Liban L’école au bord de la faillite
Ruinées par la crise économique et sociale, les familles n’ont plus les moyens de scolariser leurs enfants dans le privé. Et les établissements publics manquent de tout.
Hyam Fawaz ne sait pas comment elle pourra maintenir son établissement à flot. Cette directrice d’une école publique de Tebnine, village situé à 15 kilomètres de la frontière israélienne, dans le sud du Liban, n’a jamais autant appréhendé la rentrée scolaire. Certains de ses professeurs n’ont pas été payés depuis janvier. « La situation est catastrophique, nous manquons de tout. Un paquet de feuilles, qui coûtait 25 000 livres libanaises (15 euros), s’achète aujourd’hui à 90 euros. J’ai épuisé toutes nos réserves », confie-t-elle, désabusée.
Le Liban vit une crise existentielle sans précédent, rongé par un séisme politique et économique qui menace le secteur de l’enseignement. Alors que la monnaie continue de chuter, 6 Libanais sur 10 vivent sous le seuil de pauvreté. Dans un système où l’Etat est aux abonnés absents, près des deux tiers des familles avaient préféré scolariser leurs enfants dans des établissements privés, de meilleure qualité mais très coûteux. Aujourd’hui, ce système éducatif trilingue, qui faisait la fierté des Libanais, est en péril. Des parents ne peuvent plus payer les frais de scolarité. Avec la dévaluation, Racha, une aide-soignante de Tripoli, ne reçoit plus que 140 euros de salaire mensuel. Elle ne sait pas si elle pourra réinscrire ses deux adolescents dans leur école privée tenue par des religieuses. « Je vais devoir les mettre dans le public, ça me rend malade, avoue-t-elle. Ils vont perdre tout ce qu’ils ont appris. » Il y a deuxsemaines,legouvernementaapprouvé un projet de loi prévoyant l’octroi de 500 milliards de livres libanaises (un peu moins de 50 millions d’euros) de subventions au secteur éducatif. « Il nous promet des aides depuis deux ans, mais nous n’en avons jamais vu la couleur », fustige Hyam Fawaz. Par manque d’argent, des milliers d’enseignants se sont retrouvés au chômage, tant dans les écoles privées que publiques. Paris a récemment assuré son soutien aux 53 établissements appliquant le programme français au pays du Cèdre – fer de lance de la francophonie à travers le monde. Le ministre des Affaires étrangères, JeanYves Le Drian, a annoncé le 1er juillet qu’un fonds de soutien sera mis en oeuvre en faveur des écoles chrétiennes francophones au Liban et au Moyen-Orient. Mais un autre risque plane : l’immigration massive des Libanais à l’étranger. « Combien de familles quitteront le pays cet été ?, s’interroge JeanChristophe Deberre, directeur général de la Mission laïque française. Dans les cinq établissements que nous gérons dans le pays, le nombre d’élèves devrait passer à la rentrée prochaine de 8 100 à 6 600. La situation est très inquiétante. »
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