Etats-Unis Le président touché par le Covid : l’incroyable rebondissement
A moins d’un mois du scrutin présidentiel, la contamination de Donald Trump par le coronavirus plonge le pays dans l’inconnu.
Aucun scénariste, pas même un de ceux des séries House of Cards ou The West Wing, n’aurait été assez génial, ou fou, pour imaginer pareil rebondissement : Donald Trump frappé par le Covid-19 à un mois de la présidentielle, et avec lui sa femme, Melania, sa conseillère spéciale Hope Hicks, ainsi qu’une quinzaine d’autres personnages éminents, dont la porte-parole de la Maison-Blanche, Kayleigh McEnany, l’ex-gouverneur du New Jersey Chris Christie et une poignée de sénateurs. Tous ont probablement été contaminés lors de la cérémonie – personne n’était masqué – en l’honneur de la nomination à la Cour suprême de la juge Amy Coney Barrett, le 26 septembre, trois jours avant le débat Trump-Biden.
Après avoir passé des mois à nier les dangers du coronavirus, voici le candidat Donald Trump en porte-à-faux. La MaisonBlanche s’est transformée en cluster, le Sénat – par crainte d’en devenir un – a fermé ses portes pour quinze jours, et les fanfaronnades présidentielles ont, pour la première fois en quatre ans, baissé d’un ton. Selon le magazine américain Vanity Fair, le chef de l’Etat aurait même exprimé un sentiment rare chez lui, la peur, alors que, vendredi 2 octobre, sa température montait à 39,5 degrés et qu’il était placé sous assistance respiratoire. « Est-ce que je vais finir comme Stan Chera ? » se serait-il inquiété auprès de ses conseillers, en référence à son ami new-yorkais, un magnat de l’immobilier, décédé du Covid en avril. La suite est connue : Donald Trump transféré par hélicoptère à l’hôpital militaire Walter Reed, dans la banlieue de Washington ; Donald Trump avalant un « cocktail de médicaments expérimental » ; Donald Trump faisant l’objet de bulletins de santé contradictoires ; Donald Trump regagnant le bureau Ovale avec les pouces levés après une brève convalescence.
« L’absence de transparence de la Maison-Blanche pose un sérieux problème et nuit au principe de la continuité de l’Etat au sein de la première puissance mondiale, s’alarme Françoise Coste, historienne et auteure de Reagan (Perrin 2015). Dès son diagnostic connu, le président aurait dû prendre des dispositions pour sa succession, en cas de complication médicale. » Le 25e amendement de la Constitution définit le protocole à suivre : en cas de décès, les choses sont simples – si l’on peut dire. Il revient au vice-président, Mike Pence, 61 ans, de se substituer au président. S’il meurt à son tour, il est remplacé par le président de la Chambre des représentants, Nancy Pelosi, 80 ans. Si cette dernière vient également à disparaître, c’est au doyen du Sénat de prendre sa place, Chuck Grassley, sénateur de l’Iowa, âgé de 87 ans. » Puis c’est au tour du secrétaire d’Etat, Mike Pompeo, 56 ans, et ainsi de suite.
Le tableau est plus compliqué dans l’hypothèse où le président se retrouverait en réanimation. Qui serait alors le pilote dans l’avion ? Théoriquement, le chef de l’Etat doit anticiper, comme l’avait fait en son temps George W. Bush en transmettant provisoirement ses pouvoirs au vice-président Dick Cheney avant de subir une opération chirurgicale sous anesthésie générale. Cette procédure, que Trump n’a pas appliquée, permet d’éviter une éventuelle vacance du pouvoir, ce qui avait été le cas après la tentative d’assassinat contre Ronald Reagan en 1981. Les EtatsUnis s’étaient alors retrouvés sans commandement militaire pendant plusieurs heures et dans l’incapacité de riposter à une éventuelle attaque nucléaire.
Soudain, tous les regards se tournent vers Mike Pence. « La santé du vice-président a toujours été un élément très important de notre vie démocratique. Aujourd’hui, elle est devenue essentielle, explique Seth Masket, de l’université de Denver. Même en temps normal, en dehors d’une pandémie, il est rare que le président et le vice-président se trouvent dans une même pièce – cela afin de préserver l’ordre de succession. Ces simples consignes n’ayant pas été respectées, nous nous trouvons dans une situation où le chef de l’Etat et son remplaçant pourraient être malades simultanément. »
La fin de la campagne pourrait réserver encore des surprises. « Donald Trump, dont la stratégie consistait à éviter de parler du coronavirus en détournant l’attention vers d’autres sujets, voit ses plans s’écrouler, observe Ray La Raja, de l’université du Massachusetts à Amherst. Il se présente maintenant comme un survivant. Joe Biden, lui, doit également s’adapter. » Et notre politologue de conclure : « On croyait avoir tout vu, persuadés que plus rien ne nous surprendrait. On s’est trompés. La situation est juste complètement dingue. »