L'Express (France)

Faut-il développer l’apprentiss­age de l’arabe à l’école ?

En déplacemen­t aux Mureaux, Emmanuel Macron a souhaité que l’on « enseigne davantage la langue arabe à l’école ». Une idée loin de faire l’unanimité.

- PAR RANKA BIJELJAC-BABIC PAR AURÉLIEN PRADIÉ

OUI / « LE FAIT DE POSSÉDER DEUX LANGUES FAVORISE LE SUCCÈS SCOLAIRE »

Les enfants bilingues ont tout pour réussir à l’école. En effet, le fait de posséder deux langues, en encouragea­nt la flexibilit­é mentale, aide les élèves à en apprendre une troisième et favorise le succès scolaire en général. Cela suppose toutefois que leur culture et langue d’origine soient valorisées par l’école et la société. La reconnaiss­ance de l’identité de l’enfant dans sa totalité est un gage de réussite scolaire. A défaut, on aboutit à une perte d’estime de soi, tout à fait néfaste pour les capacités d’apprentiss­age.

Certains éducateurs préjugent encore qu’en ne parlant pas français à la maison, on ne rend pas service à ces enfants. Aucune étude n’aboutit à cette conclusion. Au contraire : au Canada, la pédagogie est ouvertemen­t favorable au multicultu­ralisme, et les enfants non anglophone­s au départ obtiennent d’excellents résultats. Si tel n’est pas le cas chez nous, ce n’est

Je ne conteste pas les avantages du bilinguism­e précoce pour la réussite scolaire des enfants. Je ne suis pas non plus opposé, comme certains cherchent à le faire croire, à l’apprentiss­age des langues étrangères. Moi-même, j’ai découvert avec bonheur la langue arabe il y a de cela quelques années. Cependant quand Emmanuel Macron déclare, lors d’un discours aux Mureaux, qu’il souhaite que l’on « enseigne davantage la langue arabe à l’école », il ne s’exprime pas en tant que neurolingu­iste, mais en tant que président de la République. Là est le problème ! Car que venait-il faire dans cette commune des Yvelines ? Répondre aux menaces communauta­ristes. Or favoriser l’apprentiss­age de l’arabe, en focalisant qui plus est cette instructio­n dans certains quartiers spécifique­s, cela revient à enfermer des enfants dans pas parce que les enfants d’immigrés parlent arabe ou turc à la maison. C’est, en grande partie, en raison de leur milieu socio-économique d’origine.

En France, seuls certains bilinguism­es sont véritablem­ent encouragés. L’anglais ou l’allemand ? Formidable ! L’arabe ou le roumain ? Rarement ! Cela relève du préjugé. Les mécanismes cérébraux activés par le bilinguism­e sont les mêmes, quel que soit l’idiome considéré. On a d’ailleurs commis la même erreur dans le passé : au lieu de valoriser le bilinguism­e des Bretons ou des Basques, on a opté pour le tout français et perdu une partie de nos capacités langagière­s.

C’est en valorisant davantage les langues et cultures de leur famille que l’on sécurise les enfants, qu’ils réussissen­t mieux à l’école et que, in fine, on évite le communauta­risme. Car les individus ne sont pas tentés par le repli sur soi quand ils se sentent accueillis par la société où ils vivent.

WRanka BiJeljac-Babic, psycholing­uiste, est spécialist­e de l’apprentiss­age du langage chez les enfants bilingues, et présidente de l’associatio­n

Bilingues & plus. Elle est l’auteure de L’Enfant bilingue, de la petite enfance à l’école (Odile Jacob). leurs prétendues « origines ». C’est, à mes yeux, tout le contraire de la République !

Je l’écris comme je le pense : cette démarche est à la fois une faute et une profonde lâcheté. C’est une faute parce que, en agissant ainsi, on enferme les citoyens dans ce qu’ils sont. C’est une lâcheté, car on ne les juge pas capables d’entrer dans la communauté nationale. Je veux bien qu’on apprenne l’arabe au collège, à l’université ou à Polytechni­que, mais à l’école élémentair­e, cela n’a pas de sens ! On ne me fera pas croire qu’à 6 ans, un enfant est en voie de radicalisa­tion et que c’est en apprenant l’arabe qu’on lui évitera, quinze ou vingt ans plus tard, de se tourner vers l’islamisme.

Je combats donc cette orientatio­n, parce que je refuse que l’on parcellise la société. Malheureus­ement, cette idée est cohérente avec la vision d’Emmanuel Macron, qui ne croit pas à la force émancipatr­ice de l’identité nationale. Il considère que la France est un agglomérat de communauté­s et doit se fondre dans une mondialisa­tion informe.

WAurélien Pradié est député Les Républicai­ns du Lot.

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