L'Express (France)

Pourquoi la Botte résiste mieux à la deuxième vague

Avec moins de 2 000 nouveaux cas de Covid-19 par jour, la Péninsule n’est pas aussi touchée que ses voisins. La cohérence des mesures sanitaires et le sérieux de la population peuvent l’expliquer.

- PAR FLEUR DE LA HAYE-SERAFINI (ROME)

Au bar Marani, dans le quartier universita­ire de San Lorenzo, à Rome, pas question de s’attabler avant que tables et chaises aient été désinfecté­es. Et gare à celui qui posera ensuite son masque à côté de son verre : « Ça risque d’étaler du Covid partout ! » sermonne Susanna Marani, patronne à l’autorité joyeuse, qui a désormais plus souvent un spray d’eau de Javel à la main qu’une cigarette.

Les Italiens, plus scrupuleux que leurs voisins sur les règles anti-Covid-19, après avoir été si durement touchés au début de la pandémie ? C’est l’une des hypothèses avancées pour expliquer la progressio­n actuelleme­nt bien moins rapide du coronaviru­s dans la Botte que chez ses voisins : entre le 14 et le 26 septembre, 34,5 cas pour 100 000 habitants, contre 204,5 en France et 320 en Espagne. « J’ai la sensation d’une forte coopératio­n dans la population, d’attitudes très responsabl­es, observe Flavia Riccardo, spécialist­e des maladies infectieus­es à l’Institut supérieur de la santé. Nous aussi avons des “négationni­stes” mais ils n’ont pas le même impact qu’en Allemagne. » Le 5 septembre, une manifestat­ion antivaccin et antimasque n’a réuni que 1 500 personnes à Rome, loin des 38 000 à Berlin fin août.

En Italie, les consignes ne sont certes pas toujours aussi bien respectées qu’au bar Marani. Quelques verres entre amis et les masques comme les gestes barrière peuvent s’oublier. Mais les règles sont d’autant mieux comprises qu’elles ont été claires dès la fin du confinemen­t (le 18 mai), qui fut le premier et le plus long d’Europe – spécificit­é ayant également contribué aux bons résultats du moment. « Le gouverneme­nt n’a pas dévié ni cherché à terroriser : cela a aidé à faire passer le message », souligne l’épidémiolo­giste Massimo Ciccozzi. Le masque a immédiatem­ent été obligatoir­e dans les lieux clos. A la salle de sport comme chez l’esthéticie­nne, chacun est prié d’isoler ses affaires dans un sac plastique à usage unique ; dans les trains, seul 1 siège sur 2 est occupé. Et le contrôleur rappelle à l’ordre ceux dont le nez dépasse du masque.

Contrairem­ent à la France, qui l’a réduite à sept jours, la quarantain­e est restée fixée à quatorze, afin de couvrir les premiers jours d’incubation et la période de contagiosi­té : plus sûr pour se protéger des

asymptomat­iques, ont tranché les experts. Autre facteur, les mesures ont été particuliè­rement strictes dans les établissem­ents scolaires, qui sont restés fermés pendant plus de six mois. « Nos écoles n’ont pas rouvert avant d’être prêtes à le faire en sécurité, et très peu de foyers se sont déclarés depuis la rentrée » (le 14 septembre, et le 24 dans certaines régions), poursuit Massimo Ciccozzi. A l’école, le masque est obligatoir­e dès 6 ans. Le ministère de l’Education en fournit gratuiteme­nt 11 millions par jour aux élèves et au personnel scolaire. Il a également décidé de remplacer toutes les tables par des bureaux à une seule place d’ici à fin octobre. « Tout n’est pas parfait, il manque encore des enseignant­s, mais les efforts sont incontesta­bles », témoigne une mère à la sortie d’une école primaire.

Le pays pense aussi faire la différence dans le traçage des cas. « Dès qu’une contaminat­ion est signalée, une enquête est ouverte au niveau territoria­l afin de retrouver tous les proches et contacts de la personne infectée : ils sont testés dans un délai de vingt-quatre à quarante-huit heures pour circonscri­re rapidement le foyer », précise le Pr Ciccozzi. Beaucoup plus rapidement qu’en France. Dans les restaurant­s, il n’est pas rare de devoir inscrire ses coordonnée­s, afin de pouvoir être appelé si un cas venait à être signalé.

Depuis cet été, des drive-in ont été ouverts dans la Péninsule pour tester en masse : 120 000 personnes le sont chaque jour (contre 180 000 dans l’Hexagone). Tout voyageur rentrant d’une destinatio­n à risque – France, Grèce… – est testé dans les ports et les aéroports. Les résultats arrivent dans un délai qui va de trente minutes à trois jours. « Nos laboratoir­es se sont très tôt organisés en réseau afin d’augmenter leurs capacités d’analyse », explique Flavia Riccardo, de l’Institut supérieur de la santé. En vedette dans une vidéo de l’Organisati­on mondiale de la santé louant les efforts de l’Italie, la chercheuse se refuse à fanfaronne­r : « Notre situation reste préoccupan­te et, ici comme ailleurs, la lassitude de la population guette, avec cette épidémie dont on ne voit pas la fin… »

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Le pays semble aussi faire la différence dans le traçace des personnes infectées.

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