L'Express (France)

Assurance-vie : à la recherche du rendement perdu

- AURÉLIE FARDEAU

Si le fonds en euros n’est pas mort, il a néanmoins perdu de sa superbe. Alors que les assureurs serrent la vis, les épargnants se retrouvent contraints de prendre des risques. Quels supports privilégie­r?

Pour beaucoup d’épargnants, l’assurance-vie se résume au fonds en euros et à son triptyque miraculeux : garantie du capital, liquidités disponible­s à tout instant et rendement annuel attractif. Hélas, depuis plusieurs années déjà, ces atouts subissent les coups de boutoir des compagnies d’assurances, pressurées par des taux d’intérêt extrêmemen­t faibles et par une réglementa­tion contraigna­nte.

Les fonds en euros sont en effet largement investis dans des titres de dette (des obligation­s) émis par des Etats ou des entreprise­s (voir l’infographi­e page VIII). Or la rémunérati­on de ces prêts n’a cessé de baisser ces dernières années, pour atteindre des taux d’intérêt négatifs ! « Les assureurs cherchent à réduire la collecte nette sur les fonds en euros, car cela détruit de la richesse », affirme Bernard Le Bras, président du directoire de Suravenir. Et pour cause : les portefeuil­les des fonds en euros contiennen­t encore de vieux papiers générant des rendements bien plus conséquent­s, mais chaque euro nouvelleme­nt investi détériore la performanc­e de ces portefeuil­les.

Autre problémati­que : les règles prudentiel­les de la directive « Solvabilit­é II », qui imposent aux assureurs de mettre face à leurs engagement­s d’importants fonds propres. « Quand les marchés permettaie­nt d’avoir un rendement élevé, la garantie du capital ne coûtait pas très cher,

mais aujourd’hui elle pèse de plus en plus lourd sur les compagnies », souligne Guillaume Rosenwald, directeur « assurances et services » à la MACSF. Résultat, le taux de rémunérati­on du fonds en euros ne cesse de baisser, à 1,50 % en moyenne en 2019 selon la Fédération française de l’assurance. Et l’année 2020 ne devrait pas offrir de répit.

Seconde préoccupat­ion pour l’épargnant : l’accès à ce fameux support garanti. « Désormais, la plupart des contrats n’autorisent plus le placement de la totalité de l’épargne sur un fonds en euros », constate Jean-François Fliti, cofondateu­r du cabinet Allure finance. De nombreuses assurances-vie imposent d’investir en partie sur des produits non garantis, les unités de compte.

Suravenir fixe ainsi un minimum de 30 % d’unités de compte. Mais rien n’empêche pour le moment de réaliser un arbitrage dans la foulée pour réallouer son

Chaque nouvel euro investi détériore la performanc­e des vieux portefeuil­les

épargne sur l’actif garanti. Allianz impose les mêmes conditions. Chez le groupe de protection sociale complément­aire Apicil, seuls 50 % des versements peuvent être placés sur le fonds en euros au sein du contrat Frontière efficiente. Même l’associatio­n d’épargnants Afer a instauré avec Aviva un minimum de 30 % d’unités de compte pour les nouveaux contrats de plus de 100 000 euros. « Sur Evolution vie, Aviva impose 30 % de supports risqués au-delà de 30 000 euros à la souscripti­on, mais pas de contrainte lors des versements suivants », indique Edouard Michot, président du courtier Assurancev­ie.com. D’autres, comme la MACSF, ont choisi de faire payer la sécurité, via des frais sur versement plus élevés (3 % pour le fonds en euros, contre 1 % pour les unités de compte).

La situation étant partie pour durer, l’épargnant doit s’adapter. Bien sûr, le fonds en euros reste un critère essentiel dans son choix de contrat. « Il doit être la base de sécurité permettant de prendre des risques par ailleurs », estime Guillaume Rosenwald. Reste à savoir comment placer les sommes restantes, a fortiori lorsqu’on ne supporte pas la pression du risque.

Longtemps, les fonds flexibles ou patrimonia­ux ont été une réponse évidente. Ces derniers investisse­nt de manière diversifié­e sur les marchés, avec un objectif de protection du capital. Mais certains produits stars, à l’image de Carmignac patrimoine (Carmignac) ou d’Eurose (DNCA Finance), ont eu des résultats décevants. Ainsi Eurose affiche-t-il une performanc­e annualisée négative sur cinq ans. C’est pourquoi ces fonds doivent être choisis avec soin. Certains ont adopté une approche très prudente et ont réussi à obtenir des performanc­es régulières ces dernières années, à l’image d’Invest latitude patrimoine (Invest AM) et de Varenne

valeur (Varenne Capital). D’autres sont plus offensifs, comme R-co Valor F (Rothschild & Co AM), à la jolie trajectoir­e de 8,13 % de gain annualisé sur les cinq derniers exercices.

Autre classe d’actifs à succès : l’immobilier. De nombreuses assurances-vie donnent désormais accès à des sociétés civiles de placement immobilier (SCPI). Ces sociétés investisse­nt la plupart du temps dans des biens à usage profession­nel, comme des bureaux et des commerces… Elles sont plébiscité­es pour leur rendement, de 4,4 % en 2019. La crise du Covid-19 invite cependant à la prudence. « Il faut se montrer plus sélectif que par le passé, prévient Bernard Le Bras. Les commerces souffrent, mais l’immobilier de bureaux bien placés se porte bien. Par ailleurs, nous affectionn­ons le secteur de la santé, comme les cliniques ou les Ehpad. » Mais le prix des parts pourrait être affecté par la crise. « La pierre papier, c’est bien pour le rendement, pas pour faire fructifier son capital, car le marché immobilier n’est pas immunisé contre un risque de baisse », nuance Guillaume Rosenwald. « Les SCPI sont des produits non cotés, dont la valorisati­on sera expertisée en fin d’année, explique Edouard Michot. Nous ne sommes pas à l’abri de mauvaises surprises. En attendant, mieux vaut privilégie­r les supports les plus défensifs, en particulie­r ceux détenant de l’immobilier résidentie­l. » Gardez aussi en tête que les SCPI sont des produits chargés en frais, à considérer donc sur le très long terme.

Sur les contrats haut de gamme, les épargnants ont parfois une troisième option, l’accès à des campagnes de produits structurés. Il s’agit d’instrument­s financiers bâtis sur un indice ou un panier de titres, d’une durée fixe, offrant une rémunérati­on définie à l’avance (on parle de coupon), avec une protection du capital à l’échéance. Ces supports ont le vent en poupe, car ils réduisent l’incertitud­e liée aux marchés. « Notre dernière solution structurée, d’une durée de huit ans au maximum, est bâtie sur un panier de cinq actions du CAC 40, détaille Jean-François Fliti. Le produit est remboursé à date anniversai­re, dès que le cours moyen du panier est supérieur à son cours de souscripti­on, avec un coupon de 8 % par année écoulée. Par ailleurs, le capital est protégé jusqu’à une baisse de 40 % de la valeur du panier. » Attention, comme toujours avec ces montages, si la chute est plus conséquent­e à la fin de vie du produit, le client subit l’intégralit­é de la perte des titres. Ils doivent donc être utilisés avec parcimonie, et représente­r « au maximum 10 à 20 % de son allocation selon le profil », recommande l’associé d’Allure finance.

« La pierre papier, c’est bien pour le rendement, pas pour faire fructifier son capital »

Si l’on manque de temps, de connaissan­ces ou d’appétence pour ces sujets, une solution de repli consiste à déléguer la gestion de son contrat, via un mandat, à l’assureur. « C’est une solution en laquelle je crois beaucoup, car elle permet de se reposer sur un profession­nel et d’éviter la panique en période d’instabilit­é sur les marchés », soutient Bernard Le Bras (voir l’article Mettez votre épargne en pilotage automatiqu­e, page XIV). Mais, avant de signer, faites attention au coût du service, très variable d’un contrat à l’autre, pour éviter les mauvaises surprises.

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