Finances publiques : l’Allemagne ou le retour du « monde d’avant »
Alors que la France prévoit un déficit public de 6,7 % du PIB pour 2021, l’Allemagne table sur l’équilibre budgétaire en 2022.
On ne change pas les Allemands. Surtout en matière de finances publiques. On a pourtant cru, ces derniers mois, que la pandémie de Covid-19 avait fait basculer la première économie européenne dans le camp adverse, le camp keynésien. Franchement mauvais genre au royaume de l’ordolibéralisme. Au début de l’été, le gouvernement d’Angela Merkel avait pris de court tous les autres pays du Vieux Continent en annonçant un vaste plan de soutien à l’économie, avec, comme mesure phare, une diminution de trois points du taux normal de TVA (de 19 à 16 %) jusqu’à la fin de l’année. Objectif affiché : soutenir la demande et inciter au redémarrage de la consommation des ménages.
Dans la foulée, Angela Merkel pesait de tout son poids – au côté d’Emmanuel Macron – pour faire adopter par les 27 Etats membres les 750 milliards d’euros du plan de relance européen, abandonnant ses anciens soutiens autrichiens et néerlandais à leurs rôles de grincheux frugaux. Mieux, la chancelière approuvait l’inimaginable : une forme de mutualisation des dettes publiques, donnant à la Commission européenne la capacité de s’endetter au nom de tous pour distribuer ensuite à chacun en fonction de ses besoins. Ce qu’elle avait obstinément refusé lors de la précédente grande crise des dettes souveraines, au tout début des années 2010. Mais on aurait eu tort de croire en une conversion.
L’Allemagne n’a pas changé, elle a juste érigé en dogme une forme de pragmatisme économique, trouvant dans ses largesses budgétaires actuelles la justification de sa rigueur passée. La semaine dernière, quelques jours avant Paris, Berlin a présenté son projet de budget pour 2021 et les premières esquisses d’une trajectoire à moyen terme. On y découvre que le déficit du pays devrait revenir à 2,7 % du PIB dès l’an prochain, après un pic à 6,6 % cette année. Surtout, le rééquilibrage des comptes publics devrait se poursuivre avec un quasi-retour à l’équilibre en 2022 (seulement 0,3 % de déficit prévu).
En France, où le trou dans les comptes publics devrait encore atteindre 6,7 % du PIB l’an prochain, il faudra sans doute attendre 2023 ou 2024 – les premières années du prochain quinquennat – pour voir le déficit repasser sous la limite des 3 % du PIB inscrite dans les traités européens. Et encore faudra-t-il que l’Hexagone ne lâche pas sur les réformes structurelles à lancer, notamment celle des retraites, a averti le ministre de l’Economie, des Finances et de la Relance Bruno Le Maire lors de la présentation du projet de loi. C’est fou la vitesse à laquelle les sujets du « monde d’avant » refont surface.