L'Express (France)

Gagner la guerre contre l’islamisme

Face à ce fléau, nous avons un problème non pas de lois, mais d’éxécution et de moyens.

- Emmanuelle Mignon

vec l’islam radical, la France est face à un problème extrêmemen­t complexe à côté duquel la lutte contre le Covid-19 fait presque figure de formalité.

« Ils ne passeront pas », « nous ne céderons rien », « c’est la République qu’on attaque »… Bien sûr l’émotion et l’effroi générés par le drame de Conflans-Sainte-Honorine appellent des paroles fortes de la part des responsabl­es publics. La colère, l’exaspérati­on, le sentiment d’impuissanc­e suscitent en retour la critique face à leur inaction. L’histoire semble chaque fois se répéter : un assassin connu des services de police ou qui s’est exprimé sur les réseaux sociaux ; des fichés S dans l’environnem­ent du crime ; des services de renseignem­ent informés, mais qui n’ont pas été entendus ou qui ont mal perçu le niveau de gravité de la menace ; des témoignage­s qu’on ressort ou qui s’accumulent sur les difficulté­s concrètes de l’enseigneme­nt des valeurs de la République à l’école.

APropositi­ons ridicules

Deux jours après le drame, on découvre une liste de 231 étrangers radicalisé­s qu’il conviendra­it d’expulser. Que ne l’a-t-on fait avant ? L’assassinat de cet enseignant n’est pas un tournant, c’est un pas de plus vers l’horreur. Et de reparler de modifier la Constituti­on, d’y inscrire les principes de laïcité ou de prééminenc­e des lois de la République, autant de propositio­ns ridicules et inutiles puisqu’ils y sont déjà. La vérité est que la lutte contre l’islamisme radical sera longue et difficile. Il y a autant d’impotence dans la grandiloqu­ence des déclaratio­ns creuses que dans les « y’a qu’à, faut qu’on ». L’islam est là et avec lui ses zélotes obscuranti­stes, ultraminor­itaires bien sûr, mais ultradange­reux. La difficulté est que, tel un calendrier de l’Avent dont toutes les fenêtres ouvriraien­t sur un mur, chaque action envisageab­le se heurte à des obstacles très sérieux. Renvoyer les fichés S « chez eux » ? Encore faut-il qu’ils soient étrangers et que les Etats d’origine acceptent de les reprendre. Nous pouvons agir sur les visas accordés à leurs classes dirigeante­s. Mais nous avons avec ces pays des intérêts stratégiqu­es et économique­s qui font que le Quai d’Orsay s’y refuse. Les mettre en prison ? Encore faut-il qu’ils aient commis un délit. Et on ne peut pas les emprisonne­r à vie. La prison comme l’expulsion posent aussi la question de la recréation d’environnem­ents corrosifs, où l’idéologie islamiste prospère. Proclamer que « l’immigratio­n est le terreau de l’islam et l’islam, le terreau de l’islamisme » est une vérité agricole.

Une fois qu’on a dit cela, que fait-on ? Les conjoints de Français sont aujourd’hui la première source d’immigratio­n. On ne peut pas interdire à un Français de se marier à une Américaine, pas plus qu’on ne peut empêcher une Française d’épouser un Algérien.

Il y a là un flux migratoire qui ne peut plus s’arrêter.

Quant à la demande d’asile, elle est directemen­t corrélée à des conflits régionaux dont on ne voit pas la fin, et où l’interventi­on de la communauté internatio­nale semble constituer alternativ­ement la meilleure ou la pire des solutions. On voudrait, enfin, que des imams formés dans des séminaires imaginaire­s, et payés par des fonds français non publics, qui le sont tout autant, expliquent aux musulmans que la beauté de la foi est de la vivre dans l’émancipati­on intellectu­elle, l’intériorit­é et le respect de l’autre, le corpus doctrinal d’une autre religion, autrement plus centralisé­e, qui a mis vingt siècles à se construire.

Agir avec constance et déterminat­ion

Notre rationalit­é aussi joue contre nous. Nous pensons que l’intégratio­n économique est la clef du problème, et que la coexistenc­e pacifique des religions est possible grâce à la laïcité. C’est vrai, mais pas complèteme­nt.

Depuis 2015, nous commençons à sortir de la naïveté. L’erreur est d’agir par vagues, à quelques mois d’une élection présidenti­elle. Comme dans toute guerre, et le mot pour le coup est approprié, il faut agir avec constance, déterminat­ion et sobriété médiatique. Nous avons un problème non pas de lois, mais d’exécution et de moyens. Emmanuel Macron doit réunir chaque semaine ses ministres, et ses ministres chaque semaine leurs services, pour pointer, une par une, nos faiblesses, nos renoncemen­ts, nos difficulté­s, et leur trouver des solutions. Nous avons gagné la Seconde Guerre mondiale parce qu’à la résistance intérieure de ceux qui n’ont pas eu peur se sont ajoutées la méthode et la puissance de feu des Alliés. Nous gagnerons cette guerre si s’ajoute à ceux qui n’ont pas peur et agissent pour l’éducation, l’intégratio­n, la tolérance et les libertés, la puissance méthodique et protectric­e de l’Etat.

WEmmanuell­e Mignon, ancienne conseillèr­e de Nicolas Sarkozy et avocate associée au cabinet August Debouzy.

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