La ville, éternel objet du désir…
METROPOLIS : A HISTORY OF HUMANKIND’S GREATEST INVENTION PAR BEN WILSON. JONATHAN CAPE, 448 P., 24,50 €. la population urbaine mondiale augmente actuellement de 200 000 personnes chaque jour. Et il en sera de même demain, aprèsdemain, et ainsi de suite. En 2050, les deux tiers de l’humanité vivront en ville. Il s’agit probablement de la plus grande migration de l’histoire des hommes, le point culminant d’un processus engagé voilà plus de six mille ans et qui fera des humains, à la fin du siècle, une « espèce urbaine ». C’est autour de cette réalité que Ben Wilson, essayiste et journaliste britannique, auteur de plusieurs bestsellers, a bâti son nouveau livre, Metropolis.
Pourtant, avec la pandémie, la ville a démontré sa fragilité. Elle est un vecteur de propagation des maladies, depuis longtemps : un quart de la population de Londres décimée par la grande peste de 16651666, 8 000 morts du choléra à Hambourg en 1892, et l’on pourrait multiplier les exemples. A cause du Covid19, il a fallu confiner les urbains, ce qui a donné aux villes l’apparence de cités fantômes, désertées par les hommes, et rendues à la nature et aux animaux.
Mais, pour Ben Wilson, cela ne remettra pas en question ce vaste et puissant mouvement vers la ville, qui fait que des centaines de millions d’individus sur cette planète choisissent de s’entasser dans des bidonvilles plutôt que de rester vivre dans leurs villages (55 % de la population de la ville indienne de Mumbai réside dans un habitat « informel »). En réalité, depuis que se sont créées les premières colonies urbaines, dans la Mésopotamie des années 4000 avant JésusChrist, la ville a toujours été un formidable carrefour d’échange d’informations et d’interactions entre les êtres humains. Ils y ont produit des idées, innové en matière de technologie et lancé des révolutions qui ont structuré l’Histoire. Les villes ont exercé une influence globale sur le monde, comme Lübeck à l’époque de la Hanse, Lisbonne au xvie siècle, Amsterdam au xviie, Paris au siècle des Lumières, Londres au xixe, et peutêtre Shanghai aujourd’hui.
Pourtant, explique Ben Wilson, les mégapoles créent aussi de la misère et du désespoir. Elles sont le lieu où se confrontent les inégalités de toutes sortes et où naissent des violences, notamment sociales. Surtout, leur empreinte environnementale s’est singulièrement élargie depuis quelques décennies. Les enjeux auxquels sont confrontées les villes actuellement sont majeurs, qu’il s’agisse de consommation de ressources, d’émission de CO2, de coût de l’habitat, d’organisation des mobilités. Si elle veut continuer à inspirer le désir, la cité va devoir se transformer, se réinventer en partie, afin d’apaiser les tensions qu’elle suscite. Après avoir été, au fil des siècles, un objet politique, un objet intellectuel, un objet économique, la ville du xxie siècle devrait aspirer à devenir un objet humain. Car, comme le rappelle très justement l’auteur, « les villes ont toujours été les laboratoires de l’espèce humaine ».