L'Express (France)

CORRESPOND­ANCES (1932-1959)

- PAR BORIS VIAN, ÉDITION ÉTABLIE PAR NICOLE BERTOLT. FAYARD, 740 P., 34 €. JÉRÔME DUPUIS

Il était temps ! Plus de soixante ans après sa mort, Boris Vian a enfin droit à un gros volume de sa correspond­ance, pour une très large part inédite. Et on peut dire que ces lettres sont à l’image de l’auteur de L’Arrache-coeur : débridées, inventives, foutraques, tantôt profondes, tantôt anecdotiqu­es. Même si Vian avait plus ou moins classé ces missives de son vivant, le chantier mené par Nicole Bertolt est colossal. A l’arrivée : 500 lettres, pour moitié signées Vian, les autres étant de ses amis, parents, admirateur­s, etc., au risque, parfois, de ne plus savoir qui écrit quoi. On y découvre la précocité du Boris adolescent, qui, dans ses courriers à sa famille, invente déjà des scènes délirantes et joue avec les mots. Une tendance qui se confirmera par la suite, assortie d’une orthograph­e très pataphysiq­ue : « cygarèthes », « pâtes au gruhaire », « Bôpapah », « vouszenser­rancinq »...

Entre deux concerts de jazz et trois virées à SaintTrope­z, on découvre les tendres missives à ses épouses, Michelle d’abord, puis Ursula, son « ourson », ensuite. On mesure mieux l’étrange malentendu qui a frappé la carrière littéraire de Vian, déçu par l’insuccès de L’Ecume des jours. Signalons d’ailleurs une lettre d’anthologie à Gaston Gallimard : « La prochaine fois, j’espère que tu laisseras parler ton coeur. Une grosse bise à toute la petite famille. Ton pote, Boris. » On n’a pas dû parler souvent comme ça au commandeur des lettres françaises… Et puis, bien sûr, affleurent les périodes de désespoir, de découragem­ent, les problèmes de coeur (les vrais), qui l’empêchent même de jouer de la guitare… Boris Vian est plus qu’un romancier pour classes de terminale.

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