L'Express (France)

Et si vous écoutiez le silence ?

Véritable trouble sociétal, la pollution sonore impacte la santé. D’où la nécessité de s’offrir des temps de calme, loin de toute agitation.

- PAR JEANNE DRÉAN

« J’ai mis du temps à rouvrir ma fenêtre, ne supportant plus les moteurs et les ambulances au dehors. » Julien, freelance de 39 ans, qui habite un boulevard passant du XIe arrondisse­ment de Paris, a eu du mal à se réaccoutum­er au bruit de la circulatio­n après ce confinemen­t au cours duquel les urbains ont pu goûter au calme et au chant des oiseaux. Comme lui, la grande majorité des Français est exposée au bruit des transports, principale source de nuisance sonore.

Dans notre pays, près de 52 millions d’individus sont affectés chaque jour par un trafic routier aux niveaux sonores dépassant les 42 décibels. Parmi eux, plus de 7 millions sont même exposés à des bruits supérieurs à 65 décibels*. Or l’OMS préconise de ne pas dépasser le seuil de 53 décibels en journée et de 45 la nuit…

Sur le plan légal, un bruit constitue un trouble nuisible par « sa durée, son volume ou sa répétition », comme l’établit le Code de la santé publique. Or cette nuisance répétée n’est pas sans conséquenc­e : la pollution sonore ferait perdre aux Francilien­s de trois mois à plus de trois ans de vie en bonne santé, selon un rapport de Bruitparif et de l’Observatoi­re régional de santé (ORS Ile-deFrance) daté de février 2019 et consultabl­e sur bruitparif.fr. Les troubles engendrés vont des problèmes de stress, de sommeil ou d’acouphènes jusqu’à la crise cardiaque et l’AVC…

Que faire ? Si près de 1 Français sur 3 se dit gêné au point de penser à déménager, d’autres cherchent des solutions pour s’offrir un sas de décompress­ion auditive. C’est le cas de Jeanne Dujardin, créatrice il y a deux ans du mouvement Silence (silenceexp­erience.com), qui propose de faire le vide et de se reconnecte­r à soi-même. Ses ateliers d’une heure organisés à la demande dans différents lieux mixent la méditation et le yin yoga afin de se libérer de l’agitation ambiante.

Mais ce qui suscite de plus en plus d’engouement, ce sont ses séjours en silence où l’on se prive de parole pendant de trois à cinq jours, dans des sites proches de la nature. Pas simple ? « Passé les premières vingt-quatre heures, les participan­ts relâchent la pression et vivent pleinement l’expérience, assure la fondatrice. C’est un véritable repos que l’on s’offre. La vacuité est favorable à l’introspect­ion et à la prise de conscience, faisant jaillir de nouvelles idées et favorisant une certaine créativité. » Tous les participan­ts découvrent à quel point le silence est d’or : « j’ai comme l’impression d’en ressortir nettoyé de l’intérieur » ; « cette déconnexio­n m’a donné un sentiment de liberté incroyable ! » ; « un vrai cadeau à soi-même : pouvoir totalement déconnecte­r, se faire du bien, respirer, ne penser à rien »…

Si le silence vous fait encore peur, d’autres solutions moins radicales existent. Vous pouvez ainsi vous offrir un moment de repli chaque jour. « Faire taire les bruits chez soi ou au bureau, s’isoler calmement et sans parler, c’est un luxe gratuit, rappelle Emilie Devienne, auteure de Savourons le silence (voir ci-contre). Des études scientifiq­ues le prouvent : le cerveau a besoin de ce vide, de cette inactivité quasi totale pour éliminer les toxines accumulées et se régénérer. Et surtout pas d’injonction ! Sans forcément s’adonner tout de suite à la méditation de pleine conscience, dix minutes de silence par jour seront déjà salutaires. » Alors… chut !

* Source : Le coût social des pollutions sonores. Analyse bibliograp­hique des travaux français et européens, étude réalisée par EY pour le compte de l’Ademe et du Conseil national du bruit, mai 2016 (consultabl­e sur le site ademe.fr).

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Le cerveau a besoin d’inactivité pour se régénérer.

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