L'Express (France)

La crise qui viendra, par Robin Rivaton

Le monde va connaître sa plus grave récession en temps de paix, avec de considérab­les risques financiers à la clef.

- Robin Rivaton

l peut paraître déplacé de se poser la question de la crise qui viendra, alors même que nous sommes en pleine deuxième vague de l’épidémie de Covid-19. Mais, aux yeux de nombreux économiste­s, stratégist­es ou investisse­urs, la situation demeure instable et les risques d’une récession financière et/ou économique sont élevés. Preuve en est, le VIX, un indicateur de volatilité du marché financier américain – surnommé « indice de la peur » –, s’établit désormais autour de 25-30. C’est très loin des sommets de février, où il était grimpé à 80, mais près du double de son étiage de l’année 2019. Passons ces risques en revue.

ILes tensions géopolitiq­ues

Tandis que l’Azerbaïdja­n et l’Arménie se livrent une guerre ouverte dans le Haut-Karabakh, que la Turquie envoie ses mercenaire­s et ses drones en Libye comme en Syrie, que la zone de conflit en Afrique de l’Ouest s’étend d’année en année, il est aisé de pointer du doigt les tensions géopolitiq­ues comme facteur principal de déstabilis­ation. C’est oublier un peu vite que l’année 2020 avait débuté avec la certitude qu’une guerre entre les Etats-Unis et l’Iran adviendrai­t. Le 3 janvier dernier, le président Donald Trump avait approuvé l’assassinat ciblé du général iranien Qasem Soleimani à Bagdad. La réalité est celle-ci : le monde est plus pacifié qu’il ne l’a été.

Certains analystes américains ravivent depuis quelques semaines le spectre d’une invasion de Taïwan par la République populaire de Chine. Un paramètre clef vient pourtant contredire ces postures sensationn­alistes : la démographi­e. Sans rééditer l’erreur de Jan Bloch, qui écrivait, avec certitude, sur « la guerre à présent impossible », en 1899, soit quinze ans avant le déclenchem­ent du premier grand conflit mondial, on peut affirmer que nos sociétés vieillisse­nt rapidement et que l’appétence pour la violence y diminue en corollaire.

Plus d’inégalités que jamais

D’autres analystes prévoient que la contestati­on des résultats de l’élection présidenti­elle américaine tournera à la guerre civile. C’est mettre beaucoup de poids sur les épaules de Donald Trump. La divergence des territoire­s aux Etats-Unis ne date pas de son mandat et s’accentuera sans lui. Néanmoins, il y a fort à parier que cette question se résoudra par plus de dévolution de pouvoir. Si les inégalités doivent conduire à une crise, ça sera plus vraisembla­blement celle liée au patrimoine.

Les banques centrales ont abaissé les taux d’emprunt plus de 50 fois et vu leurs bilans gonfler de près de 11 000 milliards de dollars au gré des rachats d’actifs. Du fait du vieillisse­ment, du suréquipem­ent, de la désyndical­isation et de l’importatio­n des biens industriel­s, nos sociétés sont structurel­lement déflationn­istes, et la création monétaire ne se transmet ni aux salaires ni au prix des biens et services. Elle ira donc dans les actifs rares – entreprise­s innovantes, bâtiments de centre-ville, marques célèbres – qui continuero­nt leur folle course. Le fossé entre ceux qui possèdent déjà ces actifs, et dont la fortune s’accroît passivemen­t, et ceux qui ne peuvent plus les acquérir, va s’élargir. Et ce sont ces inégalités de patrimoine­s qui déclenchen­t les révolution­s.

Il est toujours possible de justifier les inégalités de revenus sur la base du talent. Il est beaucoup plus difficile de comprendre pourquoi héritage et mariage sont les deux mamelles de la rente.

Le cygne noir italien

Comme les banques centrales tirent toutes dans le même sens, il est impossible de préférer une monnaie à une autre et d’enclencher ainsi une dévaluatio­n. Mais, dans la cordée emmenée par les banquiers centraux, tout le monde n’est pas à égalité. La croissance des pays développés est faible ; cela tient, d’abord et avant tout, à la démographi­e. Nous vieillisso­ns et, à ce titre, abhorrons le changement. La technologi­e nous cerne, mais nous sommes réticents à transforme­r les organisati­ons qu’elle suppose pour obtenir des gains de productivi­té. Et, en Europe, le pays le plus exposé à cette sénescence, c’est l’Italie. L’âge médian et la part des seniors y sont les plus élevés du monde, juste derrière le Japon. 2,2 millions d’Italiens, dont 850 000 ayant moins de 34 ans, ont fui à l’étranger depuis 2006. Les naissances sont au plus bas depuis l’unificatio­n du pays en… 1861. Le système financier patine. Selon Moody’s, les prêts non performant­s représente­ront dans la Botte 11 % des en-cours en 2022, contre 5 % en France ou 6 % en Espagne. Comme souvent au cours de l’Histoire, il y a de fortes chances que la démographi­e s’impose à nous.

Robin Rivaton, essayiste (L’Immobilier demain, Dunod, 2020), directeur d’investisse­ment chez Idinvest Partners

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