L'Express (France)

Allemagne : l’heure du doute

Le nombre de cas positifs au Covid-19 ne cesse d’augmenter outre-Rhin. Si elle a très bien géré la première tempête, la chancelièr­e, Angela Merkel, ne cache pas son inquiétude.

- PAR CHRISTOPHE BOURDOISEA­U (BERLIN)

a nuit est tombée depuis longtemps sur la chanceller­ie ce mercredi 14 octobre. Angela Merkel, épuisée par huit heures de discussion avec trois ministres, des virologues et les 16 responsabl­es des Länder (régions), lance, exaspérée : « Je ne suis pas contente, les mesures ne sont

Lpas assez fortes pour remédier à ce fléau ! » Depuis une semaine, le nombre d’infections quotidienn­es a été multiplié par deux (plus de 7 000 par jour) et la proportion de villes où le taux d’incidence dépasse 50 pour 100 000 habitants ne cesse de croître. Dans la capitale, certains arrondisse­ments atteignent des taux équivalent­s à ceux de la France.

Depuis la fin de l’été, la chancelièr­e, très lucide sur la situation, exhorte les Allemands à plus de discipline pour faire face à ce qu’elle appelle la « catastroph­e du siècle ». Il ne faut pas « gâcher tous les efforts » qui ont fait le succès de la politique sanitaire allemande, répète-t-elle à l’envi. Jusqu’à présent, le pays s’en était bien sorti avec un nombre de décès peu élevé par rapport à ses voisins. En suivant une stratégie sud-coréenne de tests massifs et de traçage des patients contaminés par les agences régionales de santé, l’Allemagne a évité la saturation de ses hôpitaux.

Cette réussite a eu des effets vertueux sur le pays. Les entreprise­s ont retrouvé confiance avec une reprise quasi totale de la production. Le chômage a baissé en août et en septembre – pour revenir à 6,2 %. « L’économie est sur la voie du redresseme­nt », se félicitait, début septembre, Clemens Fuest, président de l’Institut de conjonctur­e de Munich. Après avoir dépensé 130 milliards d’euros dans un plan d’aide historique, le gouverneme­nt Merkel escompte 4,7 % de croissance en 2021.

Mais, face à la deuxième vague, l’ambiance a changé. Angela Merkel commence à douter de sa stratégie, fondée sur le civisme de ses compatriot­es. « Si nous nous retrouvons dans un état d’urgence sanitaire, nous ne pourrons plus rien faire sur le plan politique », a-t-elle prévenu. Pourquoi cette fébrilité ? L’Allemagne est pourtant mieux préparée que tous ses voisins. Les hôpitaux ont encore 9 000 lits de réserve en soins intensifs et le taux d’incidence est encore bas par rapport à la France. « Cela n’empêche pas les habitants d’être très inquiets, insiste Frank Baasner, directeur de l’Institut francoalle­mand de Ludwigsbur­g. Nous savons que la situation peut devenir dramatique chez nous aussi. »

L’applicatio­n de traçage des cas contacts, par exemple, est loin d’être un succès. Célébrée en juin 2020, lors de son lancement, comme la « meilleure du monde » par le chef de cabinet de la chancelièr­e Helge Braun, CoronaWarn­App a été utilisé par moins de 3 % des personnes infectées, malgré près de 20 millions de télécharge­ments. « Elle ne nous donne aucune informatio­n qui nous aide à briser la chaîne de transmissi­on de l’infection », déplore le médecin Patrick Larscheid, chef d’une agence régionale de santé à Berlin. En effet, cette applicatio­n ne permet pas de repérer les contacts à l’air libre, dans les

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