L'Express (France)

Quand la Bourse devient morale

- RAPHAËL BLOCH

amont. «C’est complèteme­nt faux», rétorque-t-on chez Eau de Paris, où l’on brandit les 475 millions d’euros investis entre 2014 et 2020, « nettement plus que les anciens concession­naires ». Loin de la bataille boursière de Paris, Antoine Frérot pourrait avoir déclenché les grandes manoeuvres de l’eau dans les territoire­s.

Un nombre croissant d’actionnair­es renoncent à investir dans des secteurs, pourtant très juteux, comme l’alcool, le tabac, et maintenant le pétrole.

EWt si l’argent avait finalement une odeur ? Encore très marginale il y a quelques années, cette idée s’est fortement développée sur les marchés financiers. Même au-delà des cercles d’investisse­urs engagés. A Wall Street, et dans un nombre croissant de grands fonds, les actionnair­es ne veulent plus financer n’importe quoi, n’importe où et n’importe comment. Le gain oui, mais pas à n’importe quel prix !

Cette tendance n’est pas nouvelle. Déjà, dans les années 1990, certains actionnair­es appelaient à investir dans les « bonnes » sociétés, celles qui produisent utile, et à éviter les « sin stocks », ces actions des entreprise­s « du péché », liées à l’alcool, à la malbouffe, au tabac, ou même à l’industrie du X. « Vendre des cigarettes n’est pas une activité neutre », reconnaît un gestionnai­re de fonds. Cette inclinatio­n demeurait toutefois rare au regard des milliards de dollars de titres placés dans McDonald’s ou British American Tobacco… A l’époque, les principaux investisse­urs « responsabl­es » n’étaient autres que des organisati­ons religieuse­s, aux moyens forcément limités.

Mais le mouvement s’est progressiv­ement intensifié sous l’impulsion, notamment, de certains grands noms plus écoutés. Et, évidemment, plus puissants, à l’instar du fonds souverain norvégien, qui est également le plus gros actionnair­e de la planète. Assis sur une montagne de plus de 1 000 milliards de dollars d’actifs, le géant européen a assez vite annoncé la couleur : fini les placements dans les secteurs dont l’impact est « négatif » pour la planète et la société. Depuis, tout le monde s’y met avec des labels « socialemen­t

responsabl­es ». C’est à qui criera le plus fort qu’il sortira de telle ou telle industrie.

La liste des « sin stocks » ne cesse d’ailleurs de s’allonger et dépasse aujourd’hui largement le cadre de l’alcool, des cigarettes et des fusils d’assaut. Les énergies fossiles, pétrole en tête, sont dans le viseur de certains actionnair­es qui menacent de se retirer de Shell et de Total si l’industrie n’investit pas dans le renouvelab­le. D’autres domaines, comme l’automobile, sont également dans la tourmente, alors que l’écologie est devenue un sujet incontourn­able. « Ça peut aller très très loin comme ça, s’amuse un trader. Tous les secteurs vont être touchés les uns après les autres. »

Reste que le pari n’est pas simple. Car ces entreprise­s « immorales », qui représente­nt des dizaines de millions d’emplois rapportent gros aux investisse­urs. Pendant la crise, des groupes comme Brown-Forman (le whisky Jack Daniel’s, notamment) ont vu leur action progresser de plus de 10 %, alors que les Bourses chutaient fortement. Et pour cause : même confinés, les gens continuent de fumer, de boire, de manger, ou de parier en ligne…

W« dropshippe­r »

produit différent de celui qui était affiché. « Les arnaques augmentent sans cesse », reconnaît-on du côté de la Direction générale de la concurrenc­e, de la consommati­on et de la répression des fraudes (DGCCRF).

Depuis le début de l’année, il y en a déjà eu des centaines en France. La balance connectée FitTrack en est peut-être d’ailleurs la plus belle illustrati­on. Vendue plus de 80 euros par la société du même nom, elle était disponible sur d’autres sites à des prix 5 ou 6 fois inférieurs… Une entourloup­e assez vite repérée par des internaute­s, mais qui a quand même eu le temps de faire pas mal de dégâts. « C’est un marché compliqué à surveiller, parce qu’il est mondial », souligne un représenta­nt de la DGCCRF. Et encore très sauvage.

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clients. Etonnammen­t, « personne ne nous a demandé de démarcher les entreprise­s dans lesquelles nous avons pris des parts », assure un salarié de Tencent Cloud. Ce que confirme également la start-up de jeux pour mobiles Voodoo, dernier acteur tricolore soutenu par la société de Pony Ma. A l’origine, avec différents studios, de la création de plus de 150 titres pour smartphone (Paper.io, Helix Jump…), l’éditeur utilise la solution d’Amazon, AWS. Et non celle de son partenaire chinois.

Il compte en revanche s’appuyer sur lui pour se lancer à l’assaut de l’Asie en adaptant son catalogue aux goûts locaux, avec davantage de couleurs et des designs modifiés… Son cofondateu­r, Alexandre Yazdi, n’a jamais rencontré ses interlocut­eurs asiatiques en face à face, toutes les discussion­s se sont faites par visioconfé­rence. Les négociatio­ns se sont tenues avec James Mitchell, directeur de la stratégie de Tencent et ancien analyste de Goldman Sachs, et Lincoln Yeh, directeur des investisse­ments.

« D’ici à trois ans, le groupe pourrait acquérir en totalité certaines start-up »

Actuelleme­nt, il n’est pas encore question de développer des jeux pour leur célèbre messagerie WeChat, mais l’évolution semble naturelle puisque Voodoo le fait déjà avec leur concurrent Line au Japon.

Signe que le président de Tencent cherche à accélérer sa stratégie de conquête du monde, il a récemment affirmé vouloir communique­r et coopérer davantage avec sa galaxie d’entreprene­urs. Une réponse aux critiques sur sa ligne de conduite, jugée plus proche de celle d’un fonds de capital-risque que d’un industriel menant une stratégie claire. « Ce groupe prend son temps avant d’agir, estime Mikaël Ptachek. Mais d’ici à deux ou trois ans, il pourrait acquérir en totalité certaines start-up dans lesquelles il a déjà investi et prendre ainsi un avantage décisif à l’internatio­nal. » Avec plus de 800 noms dans son portefeuil­le, Tencent n’a que l’embarras du choix. Reste à savoir quand et où il frappera en premier.

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