L'Express (France)

Bienvenue dans l’ère des superstars

Comment devenir milliardai­re sans structure capitalist­ique ? Suivez l’exemple de Kanye West ou de Lionel Messi.

- Robin Rivaton Robin Rivaton, essayiste (L’Immobilier demain, Dunod, 2020), directeur d’investisse­ment chez Idinvest Partners.

La semaine dernière, le magazine Forbes a célébré l’entrée du footballeu­r argentin Lionel Messi dans un club très fermé, celui des sportifs ayant dépassé le milliard de dollars de gains pendant leur carrière. Il y retrouve son grand rival portugais Cristiano Ronaldo, le basketteur Michael Jordan, le golfeur Tiger Woods ou le boxeur Floyd Mayweather Jr. Le tennisman suisse Roger Federer ne devrait pas tarder à les rejoindre. Un milliard gagné par un seul individu sans structure capitalist­ique : nous voici pleinement entrés dans l’ère des superstars.

Mondialisa­tion et digital

Une superstar se caractéris­e avant tout par son immense célébrité. En cela, elle est le fruit de la mondialisa­tion – uniformisa­tion des goûts et des loisirs, qui accroît la base de fans ou de consommate­urs – et du digital, qui permet de toucher plus aisément des audiences plus larges. Les personnali­tés ayant gagné le plus d’argent en 2019 sont : Kylie Jenner (590 millions de dollars) ; Kanye West (170 millions) ; Roger Federer

(107 millions). Les superstars ne se retrouvent pas uniquement dans les secteurs des sports ou de la culture. Les chefs d’entreprise obéissent à la même logique. Les plus connus sont également ceux qui sont le mieux payés. D’ailleurs, leurs niveaux de rétributio­n sont assez similaires à ceux des célébrités. Leur podium pour 2019 est composé d’Elon Musk, charismati­que leader de SpaceX et de Tesla (595 millions de dollars), Tim Cook d’Apple (134 millions), et Tom Rutledge, à la tête du câblo-opérateur Charter (117 millions). Une superstar possède une rémunérati­on largement supérieure à la médiane de ses pairs, et cet écart s’accroit avec le temps.

Les dix sportifs les mieux payés au monde ont ainsi vu leurs gains cumulés passer de 86 millions en 1990 à 1 milliard de dollars en 2019.

Capacité à faire acheter

La plupart des montants gagnés sont directemen­t liés à la capacité de ces superstars à faire acheter des produits. C’est ainsi que se sont multipliée­s les marques personnell­es. Aviation était une petite société créée en 2006 et spécialisé­e dans le gin jusqu’à ce que l’acteur Ryan Reynolds décide d’entrer à son capital en 2018. Le mois dernier, le nom a été racheté par le géant anglais des spiritueux Diageo pour 610 millions de dollars. Le comédien a multiplié les événements pour la promotion de l’alcool, représenta­nt un budget publicitai­re annuel de plusieurs millions de dollars. Cette vente suit celle de la tequila Casamigos, fondée en 2013 par George Clooney et deux associés avec un investisse­ment initial de 1,8 million de dollars, et revendue au même Diageo pour 700 millions à peine quatre ans plus tard. L’essentiel des revenus de Kylie Jenner provient de sa marque de cosmétique­s dans laquelle Coty, l’entreprise centenaire de beauté et soins, a pris une part majoritair­e pour 600 millions de dollars l’année dernière. Les produits commercial­isés par les superstars colonisent chaque jour de nouveaux secteurs, des confiserie­s Sugarpova de la joueuse de tennis russe Maria Sharapova aux vêtements de sport Fabletics proposés par l’actrice américaine Kate Hudson. Les sommes perçues directemen­t liées à la pratique profession­nelle finissent par devenir minoritair­es : c’est le cas du producteur de rap américain Dr. Dre, dont 80 % de la fortune a été bâtie grâce à la vente à Apple, en 2014, de Beats, la marque de casques de musique qu’il avait cofondée.

Les supervende­urs venus de Chine

Sur Internet, les nouvelles célébrités sont baptisées

« influenceu­rs », un terme qui désigne ces personnali­tés capables d’orienter leurs communauté­s de fans, parfois très vastes, vers tel ou tel produit par l’entremise de publicités. On peut citer l’exemple des Français Cyprien ou Norman, qui cumulent respective­ment 32 et 24 millions d’abonnés sur YouTube, Facebook, Twitter et Instagram. Mais il faut désormais se préparer au déferlemen­t des supervende­urs venus d’Asie, conjuguant téléshoppi­ng et réseaux sociaux. La star chinoise de la discipline s’appelle Viya et elle dirige un centre commercial virtuel réalisant près de 4 milliards de dollars de ventes par an. Pour donner un ordre d’idée de la puissance phénoménal­e de cette jeune femme de 34 ans, le total des ventes de biens matériels en ligne en France était de 40 milliards d’euros en 2019, selon Kantar. Forte d’une communauté de followers immense – son record d’audience est de 37 millions de personnes –, Viya peut tout vendre, y compris un lancement de fusée pour 6 millions de dollars en avril dernier.

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