Allemagne : l’heure du doute
Le nombre de cas positifs au Covid-19 ne cesse d’augmenter outre-Rhin. Si elle a très bien géré la première tempête, la chancelière, Angela Merkel, ne cache pas son inquiétude.
a nuit est tombée depuis longtemps sur la chancellerie ce mercredi 14 octobre. Angela Merkel, épuisée par huit heures de discussion avec trois ministres, des virologues et les 16 responsables des Länder (régions), lance, exaspérée : « Je ne suis pas contente, les mesures ne sont
Lpas assez fortes pour remédier à ce fléau ! » Depuis une semaine, le nombre d’infections quotidiennes a été multiplié par deux (plus de 7 000 par jour) et la proportion de villes où le taux d’incidence dépasse 50 pour 100 000 habitants ne cesse de croître. Dans la capitale, certains arrondissements atteignent des taux équivalents à ceux de la France.
Depuis la fin de l’été, la chancelière, très lucide sur la situation, exhorte les Allemands à plus de discipline pour faire face à ce qu’elle appelle la « catastrophe du siècle ». Il ne faut pas « gâcher tous les efforts » qui ont fait le succès de la politique sanitaire allemande, répète-t-elle à l’envi. Jusqu’à présent, le pays s’en était bien sorti avec un nombre de décès peu élevé par rapport à ses voisins. En suivant une stratégie sud-coréenne de tests massifs et de traçage des patients contaminés par les agences régionales de santé, l’Allemagne a évité la saturation de ses hôpitaux.
Cette réussite a eu des effets vertueux sur le pays. Les entreprises ont retrouvé confiance avec une reprise quasi totale de la production. Le chômage a baissé en août et en septembre – pour revenir à 6,2 %. « L’économie est sur la voie du redressement », se félicitait, début septembre, Clemens Fuest, président de l’Institut de conjoncture de Munich. Après avoir dépensé 130 milliards d’euros dans un plan d’aide historique, le gouvernement Merkel escompte 4,7 % de croissance en 2021.
Mais, face à la deuxième vague, l’ambiance a changé. Angela Merkel commence à douter de sa stratégie, fondée sur le civisme de ses compatriotes. « Si nous nous retrouvons dans un état d’urgence sanitaire, nous ne pourrons plus rien faire sur le plan politique », a-t-elle prévenu. Pourquoi cette fébrilité ? L’Allemagne est pourtant mieux préparée que tous ses voisins. Les hôpitaux ont encore 9 000 lits de réserve en soins intensifs et le taux d’incidence est encore bas par rapport à la France. « Cela n’empêche pas les habitants d’être très inquiets, insiste Frank Baasner, directeur de l’Institut francoallemand de Ludwigsburg. Nous savons que la situation peut devenir dramatique chez nous aussi. »
L’application de traçage des cas contacts, par exemple, est loin d’être un succès. Célébrée en juin 2020, lors de son lancement, comme la « meilleure du monde » par le chef de cabinet de la chancelière Helge Braun, CoronaWarnApp a été utilisé par moins de 3 % des personnes infectées, malgré près de 20 millions de téléchargements. « Elle ne nous donne aucune information qui nous aide à briser la chaîne de transmission de l’infection », déplore le médecin Patrick Larscheid, chef d’une agence régionale de santé à Berlin. En effet, cette application ne permet pas de repérer les contacts à l’air libre, dans les