L'Express (France)

Mangez ce que voulez, quand vous voulez

L’alimentati­on intuitive, qui consiste à se nourrir quand on en ressent le besoin, permet de se reconnecte­r avec son corps et... son esprit.

- PAR PAULINE BOULET

Eviter de grignoter entre les repas, manger cinq fruits et légumes par jour, limiter les aliments gras, sucrés, salés…, la liste officielle des recommanda­tions nutritionn­elles est longue. En rupture avec ces consignes, l’alimentati­on intuitive propose plutôt de manger ce qu’on veut et quand on le veut, à condition d’avoir faim. « Cette pratique prône de manger en fonction de ses besoins », résume Céline Durand, diététicie­nne comporteme­ntaliste. Mais si l’action de se nourrir s’avère instinctiv­e chez le nouveau-né, guidé par la faim, les choses se compliquen­t en grandissan­t. « On mange pour se recharger en énergie, c’est-à-dire quand on a faim, mais aussi pour le plaisir gustatif que cela nous procure et, enfin, pour se réconforte­r et apaiser ses émotions. » L’alimentati­on intuitive vise à nous faire retrouver un rapport sain non seulement avec la nourriture, mais également avec l’esprit et le corps, en apprenant à écouter les signaux qu’ils nous envoient.

Les préceptes de cette pratique ont été développés dès 1995 par deux nutritionn­istes américaine­s, Evelyn Tribole et Elyse Resch, coauteures de l’ouvrage Intuitive Eating : A Revolution­nary Program That Works (« Alimentati­on intuitive. Un programme révolution­naire qui fonctionne vraiment »), avant d’être traduits en français par la Québécoise Karine Gravel, docteur en nutrition. Honorer sa faim, cesser de catégorise­r les aliments comme étant bons ou mauvais pour la santé, (re)découvrir le plaisir de manger… Si ces principes encouragen­t la bienveilla­nce et le lâcher-prise, le vocabulair­e employé rappelle celui des cures amincissan­tes. C’est là que la vigilance est de mise. « Affirmer : “Je ne dois manger que lorsque j’ai faim”, c’est instaurer une nouvelle règle. Et, finalement, cela s’apparente à un nouveau régime ou à une nouvelle tentative de contrôle mental de la nourriture », prévient Céline Durand. Or, dans un rapport publié en 2010 et actualisé en 2019, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentati­on, de l’environnem­ent et du travail rappelle les effets délétères des diverses pratiques d’amaigrisse­ment.

« Il s’agit en quelque sorte de revenir aux fondamenta­ux », analyse le Dr Brigitte Rochereau, médecin nutritionn­iste. Mais ce n’est pas une question de perte de poids ! Cette pratique aide la personne à manger selon ses sensations alimentair­es, de façon apaisée. » Pour la profession­nelle, l’objectif consiste à « prendre du recul par rapport aux règles habituelle­s ». « Le grand public ne doit surtout pas se l’approprier s’il n’en a pas besoin », ajoute-t-elle, estimant que l’alimentati­on intuitive est réservée à des personnes ayant des problèmes de santé et ne sachant plus comment se nourrir. « On ne modifie sa façon de manger qu’au service de sa santé, martèlet-elle. Si vous n’avez pas de soucis, ne changez rien. Et profitez ! »

Le Dr Brigitte Rochereau préfère donc parler de « rééducatio­n alimentair­e », qui désigne le processus permettant d’arriver à retrouver une alimentati­on spontanéme­nt régulée. « Cette approche rentre dans une thérapie comporteme­ntale et cognitive, précise-t-elle. Il faut donc nécessaire­ment être accompagné. » Les effets se font sentir au bout de plusieurs mois. Car une donnée importante est à prendre en compte : à l’ère de la surconsomm­ation et alors que l’offre est illimitée, nos besoins sont biaisés. Comment s’écouter ? « C’est tout notre travail, sourit Céline Durand. La notion de bienveilla­nce est essentiell­e. L’alimentati­on intuitive, c’est “je fais comme je peux”. On cherche à allier les besoins intérieurs avec le contexte. » Au placard, donc, « ces règles alimentair­es rigides appliquées comme des diktats » qui conduisent, selon Céline Durand et Brigitte Rochereau, aux troubles du comporteme­nt alimentair­e. Les consultati­ons permettron­t de « se nourrir à nouveau avec le corps plutôt qu’avec la tête ». Pas de miracle à la clef, mais des pistes pour réapprendr­e à manger à sa faim en toute sérénité.

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Honorer sa faim et comprendre la sensation de rassasieme­nt.
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(Re)découvrir le plaisir gustatif, sans culpabilis­er.

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