Erdogan toujours plus agressif
Le président turc multiplie les interventions militaires et les discours martiaux. Une stratégie inquiétante visant à faire oublier les difficultés économiques du pays.
Il y a dix ans, le ministre des Affaires étrangères turc, Ahmet Davutoglu, utilisait une formule pacifique pour résumer les ambitions stratégiques de son pays : « Zéro problème avec les voisins ». Aujourd’hui, désavoué et rejeté dans l’opposition, il ne peut que constater à quel point son credo a été bafoué. Le président, Recep Tayyip Erdogan, qui conteste des frontières et remet en question les traités internationaux, a ravivé des conflits anciens dans la région et multiplié les coups d’éclat avec l’Otan comme avec l’Union européenne. Plus question de soft power économique et culturel ; désormais, la puissance turque s’exprime militairement.
L’armée manoeuvre de front sur six terrains d’opérations : en Syrie, en Irak, à Chypre, dans les eaux grecques de la Méditerranée orientale, en Libye et dans le Sud-Caucase, où elle intervient en appui de l’Azerbaïdjan pour reprendre à l’Arménie le contrôle de la province sécessionniste du Haut-Karabakh. « Erdogan utilise toutes les occasions qui se présentent pour jeter de l’huile sur le feu du nationalisme, qui est l’élément mobilisateur », juge le politologue Baskin Oran, à Istanbul.
Les guerres et les provocations monopolisent à présent l’agenda politique et médiatique. Il y a un an, la Turquie a attaqué l’enclave kurde du nord de la Syrie, élargissant la zone sous son contrôle. Dans le nord de l’Irak voisin, les forces spéciales ratissent les montagnes pour en déloger la guérilla du PKK (l’organisation politique armée kurde). En janvier, le Palais expédie des troupes et des mercenaires syriens en Libye. En février, il pousse des migrants à la frontière grecque, provoquant une dissension entre les pays européens. Cet été, Erdogan lance un navire de prospection sous-marine escorté par des bateaux de guerre au large de l’île hellène de Kastellorizo, créant de vives tensions avec Athènes ; et reconvertit Sainte-Sophie en mosquée. Tout récemment, l’autocrate a déplacé ses missiles S-400, achetés à la Russie, au nez et à la barbe de ses alliés de l’Otan, pour les tester lors d’exercices militaires. Dans le même temps, il se plaît à multiplier les discours virils pour faire valoir « la force turque », et le nationalisme martial s’étale dans les journaux et sur les chaînes de télévision.
De quoi faire oublier la situation économique ? Inflation, chômage, endettement des foyers, mauvaise gestion des comptes publics, restrictions des libertés : les maux qui s’abattent sur le pays se multiplient… « L’érosion du pouvoir est inéluctable, analyse Ertan Aksoy, président de la