Taxe Gafa, le danger de la balkanisation
L’OCDE a enfin rendu un projet détaillé de taxe sur les activités numériques. L’accord politique, lui, reste dans les limbes.
Officiellement, sur le papier, tout est prêt. Il n’y aurait plus qu’à appuyer sur un bouton pour lancer la taxe Gafa, soutient Pascal Saint-Amans, le directeur du centre de politique et d’administration fiscales de l’OCDE. Promesse osée de la part du Français qui est le maître d’oeuvre de ce chantier aussi aride que titanesque. Car il s’agit de réinventer tout un pan de la fiscalité des entreprises à l’heure de la révolution numérique. Et, surtout, de mettre fin aux micmacs comptables qui permettent à des multinationales d’échapper à l’impôt en logeant dans des territoires fiscalement doux une bonne partie des profits réalisés ailleurs. En 2018, le G20 donnait mandat à l’OCDE pour travailler sur cette nouvelle architecture. Mercredi 14 octobre, les experts du château de la Muette ont enfin remis leur copie détaillée. Un plan qui s’étale sur plus de 400 pages. Reste l’accord politique. Evidemment le plus difficile, quand on sait que les 137 pays membres qui se sont lancés dans l’aventure ne sont en réalité d’accord sur rien : ni sur le champ des entreprises concernées, ni sur la part des profits taxés, ni sur le taux de taxation, ni sur la clef de répartition des recettes fiscales entre les pays… Sans consensus politique, le risque est bien celui d’une balkanisation de la taxe Gafa. Suivant l’exemple français, une quarantaine d’Etats (dont la Hongrie, l’Italie, l’Espagne, le Royaume-Uni, Singapour…) ont voté ou sont sur le point de voter une telle imposition, mais avec des schémas divergents. La conséquence ? Une instabilité juridique pour les entreprises, une multiplication des contentieux avec le risque de double imposition. Du perdant-perdant, donc.