L'Express (France)

La mondialisa­tion, mouvement perpétuel

OUTSIDE THE BOX. HOW GLOBALIZAT­ION CHANGED FROM MOVING STUFF TO SPREADING IDEAS

- PAR MARC LEVINSON. FRANÇOIS ROCHE

PRINCETON. 288 P. 26,95 .

La pandémie va-t-elle changer le cours de la mondialisa­tion ? Cette question fait partie des grandes interrogat­ions sur « le monde d’après », au même titre que la réforme du capitalism­e ou que l’évolution de nos modèles sociaux. Naturellem­ent, il n’existe aucune réponse définitive sur ces sujets, tant ils interrogen­t des systèmes complexes, anciens, et ancrés dans la vie économique et sociale.

La pandémie, donc, et le confinemen­t partiel ou total de population­s ont fortement entravé le commerce internatio­nal et quasiment stoppé les déplacemen­ts humains d’un continent à l’autre. Certains pensent que ce retour sur soi va se pérenniser et que la mondialisa­tion connaîtra un déclin programmé. Naturellem­ent, ce n’est pas si simple et le livre de Marc Levinson en offre une illustrati­on tout à fait claire. Ancien journalist­e à The Economist, historien, essayiste, Marc Levinson maîtrise lesujet du commerce mondial puisqu’il est aussi l’auteur de The Box. Comment le conteneur a changé le monde (Max Milo, 2011). Il reconnaît que, en apparence, la globalisat­ion pourrait être la victime emblématiq­ue du Covid-19. Dans la réalité, il ne faut pas l’enterrer trop vite. Elle n’est pas en voie de disparitio­n, mais sur le chemin d’un changement de nature.

Lorsque l’on examine l’histoire de la mondialisa­tion sur une longue période, comme le fait l’auteur, on constate qu’elle a été une composante constante de la croissance planétaire. Déjà, avant le xviiie siècle, les grands acteurs économique­s pensaient « global ». Ils ont été servis par des innovation­s technologi­ques majeures, la machine à vapeur par exemple, mais aussi le télégraphe. Interrompu par les deux guerres mondiales, le mouvement de globalisat­ion a repris avec une ampleur nouvelle dès le début des années 1950, avec la création de la Communauté européenne du charbon et de l’acier. Il s’est nourri au cours des deux dernières décennies de l’explosion économique de la Chine et des « Tigres » d’Asie du Sud-Est, avec une très forte croissance du commerce internatio­nal et des investisse­ments directs. Entre 2001 et 2008, le volume des échanges de marchandis­es dans le monde a doublé, sous l’effet d’une extension inédite de la chaîne logistique des entreprise­s (en 2019, Apple comptait des fournisseu­rs dans 49 pays).

Nous passons aujourd’hui à une nouvelle phase de la mondialisa­tion, soutient Marc Levinson, celle-ci dépendant moins de l’échange de produits physiques que de services et d’informatio­ns (finances, logiciels, audit, production d’idées...). « Les entreprise­s dispensent leurs savoirs récents au travers de centres technologi­ques répartis dans le monde entier, et ce système repose de plus en plus sur des accords de licence ou de coopératio­n globale avec leurs fournisseu­rs », écrit-il. A la mondialisa­tion physique, celle des échanges de biens, est en train de succéder une mondialisa­tion des idées et des services, dont les effets sont peut-être moins visibles, mais non moins puissants.

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