Cloud : le show Snowflake
La start-up fondée par deux Français a réalisé l’une des entrées en Bourse les plus importantes de l’année aux Etats-Unis.
Sur un nuage, Snowflake? Le mot est faible. Cette start-up californienne spécialisée dans le cloud a réalisé l’une des belles introductions en Bourse de l’année aux Etats-Unis. Fondée par deux ingénieurs français en 2012, cette société crée à la demande des entrepôts virtuels permettant aux entreprises de traiter et d’analyser en temps réel toutes leurs données. Lesquelles sont souvent stockées anarchiquement sur les clouds des géants américains – Amazon Web Services (AWS), Oracle, Microsoft, Google.
Les signaux étaient prometteurs. Les investisseurs n’avaient pas encore eu le temps de s’échanger les premiers titres cotés que Snowflake avait déjà récupéré plus de 3,4 milliards de dollars grâce à l’émission de 28 millions d’actions de son capital au prix de 120 dollars l’unité. La frénésie se poursuit depuis. Introduite sur le marché sous le titre Snow, le 17 septembre, l’action s’échange autour de 250 dollars en ce début d’octobre, permettant à la start-up d’afficher une valorisation hallucinante, frôlant les 70 milliards.
Une réussite totale pour Thierry Cruanes et Benoît Dageville, les deux ingénieurs tricolores à l’origine du projet. Leur introduction en Bourse n’est autre que la plus grosse de l’Histoire pour une société du monde du logiciel. Un « succès colossal », souligne Alexandre Baradez, responsable des analyses marchés chez IG. « Depuis quelques semaines, les valeurs Tech sont un peu nerveuses. Elles alternent les hauts et les bas en Bourse. Pas le meilleur moment, a priori, pour faire son entrée sur le marché. Snowflake a relevé le pari. »
Cette culbute boursière ferait presque oublier la solidité de la très jeune entreprise. Surfant sur la dématérialisation de l’économie et l’explosion des données, Snowflake double ses revenus chaque année. Une croissance exponentielle qui suscite l’appétit. Sur les marchés privés, le groupe a déjà réussi à lever 1,4 milliard de dollars. Flairant la bonne affaire, le géant du cloud Salesforce et le financier américain Warren Buffett sont eux aussi montés au capital une semaine avant l’introduction, à hauteur de 250 millions d’euros chacun.
Un fait rare pour celui que l’on surnomme « l’oracle d’Omaha », d’ordinaire peu adepte des paris sur les valeurs technologiques, encore moins celles qui débutent en Bourse. « Dans un univers où les taux directeurs sont très faibles, les investisseurs recherchent les entreprises à forte croissance, qui peuvent leur apporter des rendements rapides. Snowflake cochait toutes les cases », justifie Alexandre Baradez.
Pour le spécialiste, ce succès consacre également le secteur du cloud. « Le stockage des données reste un sujet très porteur. Tous les grands groupes s’y intéressent, nous ne sommes pas au bout de ce marché-là », explique-t-il encore. Pour y jouer un rôle majeur, Snowflake devra cependant prouver qu’il peut supporter la concurrence de géants comme Amazon Web Services ou Microsoft, qui arrivent en force.
Comme de nombreuses entreprises du numérique, la start-up devra aussi trouver un chemin vers la rentabilité. Investissant lourdement en R&D, elle n’a pas encore enregistré de bénéfices. Au premier semestre, ses pertes se sont mêmes chiffrées à 171,3 millions de dollars. Des chantiers dont l’équipe dirigeante a bien conscience. Se félicitant du « vote de confiance » apporté par les investisseurs lors de son introduction, le fondateur Benoît Dageville a promis que le groupe ne tarderait pas à prouver qu’il mérite sa valorisation à Wall Street.