne étaient quotidiennement enregistrés autour de cette date.
Une deuxième vague épidémique n’est cependant pas exclue, tout dépendra de la façon dont la population continuera à pratiquer les gestes barrière. Maintenant que les pluies diluviennes de la mousson commencent à s’abattre par intermittence sur la capitale économique de l’Inde, le système de santé est confronté à un nouveau défi : distinguer les malades du Covid-19 de ceux manifestant les mêmes symptômes mais pour d’autres pathologies – grippe, malaria ou dengue –, fréquentes durant la saison humide.
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