Bruxelles ou la souveraineté du dogme
Favoriser la naissance de champions industriels européens est loin d’aller de soi, comme le prouve le projet de fusion d’Alstom.
En interviewant Margrethe Vestager il y a quelques semaines, nous l’avions sentie gênée aux entournures lorsque nous avions évoqué la nécessité de favoriser la naissance de champions industriels européens, et l’indispensable évolution de la doctrine en matière de concurrence. La vice-présidente de la Commission nous avait alors répondu : « Pour le moment, la question ne se pose pas […]. Si les choses évoluent, nous veillerons, comme nous le faisons systématiquement, à garder une compétition équitable. » Pas vraiment le signe annonciateur d’une révolution du côté de Bruxelles…
Le projet de fusion entre Alstom et le canadien Bombardier dans le transport ferroviaire vient d’en faire la démonstration. Par l’absurde. Soumis comme il se doit aux autorités européennes de la concurrence, voilà ce rapprochement suspendu à la probable cession d’une des usines d’Alstom, celle de Reichshoffen dans le Bas-Rhin, qui emploie 800 salariés. Un geste concédé pour atténuer la « position dominante » du futur ensemble sur le marché des petits trains régionaux. Avec toujours la même logique : pas question d’autoriser la constitution d’un quasi-monopole, qui risquerait de faire grimper les prix sur ce segment de marché. Le raisonnement bruxellois peinait déjà à convaincre avant la crise que nous vivons. Il se défend encore moins à l’heure où l’Europe parle de souveraineté et de relocalisations. Car si relocalisations il y a, elles se traduiront par une élévation des coûts de production, donc des prix. Inadmissible ? Pas si cela répond à un choix politique, un nouveau dogme qui ferait passer la réindustrialisation avant la défense du consommateur.