Menace terroriste : la très difficile détection des profils isolés
L’attaque visant la rue des anciens locaux de Charlie Hebdo illustre la réalité de la menace actuelle, provenant d’individus non connus des services de renseignement.
C’est une menace diffuse et imprévisible. Vendredi 25 septembre, elle a pris le visage de Hassan A., un Pakistanais de 18 ans, selon l’identité qu’il a fournie lors de son arrestation. Muni d’un hachoir, le jeune homme s’est rendu rue NicolasAppert, dans le XIe arrondissement de Paris, où il a violemment agressé et blessé un homme et une femme en pleine pause cigarette. Deux employés de la société de production Premières lignes, ancienne voisine de Charlie Hebdo. En garde à vue, l’auteur a expliqué qu’il visait l’hebdomadaire satirique. Sans savoir qu’il n’était plus là depuis longtemps, désormais installé à une autre adresse ultrasécurisée et tenue secrète.
Au-delà de son aspect symbolique très fort, en plein procès des attentats de janvier 2015, cette attaque illustre la réalité du spectre terroriste qui plane actuellement sur la France. Ce que les spécialistes nomment la « menace endogène ». Elle est le fait d’individus présents sur le territoire national, qui peuvent passer à l’action, inspirés par la propagande de Daech ou d’Al-Qaeda. Souvent, avec des moyens rudimentaires. C’est ce qui s’est produit lors des attentats ayant frappé le pays depuis le début de l’année : à Villejuif (Val-deMarne), à Romans-sur-Isère (Drôme) ou encore à Colombes (Hauts-de-Seine).
Hassan A. n’était pas fiché S, pas plus qu’il n’appartenait aux quelque 8 000 personnes fichées en France pour radicalisation à caractère terroriste. « Ce sont les individus les plus difficiles à repérer, ils sont quasiment indétectables. Ils passent à l’action en un rien de temps, parfois juste après s’être radicalisés », reconnaît une source sécuritaire de premier plan. « C’est très compliqué à prendre en compte pour nos équipes lorsqu’il n’y a ni connexion avec un groupe terroriste ni acte préparatoire. Car nous ne pouvons pas entrer dans leurs têtes », complète un second responsable antiterroriste.
L’auteur de l’attaque rue NicolasAppert assure que c’est la republication des caricatures du prophète Mahomet par Charlie Hebdo, au début du mois, qui a fait office de déclencheur pour son basculement dans la violence. Dans son pays d’origine, le Pakistan, la Une de l’hebdomadaire a provoqué des manifestations. Par ailleurs, le 11 septembre, Al-Qaeda a émis une nouvelle fatwa contre le journal, avertissant que le raid meurtrier de janvier 2015 n’était pas « un incident ponctuel ».
« La menace a augmenté en intensité avec l’ouverture du procès. Certains individus que nous suivons s’agitent en ce moment », reconnaît la même source sécuritaire. Dans les derniers dossiers terroristes, aucun lien n’a été établi avec des contacts opérationnels en Irak ou en Syrie, qui téléguideraient des individus en France, comme ce fut longtemps le cas, notamment sur la période 2016-2017. Actuellement, le risque d’un « attentat projeté », élaboré depuis la zone irakosyrienne, est jugé moins probable. Mais pas nul. Aucun responsable n’écarte totalement l’hypothèse dans un domaine où l’on répète à l’envi que le risque zéro n’existe pas, et alors que les organisations terroristes, bien qu’affaiblies, demeurent actives.
Le 25 septembre, dans la matinée, un enquêteur de la Direction générale de la sécurité intérieure expliquait devant la cour d’assises spéciale de Paris que « le renseignement consiste à devoir évaluer en permanence des menaces ». Sans « moyens infinis », il faut choisir les « objectifs » sur lesquels mettre le paquet. « Chaque attentat est ressenti comme un échec par nous tous », a-t-il fini par confier, avec émotion. Quelques minutes après, Hassan A. passait à l’action.
« Ils passent à l’action en un rien de temps, parfois juste après s’être radicalisés »