Filière sucre : s’il n’y avait que la jaunisse…
La loi en faveur d’une réintroduction temporaire des néonicotinoïdes a été votée. L’industrie française du sucre n’en a pas pour autant digéré la fin des quotas de production en Europe.
Cet automne, à Toury, l’air est plus respirable qu’à l’ordinaire. Mais les quelque 3 000 habitants de ce gros bourg d’Eure-etLoir, dans le centre de la France, le regretteraient presque. D’habitude, à cette saison, une odeur âcre envahit tout, imprègne les vêtements, s’immisce dans les maisons. C’est l’odeur des cheminées de la sucrerie qui tourne à plein régime. L’odeur des jobs des habitants du coin. Seulement, cette année, l’usine de Toury – appartenant à Cristal Union, l’une des plus grandes coopératives sucrières françaises – a fermé ses portes. Ici, il n’y aura plus de campagne betteravière. Fini, le ballet incessant durant les mois d’octobre à décembre des camions à benne remplis ras la gueule de betteraves. « La fermeture de la sucrerie, c’est un peu notre Bridgestone à nous », déplore le député LR de la circonscription, Philippe Vigier. Maintenant, il faut tourner la page, s’atteler à la reconversion de ce site industriel, monstre d’acier et de turbines, s’étalant sur près de 30 hectares. Alors, ici, les débats sur les néonicotinoïdes qui ont enflammé l’Assemblée nationale ces dernières semaines, on ne les a guère suivis.
Mardi 6 octobre, les députés ont, pourtant, donné le feu vert à la réintroduction temporaire – pendant trois ans au maximum et pour un usage très précis – de ces insecticides interdits par la loi sur la biodiversité de 2016, mais très efficaces pour terrasser la jaunisse de la betterave. Victoire des lobbies agro-industriels, ont dénoncé les élus écolos. « Ce sont vingt-six ans d’efforts qui sont remis en cause par cette loi […] pour des enjeux économiques de court terme », a fustigéDelphine Batho, députée des Deux-Sèvres. Les agriculteurs de Toury et des environs ont, eux, poussé un ouf ! de soulagement. Même s’ils admettent à voix basse que cette affaire de néonicotinoïdes ne résout pas le fond du problème. La réalité, c’est celle d’une filière sucrière française balayée par la fin des quotas de production européens, il y a trois ans pilepoil. Incapable de sauter dans le grand bain du marché.
Le 1er octobre 2017, l’Union européenne en finissait avec la régulation, presque soviétique, du marché du sucre. Chaque année, pendant des décennies, une poignée de hauts fonctionnaires, claquemurés dans le bâtiment Berlaymont, siège de la Commission européenne à Bruxelles, a décidé de tout : du prix de la tonne de sucre ; du tarif auquel les agriculteurs allaient vendre leurs betteraves aux transformateurs ; des quotas alloués pour chaque pays, pour chaque groupe sucrier, et jusqu’aux hectares accordés à chaque agriculteur pour la culture de la fameuse racine. Sans trop se poser de questions, le monde de la poudre blanche a vécu dans l’ombre sédative des quotas.
Campagne 2019/2020
Campagne 2020/2021 (prévisions)
Les 5 plus grands pays producteurs, en millions de tonnes
les entreprises – la participation des employeurs à l’effort de construction (Peec)* – est devenu au fil des ans un colosse de l’habitat social dans l’Hexagone. « Avec plus de 1 million de logements, c’est aujourd’hui la plus grande foncière non seulement en France, mais aussi en Europe », affirme un spécialiste. Au 31 décembre 2019, le bilan consolidé du groupe affichait plus de 88 milliards d’euros. Et encore, basé sur la valeur historique des biens, l’actif serait nettement sous-évalué. Action logement vaudrait en réalité pas loin de 160 milliards. Sa trésorerie ? 9 milliards d’euros. Des résultats dont beaucoup se vanteraient, mais à propos desquels l’organisme se montre plutôt discret… « De tels chiffres en ce moment, c’est de la provoc », résume un syndicaliste. De fait, lors de la présentation du projet de loi de finances il y a quelques jours, l’Etat a annoncé qu’il allait puiser plus de 1 milliard d’euros dans ses caisses au lieu de verser les 300 millions de compensations ainsi qu’il s’y était pourtant engagé. Ce n’est pas la première fois. L’an passé déjà, 500 millions d’euros avaient été siphonnés par l’exécutif. En
« Avec plus de 1 million de logements, c’est la plus grande foncière, en France et en Europe »
cette période de disette budgétaire, il entend même aller plus loin en lançant une réforme structurelle de l’organisme, a-t-il annoncé début septembre.
Pas question de se laisser faire, s’enflamment les syndicats. Dans un courrier adressé le 24 septembre au Premier ministre, Jean Castex, les sept centrales gestionnaires de l’organisme (Medef, CPME, CFDT, CGT, FO, CFE-CGC et CFTC) se disent prêtes à le faire évoluer, à condition de leur « laisser le temps de la concertation » et de « ne pas avancer sous l’aiguillon de propositions internes aux services de l’Etat, non transmises à tous les partenaires sociaux ».
Dans le viseur : un rapport de l’IGF, commandé en juillet 2019 par le Premier ministre de l’époque, Edouard Philippe, tenu secret jusqu’à ce que des extraits soient révélés, début janvier, dans Le Monde. Ses conclusions sont pour le moins accablantes. Le groupe est « marqué par des dysfonctionnements majeurs […], une gouvernance complexe et peu transparente, rendant difficile le pilotage de la structure, le respect des engagements pris et le contrôle opéré par l’Etat sur les ressources et les emplois de la Peec […]. Alors même qu’elle fonde sa légitimité, [sa] capacité à promouvoir le lien [entre] emploi [et] logement n’est pas démontrée ».
Une surprise ? Pas vraiment. « La dernière réforme entamée par les partenaires sociaux, qui a fusionné les 20 collecteurs interprofessionnels, était une bonne idée, mais l’opérationnel n’a pas suivi. Elle est restée teintée d’amateurisme », tacle un proche du dossier. Lorsqu’ils consolident les comptes pour la première fois, en 2018, c’est la stupeur. Le bilan s’élève à plus de 80 milliards, la trésorerie dépasse les 8 milliards d’euros. Du fait de cette opulence, « c’est la fuite en avant, pour éviter que l’Etat ne mette le grappin dessus », dit un syndicaliste. Un plan d’investissement volontaire (PIV) quinquennal de 9 milliards d’euros sort des cartons début 2019. Subventions pour l’amélioration énergétique, création d’une foncière destinée à financer la rénovation des Ehpad… Les mesures qu’il contient partent tous azimuts, au risque de se perdre, et surtout de ne pas pouvoir se déployer. Par exemple, 1 milliard d’euros est débloqué pour la rénovation des salles de bains sous la forme d’une aide de 5 000 euros octroyée aux personnes âgées de plus de 70 ans. Problème : l’interface avec les utilisateurs n’est pas prête. Et la demande n’est pas là. Pas plus de 5 000 dossiers auraient finalement été validés. Et, au total, fin 2019, seulement 800 millions du PIV avaient été dépensés. « On est allés plus vite que la musique. On a lancé trop de projets. Action logement pourrait être une machine de guerre, mais il y a un vrai problème de stratégie », reconnaît un administrateur.
Qui prend les décisions ? C’est toute la question. Depuis la dernière réforme, trois commissaires du gouvernement (représentant le Logement, l’Economie et le Budget) siègent au conseil d’administration et ont un droit de veto sur certaines décisions. Le hic ? Ce n’est pas là qu’elles se prennent véritablement. Tout est arbitré, en parallèle, dans des « réunions de confédéraux » auxquelles il faut mettre fin, relèvent les auteurs du rapport de
Ressources* d'Action logement, en millions d’euros
Contribution nette des entreprises
Remboursements de prêts consentis aux ménages et aux bailleurs Dépenses (2018), en millions d’euros 475 l’IGF. Objectif principal : limiter les « risques de “captation” du groupe par des intérêts particuliers ».
L’IGF suggère ainsi deux grandes pistes de réforme. La première propose de maintenir la gestion paritaire de la Peec au travers d’Action logement, mais dans le cadre d’une gouvernance rénovée, d’un renforcement du contrôle par l’Etat et d’un recentrage de ses interventions. Dans la seconde option, plus radicale, l’Etat ferait main basse sur la Peec, dont la collecte est jugée coûteuse, pour la flécher vers d’autres besoins, telle la cinquième branche de la Sécurité sociale créée récemment, comme le suggère le rapport Vachey sur le financement de l’autonomie.
« Aujourd’hui, rien n’est tranché », assure-t-on à Bercy. « Nous demandons aux partenaires sociaux d’augmenter l’efficacité du système pour que ce soit davantage un outil au service des salariés », insiste l’entourage d’Emmanuelle Wargon, la ministre déléguée au Logement. De fait, seulement 40 % du parc géré par l’organisme serait occupé par des salariés. Le patron du Medef, Geoffroy Roux de Bézieux, a annoncé qu’il proposerait aux partenaires sociaux de discuter d’une deuxième étape de la réforme, autour de trois sujets : la gouvernance, le modèle économique et l’efficacité. Ils vont devoir aller vite. Emmanuel Macron a annoncé une réforme du logement pour le début de décembre.
W* Versée chaque année par les entreprises de plus de 50 salariés, elle est aujourd’hui égale à 0,45 % de la masse salariale.