Bienvenue dans l’ère des superstars
Comment devenir milliardaire sans structure capitalistique ? Suivez l’exemple de Kanye West ou de Lionel Messi.
La semaine dernière, le magazine Forbes a célébré l’entrée du footballeur argentin Lionel Messi dans un club très fermé, celui des sportifs ayant dépassé le milliard de dollars de gains pendant leur carrière. Il y retrouve son grand rival portugais Cristiano Ronaldo, le basketteur Michael Jordan, le golfeur Tiger Woods ou le boxeur Floyd Mayweather Jr. Le tennisman suisse Roger Federer ne devrait pas tarder à les rejoindre. Un milliard gagné par un seul individu sans structure capitalistique : nous voici pleinement entrés dans l’ère des superstars.
Mondialisation et digital
Une superstar se caractérise avant tout par son immense célébrité. En cela, elle est le fruit de la mondialisation – uniformisation des goûts et des loisirs, qui accroît la base de fans ou de consommateurs – et du digital, qui permet de toucher plus aisément des audiences plus larges. Les personnalités ayant gagné le plus d’argent en 2019 sont : Kylie Jenner (590 millions de dollars) ; Kanye West (170 millions) ; Roger Federer
(107 millions). Les superstars ne se retrouvent pas uniquement dans les secteurs des sports ou de la culture. Les chefs d’entreprise obéissent à la même logique. Les plus connus sont également ceux qui sont le mieux payés. D’ailleurs, leurs niveaux de rétribution sont assez similaires à ceux des célébrités. Leur podium pour 2019 est composé d’Elon Musk, charismatique leader de SpaceX et de Tesla (595 millions de dollars), Tim Cook d’Apple (134 millions), et Tom Rutledge, à la tête du câblo-opérateur Charter (117 millions). Une superstar possède une rémunération largement supérieure à la médiane de ses pairs, et cet écart s’accroit avec le temps.
Les dix sportifs les mieux payés au monde ont ainsi vu leurs gains cumulés passer de 86 millions en 1990 à 1 milliard de dollars en 2019.
Capacité à faire acheter
La plupart des montants gagnés sont directement liés à la capacité de ces superstars à faire acheter des produits. C’est ainsi que se sont multipliées les marques personnelles. Aviation était une petite société créée en 2006 et spécialisée dans le gin jusqu’à ce que l’acteur Ryan Reynolds décide d’entrer à son capital en 2018. Le mois dernier, le nom a été racheté par le géant anglais des spiritueux Diageo pour 610 millions de dollars. Le comédien a multiplié les événements pour la promotion de l’alcool, représentant un budget publicitaire annuel de plusieurs millions de dollars. Cette vente suit celle de la tequila Casamigos, fondée en 2013 par George Clooney et deux associés avec un investissement initial de 1,8 million de dollars, et revendue au même Diageo pour 700 millions à peine quatre ans plus tard. L’essentiel des revenus de Kylie Jenner provient de sa marque de cosmétiques dans laquelle Coty, l’entreprise centenaire de beauté et soins, a pris une part majoritaire pour 600 millions de dollars l’année dernière. Les produits commercialisés par les superstars colonisent chaque jour de nouveaux secteurs, des confiseries Sugarpova de la joueuse de tennis russe Maria Sharapova aux vêtements de sport Fabletics proposés par l’actrice américaine Kate Hudson. Les sommes perçues directement liées à la pratique professionnelle finissent par devenir minoritaires : c’est le cas du producteur de rap américain Dr. Dre, dont 80 % de la fortune a été bâtie grâce à la vente à Apple, en 2014, de Beats, la marque de casques de musique qu’il avait cofondée.
Les supervendeurs venus de Chine
Sur Internet, les nouvelles célébrités sont baptisées
« influenceurs », un terme qui désigne ces personnalités capables d’orienter leurs communautés de fans, parfois très vastes, vers tel ou tel produit par l’entremise de publicités. On peut citer l’exemple des Français Cyprien ou Norman, qui cumulent respectivement 32 et 24 millions d’abonnés sur YouTube, Facebook, Twitter et Instagram. Mais il faut désormais se préparer au déferlement des supervendeurs venus d’Asie, conjuguant téléshopping et réseaux sociaux. La star chinoise de la discipline s’appelle Viya et elle dirige un centre commercial virtuel réalisant près de 4 milliards de dollars de ventes par an. Pour donner un ordre d’idée de la puissance phénoménale de cette jeune femme de 34 ans, le total des ventes de biens matériels en ligne en France était de 40 milliards d’euros en 2019, selon Kantar. Forte d’une communauté de followers immense – son record d’audience est de 37 millions de personnes –, Viya peut tout vendre, y compris un lancement de fusée pour 6 millions de dollars en avril dernier.