L'Express (France)

Les atouts du nouveau plan d’épargne retraite

- SABINE GERMAIN

Les Français ont longtemps misé sur l’assurance-vie pour préparer leur retraite, peu convaincus par les produits d’épargne spécifique­s. Le nouveau PER pourrait changer la donne.

Il est rare que la refonte d’un dispositif d’épargne fasse l’unanimité. Cela semble être pourtant le cas du nouveau plan d’épargne retraite (PER), qui vient remplacer et fusionner tous les produits existant antérieure­ment. « Il apporte la simplicité et la souplesse qui leur manquaient », commente Olivier Renard, gérant du réseau de courtiers Assistance courtage partenaire­s (ACP). « Il lève l’un des principaux freins au développem­ent de l’épargne retraite, en autorisant les sorties en capital », renchérit Jean-François Fliti, associé et cofondateu­r du cabinet Allure finance.

Institué par la loi Pacte (Plan d’action pour la croissance et la transforma­tion des entreprise­s) d’avril 2018, le nouveau PER a été officielle­ment lancé il y a un an, le 1er octobre 2019. Il regroupe au sein d’un même support tous les produits d’épargne individuel­s et collectifs qui peuvent être souscrits par un particulie­r (on parle alors de PERin, pour PER individuel) ou bien par une entreprise pour le compte de ses salariés.

Dans les deux cas, le PER est constitué de trois compartime­nts : un premier, individuel, que l’épargnant peut alimenter par des versements volontaire­s ; et les deux autres collectifs, dans lesquels peuvent être versés ou transférés l’épargne salariale – pour le compartime­nt 2 –, et les régimes dits « catégoriel­s » – pour le compartime­nt 3 (voir tableau).

Aujourd’hui, les carrières ne sont plus linéaires : il est possible de faire ses débuts dans la fonction publique, de travailler ensuite dans plusieurs entreprise­s, puis de créer une activité libérale. Par le passé, un particulie­r qui épargnait à toutes les étapes de sa vie profession­nelle pouvait

détenir un plan d’épargne retraite populaire (Perp), plusieurs plans d’épargne retraite d’entreprise, un contrat Madelin et même, s’il était passé par le public, un contrat Préfon (fonction publique), Corem (retraite mutualiste) ou CRH (la complément­aire des hospitalie­rs)… Une liste non exhaustive. Le PER, lui, permet de recoller les morceaux d’une épargne retraite éparpillée façon puzzle sur deux, trois, quatre, voire dix supports différents. Une dispersion telle que le salarié pouvait même oublier l’existence de certains supports au fil des années…

Nouveauté, les anciens plans d’épargne retraite ne sont plus commercial­isés depuis le 1er octobre 2020. Mais les contrats déjà en activité peuvent continuer à être alimentés et à vivre leur belle vie. Ils peuvent aussi être transférés sur un nouveau PER : l’épargnant aura ainsi une vision plus globale de sa future retraite supplément­aire.

Il bénéficier­a surtout de l’autre atout majeur de ce récent support : la souplesse offerte à la « sortie », au moment où l’épargnant prend sa retraite ou atteint l’âge légal de départ (62 ans). Jusqu’à présent, cette opération se faisait presque obligatoir­ement en rente viagère : les sorties en capital n’étaient autorisées que par dérogation. Or « les épargnants français ont toujours eu des réticences à l’égard de la sortie en rente, commente Olivier Renard. Le PER leur donne la possibilit­é de sortir en capital, en une seule fois ou de façon fractionné­e, ou même de mixer la rente et le capital ». Le tout « avec une déductibil­ité fiscale complète des versements (dans la limite de 10 % des revenus profession­nels) », ajoute Jean-François Fliti. L’ex-fiscaliste devenu conseiller en gestion de patrimoine considère que ce levier fiscal fait aujourd’hui du PER, « à rendement équivalent, le meilleur placement de long terme ».

Sur vingt ou vingt-cinq ans, le rendement du PER ne sera peut-être pas plus élevé que celui l’assurance-vie ou de l’immobilier, qui plafonne à 2 %. Mais les possibilit­és de sorties fractionné­es en capital permettron­t à l’épargnant de maîtriser l’impact fiscal de son placement. Son taux marginal d’imposition aura en effet toutes les chances d’être plus bas quand il sera à la retraite que lorsqu’il était encore en activité : la fiscalisat­ion de son capital à la sortie sera donc inférieure à ce qu’elle aurait été à l’entrée.

Plus performant que l’assurance-vie, le PER est en revanche moins liquide. C’est pourquoi Thomas Baume, agent général Prévoyance et patrimoine d’Axa à Antony (Hauts-de-Seine), estime que « les deux placements sont complément­aires. L’assurance-vie permet de faire face à d’éventuels coups durs, de financer des travaux ou les études des enfants ».

Grâce aux sorties fractionné­es, l’épargnant pourra maîtriser l’impact fiscal de son placement

Les épargnants tricolores ont une certaine aversion pour le risque : en matière d’assurance-vie, par exemple, ils continuent à préférer les fonds en euros, dont le rendement tourne autour de 1 %, aux fonds en unités de compte (UC), dont la performanc­e moyenne sur dix ans dépasse 3 % (voir l’article Assurance-vie, à la recherche du rendement perdu, page VI).

Pour donner aux Français le goût du risque, tout en sécurisant leur épargne, le législateu­r a transposé au PER le principe de la « gestion pilotée par horizon », déjà en vigueur dans le Perp et le Plan d’épargne pour la retraite collectif ( Perco). L’arrêté du 7 août 2019 en fixe les règles : plus l’épargnant approche de l’âge de la retraite, plus la gestion du PER est sécurisée. Dans les deux années précédant la liquidatio­n programmée, la part des actifs investis sur des fonds en euros (les plus fiabilisés) doit être d’au moins 50 % pour les épargnants ayant choisi un profil de gestion « dynamique », de 70 % pour un profil de gestion « équilibré » et de 90 % pour un profil de gestion « prudent ».

Difficile de préjuger de l’accueil qui sera réservé au PER. D’autant plus que sa montée en puissance va se faire par transfert des plans d’épargne retraite individuel­s et collectifs existants, avec un gros coup d’accélérate­ur en fin d’année, quand les contribuab­les se souviendro­nt que ce placement est un bon levier de défiscalis­ation. Fin juin, 210 000 PER individuel­s avaient été souscrits pour un encours de 1,5 milliard d’euros. Cela peut sembler modeste si l’on considère que les contrats Perp et Madelin ont séduit 3 millions d’épargnants.

Mais le gouverneme­nt a aussi instauré une nouvelle « carotte » fiscale pour inciter les Français à orienter leur épargne vers le PER : tout rachat d’un contrat d’assurance-vie datant de plus de huit ans bénéficier­a d’un doublement de l’abattement fiscal habituel. A condition, toutefois, que ce rachat ait lieu avant le 1er janvier 2023 et au moins cinq ans avant le départ en retraite.

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