La grande distribution a-t-elle tenu ses promesses ?
Auchan ou Carrefour avaient annoncé une récompense pour leurs salariés les plus exposés. Mais ces derniers n’ont pas tous été soumis au même régime.
Récompenser les héros. Le 20 mars, au plus fort de la crise sanitaire, le ministre de l’Economie Bruno Le Maire invitait les entreprises à verser une prime de 1 000 euros net défiscalisée aux salariés venant au travail « parfois la peur au ventre ». Quelques jours plus tard, les acteurs de la grande distribution la promettaient de manière tonitruante. Auchan annonçait son versement à 65 000 collaborateurs pour saluer « leur exceptionnel engagement », suivi de peu par Carrefour.
De quoi mettre du beurre dans les épinards de ces caissières, agents de sécurité et magasiniers aux salaires modestes. En théorie. Sept mois plus tard, on constate que tous n’ont pas été logés à la même enseigne. « Cela a créé beaucoup d’incompréhension et de colère car la prime a été versée selon le bon vouloir des entreprises », déplore
Cyril Chabanier, président de la CFTC. « Dans les commerces intégrés (Auchan, Carrefour…), la plupart des employés l’ont perçue, résume Carole Desiano, secrétaire fédérale de la FGTA-FO. Mais pas forcément chez les indépendants (Leclerc, Système U, Les Mousquetaires), où le patron du magasin est maître à bord. » Si aucune statistique n’existe, on serait loin toutefois des 1 000 euros promis. Selon le cabinet d’audit Deloitte, la grande distribution a versé plus de primes Macron que les autres secteurs, mais avec des sommes moindres (un montant médian de 301 euros, contre 327 euros en général).
A Auchan, la prime a bien été versée à 65 000 collaborateurs, affirme la direction. Mais « elle a été proratisée pour ceux ayant travaillé moins de 28 heures par semaine, ce qui a été vécu comme une vraie injustice », déplore Eric Romagné, délégué syndical Unsa. Même amertume à Monoprix. « Dans mon magasin, à Issy-les-Moulineaux, seuls 13 salariés sur 57 ont touché les 1 000 euros », s’indigne Alain Tsamas, délégué syndical CGT. A Carrefour, les syndicats le reconnaissent : la direction a joué le jeu. « Les 85 000 collaborateurs en CDI, CDD, alternance – et ceux en intérim – présents à l’effectif le 12 mars, ont touché la prime », affirme l’enseigne. Elle n’était ni conditionnée ni proratisée. Seulement voilà : « L’annonce d’Alexandre Bompard nous a mis en porte-à-faux car elle ne concernait que les magasins intégrés », tempête Franck Friquet, gérant du Carrefour Contact à Sceysur-Saône (Haute-Saône). Pour que ses six salariés ne soient pas oubliés, cet indépendant a ouvert une cagnotte Leetchi, qu’il a doublée sur les comptes du magasin. Résultat : chacun a reçu 400 euros.
Du cas par cas, c’est aussi la situation des 650 magasins Leclerc. Conséquence : « La direction de Lunéville (Meurthe-etMoselle) a accordé la prime et ça a fait du bien aux salariés », se félicite Béatrice Matton, déléguée syndicale CFDT. Mais à 30 kilomètres de là, au centre Leclerc de Toul, c’est une tout autre histoire que raconte Stéphane Petitdemange. « Pour que ça lui coûte le moins possible, le patron a divisé la prime par le nombre de jours ouvrés et a donné 23 euros par jour de présence, à condition d’être dans les effectifs le 28 août ! Certains se sont sentis lésés », rapporte l’élu CFDT, qui dit attendre beaucoup des revalorisations promises par l’exécutif pendant la crise. Elles sont, pour l’heure, au point mort.
W
du 7 au 14 octobre