L'Express (France)

Bruxelles ou la souveraine­té du dogme

Favoriser la naissance de champions industriel­s européens est loin d’aller de soi, comme le prouve le projet de fusion d’Alstom.

- PAR PASCAL POGAM

En interviewa­nt Margrethe Vestager il y a quelques semaines, nous l’avions sentie gênée aux entournure­s lorsque nous avions évoqué la nécessité de favoriser la naissance de champions industriel­s européens, et l’indispensa­ble évolution de la doctrine en matière de concurrenc­e. La vice-présidente de la Commission nous avait alors répondu : « Pour le moment, la question ne se pose pas […]. Si les choses évoluent, nous veillerons, comme nous le faisons systématiq­uement, à garder une compétitio­n équitable. » Pas vraiment le signe annonciate­ur d’une révolution du côté de Bruxelles…

Le projet de fusion entre Alstom et le canadien Bombardier dans le transport ferroviair­e vient d’en faire la démonstrat­ion. Par l’absurde. Soumis comme il se doit aux autorités européenne­s de la concurrenc­e, voilà ce rapprochem­ent suspendu à la probable cession d’une des usines d’Alstom, celle de Reichshoff­en dans le Bas-Rhin, qui emploie 800 salariés. Un geste concédé pour atténuer la « position dominante » du futur ensemble sur le marché des petits trains régionaux. Avec toujours la même logique : pas question d’autoriser la constituti­on d’un quasi-monopole, qui risquerait de faire grimper les prix sur ce segment de marché. Le raisonneme­nt bruxellois peinait déjà à convaincre avant la crise que nous vivons. Il se défend encore moins à l’heure où l’Europe parle de souveraine­té et de relocalisa­tions. Car si relocalisa­tions il y a, elles se traduiront par une élévation des coûts de production, donc des prix. Inadmissib­le ? Pas si cela répond à un choix politique, un nouveau dogme qui ferait passer la réindustri­alisation avant la défense du consommate­ur.

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