Des plateformes locales dans le jardin d’Amazon
Pendant le confinement, plusieurs villes se sont équipées de places de marché virtuelles pour que les commerçants puissent poursuivre une activité minimale.
Un bracelet en acier, une jolie barrette à fleur, un carnet à motif, de l’huile d’olive, ou encore un forfait pour un rasage à l’ancienne… Un joyeux bazar numérique qui n’est pas sans rappeler celui d’Amazon. Mais, bien loin du géant de Seattle, nous sommes sur la page d’accueil du site Clic & Colle’ct 06480, qui recense les produits et services proposés à La Colle-sur-Loup, une petite commune de 8 000 habitants située près de Nice. Vincent Pomparat, directeur de l’office de tourisme, a investi 35 000 euros dans ce site pendant le confinement, afin de permettre aux entreprises du coin de garder une activité minimale. Mais, bien plus qu’un dépannage, notre homme considère que les marketplaces (places de marché), comme les appellent les spécialistes, représentent « l’avenir », si l’on veut garder en vie les commerces de centre-ville, pilonnés par l’essor des e-commerçants, Amazon en tête.
Ce qui est sûr, c’est que le business des marketplaces locales a pris une nouvelle ampleur avec la crise sanitaire. Depuis le printemps dernier, Alès, dans le Gard, a ainsi lancé Alès of Course, suivie par Montélimar, ou encore Nantes qui, elle, a misé sur la solution développée par La Poste, MaVilleMonShopping. Angers et Nice ont, de leur côté, choisi de faire confiance à la start-up Wishibam pour rassembler toutes leurs boutiques du centreville sur un seul espace en ligne.
Selon le consultant en marketing Frank Rosenthal, si ces nouvelles plateformes viennent jouer sur le terrain du géant américain, elles le font avec leurs propres armes. « On assiste à la conjonction de plusieurs phénomènes : l’intérêt croissant des consommateurs pour l’e-commerce, pour les circuits courts, et la volonté des municipalités de venir en aide à leurs commerces pendant la crise », explique-t-il. Des tentatives avaient bien eu lieu auparavant, mais Ollca (basé à Rouen), Veando (Vannes), ou encore Place Vendée, qui s’étaient lancées les années précédentes, baignaient jusqu’ici dans un relatif anonymat.
La force des nouvelles marketplaces locales tient en une formule : « Le commerçant ne doit rien avoir à faire », confie Charlotte Journo-Baur, 29 ans, PDG de Wishibam. Car tous ne sont pas forcément à l’aise avec les outils numériques et les codes en vigueur dans la jungle du Net. « Au lancement de Angershopping, 27 % des commerces référencés vendaient plus cher des produits similaires à ce qu’on pouvait trouver ailleurs sur la Toile », livret-elle en guise d’exemple. Néanmoins, le lancement du site angevin semble plutôt être une réussite, avec 300 boutiques référencées et 200 000 euros de chiffre d’affaires sur les trois premiers mois. Mais Dominique Gazeau, président des Vitrines d’Angers, l’association des commerçants du centre-ville, reste prudent. Il estime à « quatre ou cinq ans minimum » le temps nécessaire pour asseoir la plateforme localement, créer du « volume », puis « vraiment gagner de l’argent ». Pas facile sans la force de frappe d’Amazon et sa logistique de haut vol. Un mauvais remake de David contre Goliath, dont on connaît déjà l’issue ? « Ces initiatives sont amenées à perdurer, mais pas toutes. Il y aura un tri », pronostique Franck Rosenthal. Une chose est sûre, les éditeurs de marketplaces comme Wishibam, qui commence à dupliquer son modèle partout en France, ou encore Mirakl, dernière licorne française en date, y gagnent déjà, eux.