En Marche dispersé dans les Yvelines
Pour les élections départementales de 2021, LREM doit-il tendre la main au président LR sortant, condamné par la justice ?
Avec son casting 3 étoiles, du président du Sénat Gérard Larcher à la présidente de la région Ile-de-France Valérie Pécresse, le département des Yvelines est surveillé en haut lieu : c’est un cas d’école pour La République en marche (LREM) en peine d’implantation locale, un laboratoire pour étudier comment la poutre travaille localement à droite, sur fond d’ambitions personnelles et de rivalités plus ou moins anciennes. « Emmanuel Macron peut voir en Pierre Bédier, le président LR sortant du conseil départemental, un allié pour taper Pécresse, avec qui l’inimitié est notoire », conjecture un élu LREM francilien à six mois des élections. Karl Olive, le maire de Poissy (ex-LR) qui a l’oreille du président, éclate de rire quand on lui soumet l’hypothèse. « Les Marcheurs peuvent avoir des envies, mais ce n’est pas pour ça que Pierre se laissera embrasser sur la bouche. Ce n’est pas un bleu ! »
Aurore Bergé ne goûte guère les mains tendues à Pierre Bédier. Le 21 septembre, avant de claquer la porte de la direction de LREM, la députée titille la mauvaise conscience de ses camarades. « Nous ne savons plus qui nous sommes et ce que nous portons, déplore-t-elle au cours d’une réunion à huis clos. Quand dans les Yvelines on hésite à soutenir le président du département sortant qui a été condamné pour corruption, je me demande où sont nos valeurs. » En faisant allusion à la condamnation de Bédier en 2006 pour corruption passive et recel d’abus de bien sociaux, Aurore Bergé met les pieds dans le plat. Ou plutôt dans le « bordel », pour reprendre le terme d’un parlementaire LREM des Yvelines décrivant la situation locale. Les élections départementales auront lieu en même temps que les régionales, en mars 2021, et le mouvement n’a toujours pas défini sa stratégie ou choisi ses candidats. Les piètres performances de ses listes aux municipales ne lui laissent aucun espoir de conquérir le département. LREM s’interroge sur la meilleure façon de poursuivre son implantation : avoir des candidats partout, quitte à se faire balayer, ou sécuriser une poignée de sièges en négociant avec l’équipe sortante ? « Les macronistes qui ont été présomptueux aux municipales se sont tous ramassés », rappelle Karl Olive.
La direction du parti et plusieurs parlementaires du département trouveraient logique de maintenir les alliances tissées aux municipales avec des maires sortants de droite. « Je ne vais pas dire aux militants que l’on va se présenter contre un maire qui a pris huit des nôtres sur sa liste aux municipales », résume la députée Marie Lebec. Cette dernière assume de dialoguer avec Pierre Bédier, qui a réalisé le grand chelem en 2015 en faisant élire ses candidats dans chacun des 21 cantons. Le député Marcheur Didier Baichère, lui, préférerait qu’une alliance locale de LREM, du MoDem ou d’Agir soit présente partout. « La maison présidentielle doit être capable de présenter des candidats à chaque élection », martèle-t-il. Comme si ce dilemme stratégique n’était pas assez difficile à trancher, les réserves sur le passé judiciaire de Pierre Bédier le complexifient encore un peu davantage.
« Ce n’est pas personnel, assure Aurore Bergé. La seule question est politique : est-ce compatible avec notre identité, avec nos valeurs ? » La députée craint que des militants sensibles aux questions de probité ne claquent la porte du mouvement en cas d’accord avec le président LR. « Ce n’est pas un argument, répond Didier Baichère. Pierre Bédier a été condamné, mais il a purgé sa peine. J’ai envie que l’on se batte sur le fond. » A LREM, les partisans d’une alliance avec le président sortant évoquent surtout une vendetta d’Aurore Bergé, issue de LR, contre un ancien allié
« Les macronistes qui
politique. C’est aussi ce que suggère Pierre Bédier. Lequel ne se fait pas prier pour partager un souvenir : « En 2015, elle avait sollicité une investiture aux départementales. Elle est venue me voir pour me dire qu’elle était la meilleure candidate. Mais les départementales sont le troisième tour des municipales. C’était assez compliqué de lui donner l’investiture, car elle avait réalisé un faible score à Magny-les-Hameaux en 2014. On a gagné le canton sans elle ! » Aurore Bergé nie catégoriquement. « Je n’ai jamais été candidate aux départementales ! » s’exclame-t-elle.
Pendant que la direction de LREM prévoit de dépêcher un coordinateur pour unifier la stratégie dans les Yvelines, Pierre Bédier, qui vogue gaiement vers sa réélection, trouverait « fun » de rééditer son grand chelem. « Je tends la main aux Marcheurs non en tant que militants, mais en tant qu’élus, comme je le fais avec le MoDem ou LR, dit-il. Il faut des représentants territoriaux. » Le président sortant fait son marché parmi les maires et députés LREM du cru. Il se verrait bien recruter le maire macroniste de Houilles, Julien Chambon. « Vu que les maires veulent mettre la main sur les subventions du département, ils ne vont pas partir avec nous, prendre une taule et perdre le fric », soupire un élu LREM. Il paraît que la politique n’est pas seulement affaire de convictions…
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