L'Express (France)

Pour doper les adhésions, les syndicats font des promos

Afin de toucher des travailleu­rs isolés par le Covid-19 et regarnir leurs troupes, les organisati­ons de salariés multiplien­t les opérations coups de poing.

- NATHALIE SAMSON

Deux mois gratuits sans engagement. Ce n’est pas l’offre spéciale rentrée d’une salle de sport quelconque, mais l’« adhésion découverte » lancée pour la première fois par la CFDT les 22, 23 et 24 septembre un peu partout en France. Pendant leur période d’essai, les nouveaux adhérents pourront tester tous les services du syndicat, sauf la protection juridique. Objectif : regarnir les troupes. « La période de confinemen­t a créé une espèce de vide sidéral des adhésions, reconnaît Laurent Berger, secrétaire général, qui se défend de faire des promotions. Ce n’est pas du marketing, mais une opération de proximité avec des salariés aujourd’hui trop loin du syndicalis­me et qui pourtant en ont besoin. » Une façon de renouer avec un « syndicalis­me d’utilité », qui « n’enlève rien à l’aspect revendicat­if », selon lui.

La centrale de Belleville n’est pas la seule à s’essayer à ces nouvelles pratiques. Début octobre, l’Unsa va lancer Unsa TPE, « avec un forfait mensuel de type Netflix », explique Eric Pédeboscq, conseiller du secrétaire général. A la différence de celle de la CFDT, l’offre se concentrer­a sur les employés des entreprise­s de moins de 11 salariés et proposera deux options. Un abonnement de base à 3 euros par mois pour profiter des avantages du comité social et économique (ex-comité d’entreprise), places de cinéma moins chères, par exemple. Celui à 7,50 euros leur offrira un accompagne­ment supplément­aire, et, au bout de six mois d’adhésion, une protection juridique. « Quelque 85 % des salariés ne sont pas syndiqués, il faut qu’on s’adresse à eux », justifie Eric Pédeboscq, qui espère attirer en quelques mois des milliers de nouvelles recrues dans ses filets.

La démarche n’est pas anodine. Les prochaines élections de représenta­tivité dans les très petites entreprise­s (TPE) ayant lieu au début de l’année prochaine, elle s’inscrit en plein dans l’actualité électorale des syndicats. Il y a un mois, Force ouvrière a lancé le pass Solidarité TPE, une plateforme proposant des places de cinéma ou des réservatio­ns de mobilhome à tarif réduit. Pour l’instant, l’accès est gratuit. « Fin mars, on leur proposera d’adhérer à FO au tarif normal. On ne fait ni promos ni soldes. On veut des adhérents qui deviennent militants », insiste Roxane Idoudi, secrétaire confédéral­e au développem­ent.

Ces opérations peuvent-elles payer ? Pour Bernard Vivier, directeur de l’Institut supérieur du travail, ce n’est pas la bonne réponse : les syndicats essaient d’attirer des clients nouveaux sur une offre qui n’a pas changé. « Reste que s’ils n’adhèrent pas, ironise le spécialist­e, ils se souviendro­nt peut-être, lorsqu’ils glisseront leur bulletin de vote dans l’urne, du nom de l’organisati­on »… qui aura alors réussi un joli coup marketing.

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