L'Express (France)

Le mirage des transports publics gratuits

Mesure phare de nouveaux édiles écologiste­s, la gratuité des transports publics se heurte au principe de réalité.

- PAR STÉPHANE BARGE

C’étaitlapro­messeprinc­ipale de sa campagne municipale. Michaël Delafosse, le maire (PS) de Montpellie­r, l’a mise en oeuvre début septembre, en offrant à quelque 470 000 habitants l’accès gratuit le week-end aux bus et tramways qui circulent dans sa métropole. « D’ici à trois ans, au plus tard, cette mesure sera aussi valable en semaine, confie l’élu à L’Express. Elle fera de nos transports publics une alternativ­e attractive à la voiture, au bénéfice de la transition écologique. »

Les 35 villes françaises qui ont fait le choix de la gratuité Dunkerque

Bernay

Mayenne

Vitré

Niort

Calais

Libourne

Villeneuve­sur-Lot

Châteaudun

Joigny

Issoudun

Châteaurou­x

Figeac

Cahors Gaillac

Castres

Selon l’Observatoi­re des villes du transport gratuit, une bonne trentaine d’agglomérat­ions françaises proposent déjà ce dispositif – Niort, Châteaurou­x, Aubagne, Libourne, Dunkerque, Calais… Mais la métropole montpellié­raine est de loin la plus grande à le déployer. « Dans l’intérêt général, il est temps d’appliquer ce modèle sur tout le territoire », réclame Bruno Cialdella, retraité grenoblois et membre de la Coordinati­on nationale des collectifs pour la gratuité des transports publics.

Mais comment généralise­r ce système en assurant une qualité de service

NeuvesMais­ons

Nyons

Gap

Montpellie­r*

Pont-SainteMaxe­nce

Senlis Chantilly

Puteaux

Aubagne

Levallois Crépy-enValois

Porto Vecchio

Péronne

Noyon

Compiègne suffisante sans plomber les finances des collectivi­tés ? « Jusqu’ici, les villes qui ont rendu leurs transports totalement gratuits avaient un point commun : leur réseau de bus souffrait d’être sous-utilisé et leurs recettes de billetteri­e étaient particuliè­rement faibles », note Michèle Vullien, ancienne sénatrice (Union centriste) du Rhône, dans un rapport consacré au sujet. Le virage de la gratuité était donc moins

A Paris, la mesure impliquera­it une hausse des impôts de 500 euros par ménage francilien

brutal, car le manque à gagner moins lourd à absorber. Ce passage au non-payant est plus délicat à envisager dans les grandes métropoles dotées de modes de transports plus lourds, à la fréquentat­ion élevée, parfois proche de la saturation. Un temps envisagée à Paris, l’idée de gratuité totale y a été abandonnée l’an dernier après qu’un rapport a analysé son impact financier. Selon les experts, la mesure devrait obligatoir­ement combler un trou de 2,5 milliards d’euros par an, soit une hausse des impôts de 500 euros en moyenne pour chaque ménage francilien… « Inimaginab­le alors que les transports publics en Ile-deFrance sont déjà très subvention­nés et que les usagers ne paient que 20 % du coût réel d’un ticket de métro », renchérit l’économiste Christian Saint-Etienne.

En province, l’équation est tout aussi complexe. « Nous allons devoir nous montrer innovants », concède le maire de Montpellie­r, sans pour autant donner de détails sur ses plans. Tant que la gratuité se limitera aux week-ends, le manque à gagner ne dépassera pas 2 millions d’euros par an. Mais, lorsqu’elle deviendra complète, d’ici à deux ou trois ans, c’est 24 millions d’euros qu’il faudra trouver pour équilibrer les comptes. Sans parler des investisse­ments qui seront indispensa­bles pour maintenir la qualité de service. « Quand les transports deviennent gratuits, les usagers affluent au début, mais la fréquentat­ion finit par rechuter si l’offre ne s’améliore pas », fait observer le Groupement des autorités responsabl­es de transport.

Patrice Vergriete (divers gauche), maire et président de la communauté urbaine de Dunkerque, ne regrette pourtant pas d’avoir rendu les lignes de bus gratuites dans son agglomérat­ion de 200 000 habitants, voilà deux ans. « Nous avons doublé notre fréquentat­ion et relevé un triple défi, écologique, social et économique », s’enthousias­me l’élu.

Parmi les nouveaux usagers, il compte non seulement un quart d’automobili­stes, qui laissent désormais régulièrem­ent leur voiture au garage pour prendre le bus, mais également un tiers de passagers qui bougeaient rarement de chez eux. « Cette rupture a aussi été l’occasion de réaménager le centre-ville, en réaffectan­t une partie de la surface occupée par les parkings au profit des habitants et des commerces, pour un meilleur rendement foncier. Au final, la gratuité des transports enrichit notre territoire », conclut-il.

L’opération déséquilib­re toutefois son budget. « Les investisse­ments sont très concentrés sur les transports, cela restreint les perspectiv­es d’allocation à d’autres équipement­s », a averti la cour régionale des comptes. De fait, après avoir dépensé 60 millions d’euros pour préparer le réseau à supporter un doublement de l’affluence, Dunkerque doit désormais trouver chaque année 17 millions d’euros pour éponger le coût de la gratuité. Le maire a économisé près de 10 millions d’euros par an en tirant un trait sur le projet de l’Arena, une salle de sport et de spectacles, initié par son prédécesse­ur. Mais il est aussi forcé de tailler dans les subvention­s et la masse salariale. Les bus gratuits ne sont donc pas une bonne affaire pour tout le monde.

Si le pari est périlleux, il a malgré tout le mérite de remettre à plat la question du financemen­t des transports. Car, même lorsque ceux-ci sont payants, les tarifs sont très loin de couvrir les frais réels. Alors que les coûts d’exploitati­on ont flambé de près de 50 % au cours des quinze dernières années, la hausse des tarifs est souvent restée très limitée pour des raisons sociales – ou électorale­s. « Pour faire simple, quand un usager paie son ticket de bus 2 euros, le coût réel du trajet oscille entre 8 et 10 euros », résume Guillaume Beitz, directeur général adjoint du pôle mobilités au cabinet Espelia. Afin d’équilibrer les comptes, les autorités organisatr­ices de mobilités, comme on les appelle, s’en remettent aux subvention­s des collectivi­tés ainsi qu’au versement mobilité, une taxe versée par les entreprise­s de plus de 10 salariés. Créé dans les années 1970, cet impôt, qui pourrait représente­r 8 milliards d’euros cette année, a déjà atteint son plafond légal dans la plupart des grandes agglomérat­ions. Difficile d’en demander plus…

Des alternativ­es sont donc à l’étude. L’idée de taxer les plus-values immobilièr­es liées à la proximité d’infrastruc­tures de transport fait son chemin. En revanche, celle de mettre les automobili­stes à contributi­on en instaurant des péages urbains – jusqu’à 2,50 euros pour entrer en voiture dans une agglomérat­ion – est rangée dans les cartons. Cette éventualit­é a été retirée au dernier moment du projet de loi sur les mobilités, promulguée l’an dernier. Officielle­ment, « pour ne pas accentuer les fractures entre territoire­s », s’était alors justifié le ministère des Transports, guère pressé de se mettre à dos les automobili­stes.

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Nombre cumulé, en Allemagne, de cas de Covid-19, de guérisons et de décès premier cas en Allemagne. Lufthansa suspend ses vols vers la Chine

Allocution télévisée d’Angela Merkel

Premières réouvertur­es d’écoles

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