Venezuela Vaches, or et pétrole, les petits trafics de Maduro au Moyen-Orient
Isolé sur la scène internationale, le régime de Caracas multiplie les affaires douteuses avec ses alliés – tous des pays non démocratiques.
Quelque 3 700 vaches vivantes, entassées à bord du Blue Ocean 1, un rafiot battant pavillon des Palaos, un archipel de Micronésie, ont pris le large depuis Puerto Cabello, au Venezuela. Direction, l’Irak. Le mois dernier, le président Nicolas Maduro a triomphalement annoncé que son pays exportait du bétail « pour la première fois depuis cent vingt ans ». Le signe, selon lui, d’une agriculture en pleine santé. En réalité, un tiers des 29 millions de Vénézuéliens ne mangent pas à leur faim ; environ 80 % d’entre eux vivent sous le seuil de pauvreté (1,90 dollar par jour), selon certaines enquêtes, le salaire minimum étant inférieur à 1 euro par mois. Le prix du kilo de viande de boeuf, lui, est cinq fois plus élevé. Hormis la nomenklatura « bolivarienne », plus personne n’a les moyens d’acheter un steak ou une entrecôte.
Cynique, le régime a donc décidé d’écouler une partie de son cheptel auprès d’une clientèle solvable, au MoyenOrient. Après avoir traversé les océans Atlantique et Indien, débarqué dans le port irakien de Bassora, les milliers de bovidés des Llanos (les plaines vénézuéliennes) finiront dans les assiettes des Bagdadiens.
Frappé par des sanctions commerciales, isolé sur la scène internationale, le régime de Nicolas Maduro s’appuie sur ses alliances avec l’Irak et la Syrie pour se maintenir à flot. Ainsi, l’armateur du Blue Ocean 1 – la compagnie Phoenicia, basée à Tartous, en Syrie – est aux mains de proches de Bachar elAssad. Parmi les fondateurs de la société : le ministre du Tourisme syrien, Mohammad Rami Martini, un homme d’affaires luimême visé par des sanctions internationales. Avec son homologue vénézuélien, Martini a d’ailleurs noué, le 10 septembre dernier, un curieux partenariat touristique liant Damas à Caracas – deux capitales pourtant délaissées par les visiteurs étrangers depuis belle lurette.
Nicolas Maduro peut aussi compter sur la Turquie, notamment pour écouler l’or extrait clandestinement en Amazonie vénézuélienne, où la forêt est dévastée et des Indiens assassinés dans l’indifférence générale. Ankara, dont le ministre des Affaires étrangères, Mevlüt Cavusoglu, s’est récemment rendu à Caracas, est le principal acheteur de l’or qu’exporte le Venezuela en contournant les sanctions.
Enfin, l’Iran, lui aussi sous embargo, demeure un allié indéfectible. Depuis six mois, plusieurs tankers iraniens chargés d’essence ou de gaz liquéfié en route vers Caracas ont été interceptés par la marine américaine. Le Venezuela, qui revendique près de 20 % des réserves mondiales de pétrole, n’est en effet plus capable de faire tourner ses raffineries. Téhéran a donc dépêché des équipes de techniciens, comme le confirme anonymement un ingénieur de l’usine d’El Palito.
Des dizaines de tonnes de matériel chinois ont également été acheminées vers le petit aéroport de Las Piedras, proche du complexe pétrolier de Paraguana, grâce à un pont aérien de 16 vols au départ de Chengdu. Des vols opérés par la compagnie iranienne Mahan Air. Les partenariats du Venezuela dessinent une internationale des pays non démocratiques : Syrie, Iran, Irak, Turquie, Chine. Et ils illustrent comment, en vingt ans, le pays latino s’est éloigné du monde occidental. ✷