Le digital au service de l’hôpital
Au plus près du terrain, les initiatives visant à faciliter le travail des soignants contre la la pandémie se multiplient. Une petite révolution.
la faveur de la crise sanitaire, quelques barrières –autant psychologiques que technologiques – sont en train de tomber au sein de l’hôpital français. Traitement des données, intelligence artificielle, plateformes d’échange sécurisées… Depuis le pic du mois de mars, les innovations susceptibles d’améliorer les réponses à l’épidémie s’y sont multipliées, au point de bouleverser, parfois, les usages, et de reléguer au rang de
Avieilleries les systèmes numériques traditionnellement utilisés dans les services. Sur le site du ministère de la Santé, une page rassemble des dizaines d’entreprises, poids lourds de l’industrie – tels Microsoft ou GE Healthcare – ou des start-up qui proposent leurs services le plus souvent gratuitement. « Les prérequis en termes de sécurité des données n’ont pas changé, mais une vraie souplesse s’est engagée avec la crise du Covid-19 », constate Sacha Rozencwajg. Selon cet anesthésiste-réanimateur, « le principal changement de paradigme réside dans l’utilisation de son smartphone personnel pour un usage professionnel ».
Au sein de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), Sacha Rozencwajg a développé, dès le mois de mars, Covid-Réa, une plateforme intégrée à l’application Team’Doc – déjà conçue par ses soins en 2016. L’objectif : lier une messagerie et un espace de renseignements en direct pour les soignants. « Il y a eu une déferlante d’infos, de mails et d’affichages, et il nous a fallu créer une bulle de confiance avec les bonnes informations vérifiées en temps réel, dans un espace sécurisé et validé par les instances », relate cet interne. Team’Doc, téléchargeable gratuitement par tous les soignants de l’AP-HP, dont l’inscription est vérifiée grâce à leur adresse mail professionnelle, a été installée plus de 3 500 fois au printemps. Grâce à elle, les médecins retrouvent rapidement les protocoles et les dernières études sur la maladie.
Dans les services de réanimation submergés par les cas graves, les besoins ont engendré de nouveaux usages. Antoine Kimmoun, praticien hospitalier au CHU de Nancy, est ainsi passé de la comptabilisation via WhatsApp des lits de réanimation disponibles dans sa région au développement – en partenariat avec l’Institut national de recherche en sciences et technologies du numérique – d’une application permettant de connaître immédiatement le nombre de places à l’échelle nationale. Loin de vouloir se substituer aux données récupérées par les agences régionales de santé, l’application,nommée Icubam, donne un instantané de la situation dans laquelle se trouvent les services de réanimation grâce à un jeu de couleurs, verte ou rouge. « L’Etat dispose d’un système extrêmement fiable, reposant sur des données consolidées au maximum, mais qui ne sont pas toujours à jour. Icubam actualise en temps réel des informations directement remontées par les soignants des services de réa », détaille le Dr Kimmoun. Une technologie qui est venue en quelque sorte « ubériser » les services déjà développés par l’Etat, ajoute un de ses confrères.
L’hôpital serait-il en train de faire sa mue numérique en accéléré ? « Il fallait que la technologie fasse ses preuves en montrant qu’un usage sécurisé est possible. Mais la résistance est bel et bien en train de faiblir », assure Sacha Rozencwajg. Un virage des personnels soignants qui pourrait bien bouleverser en profondeur les systèmes d’information hospitaliers. ✷