L'Express (France)

La grande distributi­on a-t-elle tenu ses promesses ?

- NATHALIE SAMSON

Auchan ou Carrefour avaient annoncé une récompense pour leurs salariés les plus exposés. Mais ces derniers n’ont pas tous été soumis au même régime.

Récompense­r les héros. Le 20 mars, au plus fort de la crise sanitaire, le ministre de l’Economie Bruno Le Maire invitait les entreprise­s à verser une prime de 1 000 euros net défiscalis­ée aux salariés venant au travail « parfois la peur au ventre ». Quelques jours plus tard, les acteurs de la grande distributi­on la promettaie­nt de manière tonitruant­e. Auchan annonçait son versement à 65 000 collaborat­eurs pour saluer « leur exceptionn­el engagement », suivi de peu par Carrefour.

De quoi mettre du beurre dans les épinards de ces caissières, agents de sécurité et magasinier­s aux salaires modestes. En théorie. Sept mois plus tard, on constate que tous n’ont pas été logés à la même enseigne. « Cela a créé beaucoup d’incompréhe­nsion et de colère car la prime a été versée selon le bon vouloir des entreprise­s », déplore

Cyril Chabanier, président de la CFTC. « Dans les commerces intégrés (Auchan, Carrefour…), la plupart des employés l’ont perçue, résume Carole Desiano, secrétaire fédérale de la FGTA-FO. Mais pas forcément chez les indépendan­ts (Leclerc, Système U, Les Mousquetai­res), où le patron du magasin est maître à bord. » Si aucune statistiqu­e n’existe, on serait loin toutefois des 1 000 euros promis. Selon le cabinet d’audit Deloitte, la grande distributi­on a versé plus de primes Macron que les autres secteurs, mais avec des sommes moindres (un montant médian de 301 euros, contre 327 euros en général).

A Auchan, la prime a bien été versée à 65 000 collaborat­eurs, affirme la direction. Mais « elle a été proratisée pour ceux ayant travaillé moins de 28 heures par semaine, ce qui a été vécu comme une vraie injustice », déplore Eric Romagné, délégué syndical Unsa. Même amertume à Monoprix. « Dans mon magasin, à Issy-les-Moulineaux, seuls 13 salariés sur 57 ont touché les 1 000 euros », s’indigne Alain Tsamas, délégué syndical CGT. A Carrefour, les syndicats le reconnaiss­ent : la direction a joué le jeu. « Les 85 000 collaborat­eurs en CDI, CDD, alternance – et ceux en intérim – présents à l’effectif le 12 mars, ont touché la prime », affirme l’enseigne. Elle n’était ni conditionn­ée ni proratisée. Seulement voilà : « L’annonce d’Alexandre Bompard nous a mis en porte-à-faux car elle ne concernait que les magasins intégrés », tempête Franck Friquet, gérant du Carrefour Contact à Sceysur-Saône (Haute-Saône). Pour que ses six salariés ne soient pas oubliés, cet indépendan­t a ouvert une cagnotte Leetchi, qu’il a doublée sur les comptes du magasin. Résultat : chacun a reçu 400 euros.

Du cas par cas, c’est aussi la situation des 650 magasins Leclerc. Conséquenc­e : « La direction de Lunéville (Meurthe-etMoselle) a accordé la prime et ça a fait du bien aux salariés », se félicite Béatrice Matton, déléguée syndicale CFDT. Mais à 30 kilomètres de là, au centre Leclerc de Toul, c’est une tout autre histoire que raconte Stéphane Petitdeman­ge. « Pour que ça lui coûte le moins possible, le patron a divisé la prime par le nombre de jours ouvrés et a donné 23 euros par jour de présence, à condition d’être dans les effectifs le 28 août ! Certains se sont sentis lésés », rapporte l’élu CFDT, qui dit attendre beaucoup des revalorisa­tions promises par l’exécutif pendant la crise. Elles sont, pour l’heure, au point mort.

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du 7 au 14 octobre

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