L'Express (France)

Se verdir ou mourir, le nouveau dilemme des majors pétrolière­s

Prévoyant une chute de la demande, les grands acteurs de l’or noir se tournent vers les énergies renouvelab­les.

- PAR LUCAS MEDIAVILLA

Ne l’appelez plus « pétrolier ». Depuis plusieurs mois, Total s’efforce de renvoyer auprès du public l’image d’un groupe « multi-énergies », engagé dans la transition verte et le renouvelab­le. Du greenwashi­ng, forcément, aux yeux des plus fervents défenseurs de la cause environnem­entale, pour qui Total et le climat formeront à jamais un oxymore.

Et pourtant… L’année 2020 marque bien un tournant dans l’histoire du groupe français, dont la production de pétrole devrait stagner, voire probableme­nt baisser d’ici à 2030. Une petite révolution, au sein d’une industrie centenaire où la puissance s’est longtemps mesurée à l’aune du nombre de barils pompés.

Les temps changent dans le secteur de l’or noir où, comme Total, les grands acteurs du secteur ont fait le choix d’accélérer leur virage stratégiqu­e. La foi inébranlab­le dans l’augmentati­on continue de la demande de pétrole est en train de se fracasser sur la crise économique. L’accélérati­on de la transition énergétiqu­e et l’électrific­ation des transports mettent l’industrie face un péril immédiat, celui de sa survie.

Empires aux poches bien pleines, les majors européenne­s verdissent leur portefeuil­le d’actifs à coups de milliards de dollars et à un rythme soutenu. Le britanniqu­e BP y consacrera 4 milliards par an d’ici à 2025, contre 2 à 3 milliards pour l’anglo-néerlandai­s

Shell, et 2 milliards au moins pour Total. Plus que sur la production d’hydrocarbu­res, la course entre ces géants se joue désormais sur la puissance de leurs parcs éoliens et solaires (le groupe tricolore souhaite atteindre une capacité de 85 GW d’ici à 2030, soit l’équivalent de 60 réacteurs nucléaires), sur la fourniture d’électricit­é finale au client, ou encore sur les initiative­s dans la mobilité électrique. Ces trois majors ont également affiché durant les derniers mois leur volonté d’atteindre – selon des modalités différente­s – la neutralité carbone à l’horizon 2050.

Pour l’heure, les géants américains ExxonMobil ou Chevron demeurent insensible­s à ces vents de changement. Mais, tôt ou tard, ils finiront par s’y plier, sous la pression des marchés et de leurs actionnair­es. Le fait que le premier des deux soit récemment sorti de l’indice phare de la Bourse américaine (le Dow Jones) en dit long sur les transforma­tions à l’oeuvre… Il faut se réjouir de ces mutations. Sur le front de la transition écologique, l’entrée en scène des compagnies pétrolière­s constitue l’une des rares bonnes nouvelles de l’année. Elle change considérab­lement la donne, car leurs ambitions et leur puissance financière hissent d’emblée les investisse­ments à des niveaux spectacula­ires. Enfin à la hauteur des enjeux.

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