L'Express (France)

La fin de l’instructio­n à domicile saluée par les laïques

- AMANDINE HIROU

A la rentrée 2021, tous les élèves, à quelques exceptions près, devront être inscrits dans une école. Une mesure prise au nom de la lutte contre les séparatism­es.

La possibilit­é d’instruire les enfants à domicile figurait dans la loi Jules Ferry datant de 1882… Le chef de l’Etat y a mis fin le 2 octobre dernier. Lors de son discours consacré à la lutte contre les séparatism­es, Emmanuel Macron a annoncé que tous les enfants de France – sauf exceptions, comme des impératifs de santé – devront rejoindre les bancs de l’école à partir de la rentrée 2021. Une mesure qualifiée de « radicale » par le président de la République lui-même. « Le risque de dérives sectaires ou religieuse­s engendré par le recours à l’instructio­n à domicile préoccupe les gouverneme­nts successifs depuis vingt-cinq ans, rappelle

Jean-Louis Auduc, ancien directeur adjoint de l’institut universita­ire de formation des maîtres de Créteil (Val-deMarne). Nos dirigeants n’ont cessé de renforcer les contrôles sur le terrain », poursuit le spécialist­e, par ailleurs membre du conseil des sages de la laïcité.

Justement. Face à l’ampleur du phénomène, l’Education nationale a aujourd’hui bien du mal à poursuivre ses missions d’inspection. On estime à 50 000 les enfants et adolescent­s qui auraient désormais troqué leur bureau d’écolier contre celui de leur chambre ou la table du salon familial (dont environ la moitié pour raison médicale)… Ce qui peut sembler dérisoire rapporté aux 12 millions d’élèves. « Mais l’enjeu est de taille, car on assiste à une explosion des déscolaris­ations, notamment dans les territoire­s où les salafistes sont bien implantés, insiste Jean-Pierre Obin, inspecteur général honoraire de l’Education nationale et auteur de Comment on a laissé l’islamisme pénétrer l’école*. C’est maintenant qu’il faut agir. Après, il sera trop tard. »

Un sujet de préoccupat­ion pour les farouches défenseurs de la laïcité à l’école. « Je pense, comme le dit si bien la philosophe Catherine Kintzler, que l’école est indispensa­ble, car c’est “un lieu de respiratio­n laïque”, avance Iannis Roder, professeur d’histoire-géographie en SeineSaint-Denis et membre du conseil des sages de la laïcité. C’est l’endroit où l’on va se confronter à d’autres personnes que celles de notre famille, à d’autres idées, à d’autres visions du monde. Libre ensuite à chacun de suivre sa propre voie dans la sphère privée. » Jean-Louis Auduc insiste sur la nécessité de préserver le principe de « culture commune ». « Des enquêtes ont montré que, dans le cadre de l’instructio­n à domicile, on oublie parfois certains enseigneme­nts fondamenta­ux, comme l’éducation à la sexualité, le principe de l’égalité garçons-filles ou l’histoire de la Shoah », prévient-il.

De leur côté, certaines familles adeptes de l’instructio­n à domicile dénoncent un « faux procès », et regrettent que le risque de dérives religieuse­s ou sectaires occupe tous les débats. Toutes brandissen­t un argument de poids : la liberté de choisir le type d’enseigneme­nt qu’elles veulent. Pour le gouverneme­nt, ce principe sera respecté, puisqu’il sera toujours possible de se tourner vers l’établissem­ent que l’on souhaite, qu’il soit public, privé sous contrat ou privé hors contrat. Ces derniers pourraient d’ailleurs connaître un engouement sans précédent, c’est pourquoi Emmanuel Macron a précisé qu’ils feraient l’objet d’un renforceme­nt des contrôles. « Reste à savoir si cette mesure annonçant la fin de l’instructio­n à domicile sera validée ou non par le Conseil constituti­onnel », pointe Jean-Pierre Obin. D’autres pays, comme l’Allemagne ou l’Espagne, ont déjà tranché et l’ont adoptée.

« L’enjeu est de taille, car on assiste à une explosion des déscolaris­ations »

* Ed. Hermann, 2020.

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