Les Olmèques, grands-pères du Mexique
Ancêtres des Mayas et des Aztèques, ils ont été découverts tardivement au gré des fouilles archéologiques. Le musée du Quai Branly leur rend hommage avec une exposition événement.
En ce matin pluvieux, il faut une dizaine de personnes et un portiquegrue pour la hisser sur son piédestal. Alors que l’exposition Les Olmèques et les cultures du golfe du Mexique* ouvre ses portes le 9 octobre, le personnel du musée du Quai Branly profite des derniers jours pour placer cette tête monumentale dans le hall d’accueil. Une fois dressée et ses dernières protections ôtées, cette géante de basalte (1,83 mètre de hauteur pour près de 5 tonnes) se laisse enfin contempler. Elle fait partie des chefsd’oeuvre mondiaux de la statuaire, au même titre que les colosses de l’île de Pâques, la Victoire de Samothrace ou encore le Sphinx de Gizeh, qui se reconnaissent au premier coup d’oeil. « Il en existe 16 autres et celleci est la plus petite. Mais toutes sont si caractéristiques qu’elles ont fait passer les Olmèques à la postérité », résume l’archéologue Steve Bourget, responsable de collections Amériques au musée parisien. Considérée comme la « mère » des civilisations mésoaméricaines, elle a régné sur une partie du golfe du Mexique de 1600 à 400 avant Jésus-Christ. Si ce peuple reste bien moins connu que les Mayas et les Aztèques, qui ont abondamment puisé leurs racines dans son creuset culturel, c’est que sa découverte est assez récente – les deux capitales olmèques, La Venta et San Lorenzo, ont été exhumées respectivement en 1925 et en 1945.
Longtemps, l’inspiration de ces statues a été localisée de l’autre côté de l’Atlantique, puisque des spécialistes leur trouvaient un
« petit air éthiopique », les fameuses têtes ayant un nez épaté et des lèvres pulpeuses. « Les Olmèques ont une origine américaine indéniable, mais l’idée qu’une puissante civilisation ait pu se développer sur ce continent, en même temps que l’Egypte antique et la Mésopotamie, était inconcevable pour de nombreux scientifiques », explique Steve Bourget. Les anciens habitants du Mexique se répartissaient dans une quantité de villages, à différentes altitudes, depuis les côtes du golfe jusqu’au sommet enneigé du plus haut volcan, le Citlaltepetl. D’où une multitude de populations hétérogènes mais organisées en sociétés hiérarchisées qui se trouvent à l’origine de nombreuses innovations (première forme d’écriture américaine, calendrier du compte long, utilisation du jade, etc.).
Mais c’est dans le domaine urbain que les Olmèques ont laissé le plus grand héritage. La région comptait plusieurs villes, comme l’ont montré des fouilles archéologiques au xxe siècle. La plus importante, San Lorenzo, se divisait entre larges zones résidentielles, riches de palais pour l’élite, et de petits hameaux agricoles en périphérie. L’ensemble s’étendait sur 800 hectares, ce qui en faisait la plus importante cité de l’époque mésoaméricaine. « La Venta, l’autre capitale, s’est développée plus tardivement, entre 1200 et 400 avant JésusChrist, et a été conçue selon un plan architectural encore plus strict, autour d’un axe nordsud », poursuit le commissaire de l’exposition du musée du Quai Branly. Symbole du pouvoir centralisé, son sanctuaire, où étaient disposées les fameuses têtes géantes à des fins « de propagande », compte aussi une pyramide en terre de plus de 30 mètres de hauteur, considérée comme la plus ancienne du Mexique. Là se tenaient des cérémonies religieuses célébrant certaines divinités, comme Tlaloc (le dieu de la pluie), dont le culte fut repris par les Aztèques. Tout comme les Olmèques sont à l’origine d’un autre rituel qui s’est perpétué : les sacrifices humains.
* Jusqu’au 25 juillet 2021.
Musée du Quai Branly-Jacques Chirac, Paris (VIIe), www.quaibranly.fr