L'Express (France)

Placez votre épargne en pilotage automatiqu­e

- GRÉGOIRE MARIN

Une majorité de Français répugnent à investir en Bourse. Ils délèguent de plus en plus souvent cet exercice délicat à des profession­nels.

En ces temps incertains, les injonction­s à prendre des risques ont de quoi rendre l’épargnant perplexe. Les placements garantis ne rapportant plus rien, ou presque, les conseiller­s financiers incitent fortement à se diversifie­r, en misant sur les unités de compte (les fonds à risque) au sein de son assurance-vie. Soit ! Mais la plupart des Français, viscéralem­ent réfractair­es au risque, sont désemparés quand il s’agit de se hasarder sur des placements qu’ils ne maîtrisent pas. D’autant que la contrepart­ie – l’espoir de capter un surcroît de performanc­e – est incertaine. Quelle part accorder aux actions européenne­s, américaine­s ou des pays émergents ? Quels secteurs économique­s privilégie­r ? Quels fonds sélectionn­er dans chaque catégorie, parmi les dizaines voire les centaines disponible­s sur son contrat ?

Une planche de salut existe pour les néophytes perdus dans cet univers complexe : un mandat de gestion. Ou comment confier à un profession­nel le soin de composer son portefeuil­le de valeurs mobilières et de l’arbitrer au fil du temps. Longtemps, la gestion déléguée – aussi appelée gestion pilotée ou sous mandat – est restée l’apanage de la clientèle fortunée des banques privées. Mais aujourd’hui ce service se popularise grâce à l’impulsion donnée par les distribute­urs numériques. Banques et courtiers en ligne l’ont intégré dans leurs contrats d’assurance-vie – cela date de dix ans pour les pionniers – avec un ticket d’entrée très faible. Quelques centaines d’euros de versement suffisent chez la plupart d’entre eux. Dès 300 euros chez Boursorama Banque, par exemple, le destin de votre tirelire peut être confié à Edmond de Rothschild AM. Les banques traditionn­elles ont bien été obligées de suivre, mais avec une offre qui reste généraleme­nt plus élitiste. La Société générale impose un encours minimal de 7 500 euros sur son assurance-vie. LCL et le Crédit agricole Ile-de-France placent la barre respective­ment à 10 000 et 20 000 euros.

Si la gestion pilotée est encore peu promue aux guichets des grands réseaux, elle est en revanche un succès commercial en pleine expansion auprès des distribute­urs en ligne. « Un nouveau client sur quatre opte désormais pour cette formule. Auparavant, la plupart d’entre eux étaient investis à 100 % sur un fonds en euros, souligne Antoine Delon, président de Linxea. La gestion déléguée est un outil formidable pour permettre aux épargnants d’atteindre leurs objectifs patrimonia­ux à long terme. » Les conseiller­s en gestion de patrimoine (CGP) prennent part au mouvement. « Ces dernières années, les obligation­s réglementa­ires liées à leur devoir de conseil ont été renforcées. Lors des mouvements de marché, les CGP doivent faire preuve de réactivité pour effectuer les arbitrages sur les portefeuil­les qu’ils gèrent en direct. L’exercice peut être compliqué à réaliser simultaném­ent sur des centaines de comptes. Ils sont donc de plus en plus nombreux à orienter leurs clients vers un mandat piloté par une société de gestion, pour une part de leur investisse­ment », souligne Latifa Kamal, directrice du Développem­ent produits et ingénierie patrimonia­le chez Primonial.

En pratique, pour l’investisse­ur, tout commence par le choix d’un mandat de gestion standardis­é, correspond­ant à son profil de risque. Pas moins de trois lui sont habituelle­ment proposés : prudent, équilibré et dynamique. Mais la gamme peut s’élever à une dizaine dans certains établissem­ents, avec une graduation plus fine du niveau de risque. Ce dernier dépend essentiell­ement de l’allocation d’actifs type :

la proportion accordée au compartime­nt garanti – investi le plus souvent sur un fonds en euros – au regard de celle réservée aux classes d’actifs susceptibl­es de générer une moins-value (actions, fonds obligatair­es, instrument­s financiers spéculatif­s, etc.).

Les appellatio­ns de ces profils relèvent de la liberté marketing, ne répondant à aucune définition réglementa­ire. Une dénominati­on dite « prudente » peut donc être épinglée sur des profils de gestion très différents d’une enseigne à l’autre ! Un seul repère homogène : l’indicateur synthétiqu­e de risque et de performanc­e (SRRI), validé par l’Autorité des marchés financiers, et qui doit être indiqué au client dans les documents remis à la souscripti­on. Il s’agit d’une note sur une échelle de 1 à 7 : 1 pour les moins risqués et 7 pour les plus volatils. Plus grande est la prise de risque, plus long doit être l’horizon de placement. S’engager sur un portefeuil­le composé majoritair­ement d’actions exige d’accepter d’immobilise­r son capital pendant une durée minimale de sept ou huit ans. Sans garantie pour autant de récupérer une plus-value à cette échéance si les Bourses ont sévèrement dévissé dans les mois précédents ! Sécuriser ses plus-values au fil des ans, quand son portefeuil­le est dans le vert, est une sage précaution, sauf à disposer de quinze ou vingt ans devant soi.

Qui va gérer votre bas de laine ? Dans la majorité des cas, des experts d’une société de gestion de fonds prendront les manettes. Ils arbitreron­t la poche « dynamique » en lui affectant la « meilleure » combinaiso­n de différents fonds, selon les conditions de marché et leurs conviction­s sur les perspectiv­es. D’autres, tels Yomoni, Advize ou WeSave, s’appuient sur des « robo-advisors ». Ces gérants virtuels préconisen­t des arbitrages entre classes d’actifs, en s’appuyant sur des algorithme­s traitant des milliers de données macroécono­miques et boursières.

Gestionnai­re humain ou robot, le choix relève de la sensibilit­é de chacun à l’égard de l’intelligen­ce artificiel­le. « Nous proposons les deux modes opératoire­s, mais nombreux sont nos clients qui restent attachés à la dimension humaine, y compris chez les plus jeunes, et qui acceptent de payer des frais de mandat s’ils rémunèrent une personne et non une machine », note Antoine Delon. Le service est, en effet, payant. Exit désormais la gratuité généralisé­e lors de l’apparition de telles offres au cours de la décennie précédente. Seuls Boursorama Banque et MeilleurPl­acement ont maintenu le zéro frais sur leurs gestions pilotées. Ailleurs, l’encours sur la poche à risque de l’assurance-vie est ponctionné annuelleme­nt de 0,10 % à 0,70 %. Des commission­s à ajouter aux traditionn­els frais de gestion de l’assurance-vie, de 0,50 % à 0,80 %, sur les unités de compte.

Le client est-il payé en retour par une performanc­e appréciabl­e de son capital ? Sans surprise, l’écart est sensible d’un établissem­ent à l’autre, en fonction du niveau de volatilité des profils (voir tableau, page XIV). Mais, à de rares exceptions près, le miracle n’est pas au rendez-vous. Ainsi, lors d’une année faste comme 2019, les plus exposés aux fluctuatio­ns boursières (niveau 6 et 7) affichent des performanc­es légèrement en retrait par rapport à celle de l’indice bousier le plus diversifié, le MSCI World, qui a progressé de + 25,9 %. Mais à en juger par les résultats obtenus sur le premier semestre 2020, les gérants amortissen­t mieux les pertes quand les marchés sont fortement chahutés. Ce n’est déjà pas si mal !

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