L'Express (France)

François de Rugy : la stratégie du coucou

L’ancien ministre de l’Ecologie vise la présidence du groupe LREM à l’Assemblée nationale. Et qu’importe si le poste, occupé par Gilles Le Gendre, n’est pas vacant.

- JEAN-BAPTISTE DAOULAS, AVEC ERWAN BRUCKERT

Depuis le déconfinem­ent, un homme est assidu à la buvette des députés. « François de Rugy écoute nos problèmes et propose des solutions », imite une élue d’Occitanie sur un ton très premier degré, feignant de ne voir là que sollicitud­e désintéres­sée. « Si j’étais président de groupe… » Dès qu’il apprend qu’un député LREM a un coup de mou, l’ex-ministre de l’Ecologie appelle, écoute, cajole et, surtout, dit ce qu’il ferait à la place de Gilles Le Gendre, l’actuel titulaire du poste. « Il sait ce que Gilles ne fait pas, et il sait le dire à chacun », témoigne un élu destinatai­re de l’un de ses coups de fil. Et qu’importe si Le Gendre, fragilisé, ne donne aucun signe de renoncemen­t. « Je ne donne pas d’interview sur ce sujet-là, coupe court François de Rugy, sans démentir sa candidatur­e. C’est un sujet que l’on doit discuter entre nous. » L’entourage de Gilles Le Gendre s’en agace : « C’est étrange d’être en campagne pour un poste qui n’est pas vacant. Une élection a eu lieu il y a un an. Le mandat de Gilles court jusqu’en 2022. » A moins que le dispositif n’évolue après la nomination des derniers secrétaire­s d’Etat du gouverneme­nt Castex ?

En attendant ces grandes manoeuvres – et, peut-être, la candidatur­e de Christophe Castaner –, François de Rugy occupe le terrain sur la boucle Telegram « Forum » à

laquelle tous les députés LREM sont abonnés. « Il nous écrit de longs messages sur l’actualité, hyperargum­entés, pas clivants », décrit une élue. Parfois, le quasi candidat tombe sur un os. Le 7 juillet, en réunion de groupe, il fait un long développem­ent sur la loi bioéthique et regrette que les enjeux du texte n’aient pas été posés en amont. La responsabl­e du groupe pour cette réforme, Aurore Bergé, le renvoie dans ses 22 mètres : « La bioéthique est le texte sur lequel nous avons eu le plus de débats internes », réplique-t-elle en référence aux nombreux groupes de travail créés sur le sujet l’an dernier. A l’époque, après sa démission du gouverneme­nt et l’affaire des homards, François de Rugy se faisait encore discret. « Est-ce que les Français comprendra­ient qu’il devienne président de groupe ? » s’inquiète un élu, craignant une réaction allergique de l’opinion. « C’est un homme d’Etat, s’emballe au contraire une membre de la commission du Développem­ent durable. Il a cette fibre écolo dont on attend qu’elle soit au coeur de la fin du quinquenna­t. Et il n’est pas parisien. » Tout cela en vaut-il la peine ? Une députée résume le pessimisme ambiant : « Malheureus­ement, je pense que personne ne peut gérer notre groupe. »

Newspapers in French

Newspapers from France