Joe Biden, homme de synthèse
S’il l’emporte, le candidat démocrate devra réconcilier une Amérique qui, dans son histoire, a rarement été aussi divisée.
Quelle que soit l’issue du scrutin présidentiel, le 3 novembre, il faudra accorder cet « exploit » à Donald Trump : celui d’avoir polarisé la société américaine comme jamais, peut-être, depuis la guerre de Sécession. S’il parvient à le battre, ce qui n’est pas garanti, Joe Biden devra cautériser les plaies béantes laissées par son prédécesseur. Et s’imposer comme l’homme de la, ou plutôt des réconciliations. D’abord au sein de son parti, qui regroupe des tendances très diverses. Jusqu’à présent, il y est parvenu. Homme du milieu, il a su, habilement, faire la soudure entre les idées progressistes de son aile gauche et celles des centristes, qui n’ont, par exemple, guère envie d’un Grand Soir écologique, et qu’il rassure par des positions mesurées. Mais la voie est étroite. « Il est pris entre un Parti républicain qui le dépeint comme un dangereux gauchiste et une partie de sa famille politique qui le trouve timoré, résume Laurence Nardon, chercheuse à l’Institut français des relations internationales. S’il devient président, Biden essaiera de tracer une voie médiane, comme l’avait fait Obama, mais en étant plus attentif aux classes moyennes. » Il devra également faire preuve d’esprit de concorde vis-à-vis de l’électorat républicain et de tous ceux (femmes, Noirs, jeunes) qui avaient boudé Hillary Clinton en 2016. La tâche s’annonce dantesque, tant la fracture laissée par Trump le pyromane est profonde. « Nous devons travailler à réunir l’Amérique », a martelé le candidat démocrate le 6 octobre, lors de son discours à Gettysburg, en Pennsylvanie, où unionistes et confédérés se sont entre-tués en 1863. Il lui faudra toutefois davantage que des discours, aussi bien intentionnés soient-ils, pour réussir sa mission : « La réconciliation ne sera possible qu’à l’épreuve du temps, lorsque les Américains verront une administration qui travaille au lieu de parler, aux antipodes de l’hystérisation actuelle, estime un diplomate en poste à Washington. Et, surtout, un dirigeant à l’écoute de ses concitoyens, notamment en matière d’emploi et de santé. » Un président qui serait simplement « normal », en somme.