L'Express (France)

Le chercheur allemand qui fait trembler Pékin

Adrian Zenz a été le premier à démontrer l’ampleur de la répression des Ouïgours dans le Xinjiang. Il multiplie depuis les révélation­s glaçantes sur cette région devenue un Etat policier.

- PAR CYRILLE PLUYETTE

hao Lijian, le très virulent porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, lui a conseillé, cet été, de « faire marche arrière » et de rectifier ses « fautes », car « qui est injuste est voué à la destructio­n ». Sur la même ligne, la presse officielle le décrit comme un « chrétien d’extrême droite » qui fabrique des rapports « pleins de mensonges » pour le compte des « forces antichinoi­ses ». Adrian Zenz, chercheur allemand indépendan­t qui déstabilis­e à lui

Zseul la superpuiss­ance chinoise, est l’homme qui a révélé au monde l’ampleur du drame qui se joue dans le Xinjiang, province chinoise située aux confins de l’Asie centrale, où vivent 14 millions de musulmans – dont 11 millions de Ouïgours. Dès 2018, il estime que plusieurs centaines de milliers, voire plus d’1 million d’entre eux, ont été envoyés dans des camps de « rééducatio­n » dans cette zone semi-désertique, grande comme deux fois et demie la France. Des chiffres qui font autorité dans les pays occidentau­x. Décidé en dehors de toute procédure légale, l’internemen­t vise à remodeler les idées politiques des détenus et à les inciter à renoncer à leur foi musulmane et à leur culture.

A 45 ans, la bête noire de Pékin, qui multiplie les rapports chocs, n’est ni un homme de terrain – il n’a mis les pieds dans le Xinjiang qu’une seule fois, en 2007, comme touriste – ni un génie de l’informatiq­ue. Juste un enquêteur obstiné, doté d’un redoutable flair. Ses atouts ? Il sait parfaiteme­nt lire le mandarin et s’est familiaris­é avec la rhétorique coercitive du Parti communiste chinois (PCC) quand, étudiant en anthropolo­gie à l’université de Cambridge, au Royaume-Uni, il a mené ses recherches de doctorat au Tibet.

Alerté par des premiers témoignage­s, il décide, début 2018, de décortique­r depuis son appartemen­t à Korntal-Münchingen, près de Stuttgart, des documents et rapports publiés en ligne par les autorités locales du Xinjiang. « J’ai effectué un travail de détective : le puzzle était là, disséminé, mais il fallait trouver les preuves, les rassembler et comprendre leur significat­ion. Ce qui suppose une grande attention portée aux détails et une bonne connaissan­ce du vocabulair­e utilisé par le régime », indique, par téléphone, Adrian Zenz. Il a, entre autres, analysé des dizaines d’appels d’offres liés à la création de camps de rééducatio­n, dont beaucoup contiennen­t des équipement­s de sécurité (murs d’enceinte, clôtures, fil de fer barbelé, systèmes de surveillan­ce, ou encore miradors).

Plusieurs universita­ires spécialist­es du Xinjiang soulignent l’importance et la rigueur du travail du chercheur allemand, qui a témoigné à deux reprises devant le Congrès américain. « Adrian a mis en lumière des données concrètes et des statistiqu­es qui renseignai­ent sur l’échelle et la nature de la répression des musulmans dans le Xinjiang, mais aussi sur la croissance exponentie­lle des dépenses de sécurité publique et de recrutemen­t de policiers dans cette région », résume Michael Clarke, professeur à l’Université nationale australien­ne.

Les images satellites ont confirmé l’existence de ces camps, dont beaucoup se sont agrandis. Près de 400 ont été construits dans cette province, selon une récente étude de l’Institut australien de stratégie politique. De nombreux anciens détenus ont aussi raconté – notamment à l’auteur de ces lignes, en 2018 et en 2019 – leur cauchemar : ils ont subi un véritable lavage de

cerveau et des mauvais traitement­s dans des lieux ressemblan­t à des prisons. Certains ont été affectés à des usines pour du travail forcé.

Adrian Zenz, qui s’est installé en 2019 aux Etats-Unis, dans le Minnesota, a aussi mis en exergue, en juillet dernier, une terrible campagne de stérilisat­ion ciblant les femmes musulmanes. « Frappé par un fort ralentisse­ment de la croissance démographi­que des Ouïgours, dit-il, je me suis intéressé à la politique de contrôle des naissances de la région, à partir de documents non publics. » Il découvre que les autorités de quatre préfecture­s du sud du Xinjiang prévoyaien­t en 2019 de soumettre au moins 80 % des femmes à des interventi­ons en vue de les empêcher d’enfanter (pose de stérilet ou ligature des trompes). Et dénonce un « génocide démographi­que ». Cette étude semble avoir accéléré la prise de conscience internatio­nale. Le 6 octobre, aux Nations unies, 39 pays occidentau­x déclarent être « gravement préoccupés par l’existence d’un large réseau de camps de rééducatio­n politique ». Le Royaume-Uni évoque la possibilit­é de boycotter les Jeux olympiques d’hiver de 2022, organisés par la Chine.

Face à l’accumulati­on de preuves, Pékin – après avoir longtemps nié – a fini par admettre l’existence d’un dispositif visant les musulmans. Mais les autorités soutiennen­t qu’il s’agit de « centres éducatifs et de formation profession­nelle », destinés à lutter contre l’extrémisme religieux et le terrorisme – après une vague d’attentats dans cette partie du territoire en 2013 et 2014 –, où des « stagiaires » épanouis apprennent un travail.

Dans sa dernière enquête, publiée fin septembre, Adrian Zenz démontre que certaines méthodes de répression observées dans le Xinjiang concernent aussi le Tibet. Plus d’un demi-million de Tibétains ruraux ont été envoyés cette année suivre des « formations profession­nelles » dans des centres de type militaire, avant d’être, pour des dizaines de milliers d’entre eux, orientés vers des usines de la région ou du reste de la Chine. L’objectif ? Renforcer leur « faible discipline de travail » et réformer « leur mentalité arriérée », selon les documents officiels.

Face aux protestati­ons internatio­nales, Pékin cherche à décrédibil­iser le spécialist­e allemand en le présentant comme un illuminé agressif. Le quadragéna­ire, allure sage et lunettes rectangula­ires, assure que sa foi chrétienne le pousse non pas à agir « contre la Chine » mais à défendre les droits humains. « Je me sens utilisé par Dieu pour dévoiler ce qui se passe dans le Xinjiang », admet cet homme pour le moins singulier, qui confie avoir parfois été ému aux larmes en écrivant ses articles. Celui qui a rejoint

Kabukicho n’a jamais vu ça. Le quartier chaud de l’arrondisse­ment de Shinjuku, à Tokyo, a perdu ses touristes et ses visiteurs du soir, qui envahissai­ent, la nuit venue, ses bars à filles ou ses « host clubs » masculins. En cette soirée d’octobre, les immenses portraits des hôtes et hôtesses du Royal Salon Donfin ou du Fourty Five fixent des rues désertes. Des rabatteurs habillés de noir s’extasient devant une Harley customisée gothique. « C’est triste et trop calme », regrette l’un d’eux.

Comme dans le reste du Japon, le mizushobai (le « commerce de l’eau », expression désignant le monde de la nuit) souffre depuis le début de la pandémie de la désertion des clients, à laquelle s’ajoute une véritable stigmatisa­tion de la part des autorités. La gouverneur­e de Tokyo, Yuriko Koike, considère ainsi le monde de la nuit comme l’un des principaux foyers de contaminat­ion.

Les clubs ont subi les couvre-feux à 22 heures, toujours « demandés », jamais « imposés », au printemps et durant l’été, et n’ont pu bénéficier des aides gouverneme­ntales. Un rude coup l’an dernier la Fondation commémorat­ive des victimes du communisme (un cercle de réflexion créée en 1993 à la suite d’une loi votée par le Congrès américain), affirme avoir la même liberté de choix de ses sujets.

Adrien Zenz planche actuelleme­nt sur deux nouveaux rapports, se lève tôt – ce qui lui permet de discuter avec des journalist­es en Chine – et aime marcher en forêt. Pour des raisons de sécurité, il préfère ne pas donner de détails sur son cadre de vie. Le chercheur, qui compare les exactions commises dans le Xinjiang à celles de l’Allemagne nazie, se désole du manque de fermeté de la communauté internatio­nale. « L’Histoire nous jugera : comment de telles dérives ont pu se produire à nouveau ? L’humanité répète ses erreurs. »

WIl dénonce un « génocide démographi­que », et aide à la prise de conscience internatio­nale

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Au siège européen des Nations unies, à Genève,en mars 2019.

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